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Les journalistes mobilisés pour un traitement plus équilibré de la migration de travail en Afrique

Dans un contexte où la migration de travail en Afrique suscite de plus en plus d’intérêt et de débats, un atelier de renforcement des capacités des journalistes et des éditeurs se tient à Dakar du 5 au 7 août 2024. Organisé par la Commission de l’Union africaine en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la Fédération des journalistes africains (FAJ) et la participation du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), cet événement a mis en lumière les enjeux complexes de la mobilité humaine sur le continent. Alors que les flux migratoires irréguliers captent l’attention médiatique, ils ne représentent qu’une infime partie des réalités migratoires. Face à cette situation, les experts et les participants ont souligné l’importance d’une communication positive et pragmatique sur la gouvernance de la migration de main-d’œuvre.

Se déroulant du 5 au 7 août 2024 à Dakar, l’atelier de renforcement des capacités des journalistes sur la gouvernance de la migration de la main-d’œuvre en Afrique met en lumière les enjeux complexes de la mobilité humaine. Organisé par la Commission de l’Union africaine, l’OIM et la FAJ, l’événement qui a connu la participation de représentants du Syndicat national de la presse marocaine a souligné l’importance d’une communication positive sur ce sujet souvent mal représenté. L’atelier a été une occasion pour les journalistes, venant de différents pays africains, aux côtés des experts de l’Union africaine et de l’OIM, d’explorer les multiples facettes de la migration de travail, ses impacts sur le développement, les défis à relever et les initiatives prometteuses, notamment le JLMP (Programme sur la gouvernance de la migration du travail pour le développement et l’intégration en Afrique), tout en soulignant le rôle crucial des médias dans la construction d’un narratif équilibré.

La migration de travail en Afrique : un phénomène complexe aux multiples visages

La migration de la main-d’œuvre en Afrique est un phénomène complexe qui ne peut être réduit à une simple image monolithique. Comme l’a souligné Omar Faruk Osman, président de la Fédération des journalistes africains (FAJ), lors de son discours d’ouverture à l’atelier de Dakar, «la migration est un aspect dynamique et essentiel de notre monde globalisé, particulièrement en Afrique». Cette réalité multiforme contribue significativement au développement économique et social des pays d’origine et de destination.

Selon les données présentées lors de l’atelier, la migration de travail en Afrique est principalement intra-régionale, représentant environ 80% des flux migratoires sur le continent. Une réalité qui casse l’idée courante que les africains migrent massivement vers l’Occident. Cette migration est caractérisée par le déplacement de travailleurs peu qualifiés, qui répondent souvent à des besoins spécifiques des marchés de travail locaux. Comme l’a expliqué M. Osman, «les travailleurs migrants comblent souvent des lacunes vitales sur les marchés du travail, envoient des fonds qui soutiennent les familles et les communautés dans leur pays d’origine et facilitent l’échange de compétences et de connaissances».

Cependant, la réalité de la migration de travail en Afrique ne se limite pas aux frontières du continent. Les statistiques disponibles montrent que les pays du Golfe sont devenus une destination importante pour les travailleurs migrants africains. Cette tendance soulève de nouvelles questions quant à la protection des droits des travailleurs et à la nécessité de renforcer la coopération entre l’Afrique et les pays du Golfe pour améliorer les conditions de travail et élargir les voies de migration régulière. Par ailleurs, les flux migratoires traditionnels vers l’Europe et l’Amérique du Nord (à hauteur de seulement 20%) restent une réalité pour de nombreux Africains en quête d’opportunités économiques. Cette diversité des destinations et des motivations souligne la complexité du phénomène migratoire africain et la nécessité d’une approche nuancée dans sa compréhension et sa gestion.

Les défis et les opportunités de la migration de travail en Afrique

La migration de travail en Afrique, bien qu’offrant de nombreuses opportunités, présente également des défis considérables pour les pays d’origine et de destination. L’un des principaux moteurs de cette migration est la pression démographique due à une population jeune, combinée à un taux élevé de chômage et de sous-emploi. Cette situation pousse de nombreux jeunes Africains à chercher des opportunités économiques au-delà de leurs frontières nationales.

Odette Bolly, coordinatrice du Programme conjoint sur la gouvernance de la migration du travail (JLMP) de l’Union africaine, a mis en avant l’approche collaborative et inclusive du programme. Elle a déclaré : «Le JLMP s’engage à soutenir la gouvernance de la migration du travail grâce à l’expertise technique, au renforcement des capacités, au soutien politique, à la coopération et à la défense des intérêts». Cette approche vise à créer un environnement favorable qui favorise des opportunités équitables à la fois pour les travailleurs migrants et les communautés d’accueil, garantissant ainsi des résultats durables.

Cependant, la migration de travail n’est pas sans risques. Comme l’a souligné M. Osman, «ce processus présente également des défis tels que le risque d’exploitation, la traite des êtres humains et la protection inadéquate des droits des travailleurs migrants». Ces problématiques nécessitent une attention particulière et des politiques adaptées pour garantir la sécurité et le bien-être des travailleurs migrants. Un autre défi majeur est celui de la «fuite des cerveaux». De nombreux professionnels hautement qualifiés quittent leurs pays d’origine à la recherche de meilleures opportunités, ce qui entraîne une perte de talents et d’expertise pour les pays africains. Cette situation souligne la nécessité de politiques de rétention des talents et de création d’opportunités attractives sur le continent.

Le rôle crucial des médias dans la construction d’un narratif équilibré

Les médias jouent un rôle fondamental dans la formation de l’opinion publique et dans l’orientation des politiques en matière de migration de travail. Lors de l’atelier de Dakar, les experts ont insisté sur l’importance d’une communication positive et équilibrée sur ce sujet complexe. Omar Faruk Osman a mis l’accent sur la responsabilité des journalistes dans ce domaine : «En tant que journalistes, nous possédons le pouvoir de façonner le discours public et d’influencer les perceptions. Par conséquent, notre rôle dans la couverture de la migration de travail ne peut être surestimé. Nous devons nous efforcer de présenter des récits précis, équilibrés et complets qui reflètent les complexités de cette question».

M. Osman a également souligné l’importance de combattre les stéréotypes négatifs qui entourent souvent la migration : «En mettant en lumière les avantages de la migration régulière et les contributions des travailleurs migrants à leurs pays d’accueil et d’origine, les journalistes peuvent favoriser un discours public plus éclairé et équilibré». Cette approche ne se contente pas de contrer les stéréotypes négatifs, mais promeut également des politiques qui protègent les droits des travailleurs migrants et valorisent leurs contributions à la société.

Les défis auxquels sont confrontés les journalistes dans la couverture de la migration ont également été abordés. De nombreux journalistes ont insisté sur «le manque de données complètes, l’utilisation de terminologies incorrectes et le risque de perpétuer des stéréotypes» comme des obstacles courants. Cependant, ils ont appelé à surmonter ces défis grâce à des efforts collectifs et à la collaboration. Ce qui pourra être encouragé grâce à la création d’un réseau qui devra être constitué par les journalistes africains dans le but de «construire un narratif équilibré».

Le Programme JLMP : une initiative phare pour la gouvernance de la migration de travail

Par ailleurs, lors de cet atelier, un zoom particulier a été mis sur le JLMP. Ce Programme conjoint sur la gouvernance de la migration du travail pour le développement et l’intégration en Afrique est une initiative qui vise à relever les défis de la migration de travail sur le continent. Ce programme, fruit d’une collaboration entre la Commission de l’Union africaine, l’Organisation internationale du travail, l’Organisation internationale pour les migrations et la Commission économique pour l’Afrique, s’inscrit dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et des Objectifs de développement durable des Nations unies. Une occasion que les organisateurs ont saisie pour demander aux journalistes de se pencher le contenu et les objectifs de l’Agenda 2063.

Le JLMP se concentre sur deux aspects principaux : un volet de gouvernance qui traite des lois, des politiques et du renforcement des institutions, et un volet opérationnel qui aborde les questions de travail décent, de développement des compétences, de portabilité des qualifications et de protection des travailleurs migrants. La stratégie du programme JLMP s’articule autour de plusieurs axes complémentaires, formant un cadre d’action cohérent et ambitieux. Elle vise à renforcer la capacité des États membres et des Communautés économiques régionales en matière de gouvernance et de réglementation de la migration de travail, tout en apportant un soutien concret aux travailleurs migrants pour faciliter leur accès à la protection sociale et la reconnaissance de leurs compétences.

Le programme met également l’accent sur l’importance d’une gestion de la migration basée sur des données probantes, permettant ainsi des décisions éclairées et efficaces. Enfin, le JLMP assure le pilotage, la coordination et la mise en œuvre effective des diverses initiatives liées à la migration de travail, garantissant ainsi une approche intégrée et cohérente face aux défis et opportunités que présente ce phénomène complexe.

Le cas du Maroc : des avancées significatives dans la gestion de la migration de travail

Dressant le bilan de ce programme en Afrique, Odette Bolly, coordinatrice du Programme, a évoqué les actions menées au Maroc. À ce propos, le Maroc se distingue par ses efforts et ses initiatives en matière de gestion de la migration de travail. Dans le cadre du programme, plusieurs actions concrètes ont été entreprises pour améliorer la gouvernance de la migration de travail dans le pays.

Une étude menée en collaboration avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) sur les conditions de travail des travailleurs migrants dans le secteur de la construction est en cours de finalisation. Cette étude, dont la validation était prévue pour fin juillet 2024, devrait fournir des informations précieuses sur la situation des travailleurs migrants dans l’un des secteurs clés de l’économie marocaine. Par ailleurs, une étude sur les agences privées d’emploi au Maroc est également en cours. La phase de consultation est terminée et la validation est prévue pour les 24 et 25 septembre 2024. Cette initiative vise à mieux comprendre et réguler le rôle des agences privées dans le recrutement et le placement des travailleurs migrants.

Un autre aspect particulièrement important des efforts du Maroc concerne le renforcement des capacités en matière de collecte et d’analyse des données sur le marché du travail. Une session de formation, organisée en étroite coordination avec le Haut-Commissariat au Plan, s’est tenue à Rabat le 9 février 2024. Cette initiative vise à améliorer la qualité et la fiabilité des statistiques sur la migration internationale de la main-d’œuvre, un élément crucial pour l’élaboration de politiques efficaces.

Vers une gouvernance intégrée et humaine de la migration en Afrique

Les échanges ayant eu lieu lors de cet atelier de formation tenu à Dakar ont insisté sur un message central : l’avenir de la narration sur la migration de travail en Afrique est entre les mains des journalistes. Cet atelier a non seulement fourni aux participants les outils nécessaires pour aborder ce sujet complexe, mais a également souligné l’importance cruciale d’un traitement équilibré de la migration. Il ne s’agit plus de se focaliser uniquement sur les aspects négatifs, mais de présenter une image complète qui inclut les opportunités, les succès et les contributions positives des travailleurs migrants. Les récits d’espoir, de réussite et de développement existent, et il est du devoir des journalistes de les mettre en lumière.
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