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Lundi 17 Mars 2025
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Migration en Afrique : vers un récit d’espoir et de succès

Longtemps enfermée dans des récits négatifs, la migration africaine est trop souvent présentée sous l’angle des tragédies et des échecs. Pourtant, derrière ces images sombres se cachent des histoires de réussite et d’innovation que les médias africains peinent encore à valoriser. Réunis à Addis-Abeba lors d’un atelier organisé par l’Union africaine (UA), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la Fédération des journalistes africains (FAJ), six journalistes du Réseau des journalistes africains sur la migration de main-d’œuvre, représentant les cinq régions du continent, ont appelé à une nouvelle approche médiatique. En valorisant les parcours positifs, en donnant la parole aux migrants eux-mêmes et en combattant les stéréotypes, ils entendent transformer le récit migratoire africain en une histoire d’espoir, de résilience et de succès.

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La migration africaine est trop souvent associée à des récits négatifs : exploitation, abus, tragédies en mer... Pourtant, derrière ces images sombres se cachent des histoires de réussite, d’innovation et de contributions majeures à l’économie mondiale. Lors d’un atelier organisé au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba les 12 et 13 mars, six journalistes africains représentant les cinq régions du continent, à côté du président de la Fédération des journalistes africains (FAJ), se sont réunis pour repenser la façon dont la migration est racontée. Initié par l’Union africaine (UA) en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la FAJ, cet événement a souligné la nécessité pour les médias de montrer un visage plus équilibré et authentique de la migration africaine. Entre témoignages poignants et échanges stratégiques, les intervenants ont rappelé l’urgence de déconstruire les stéréotypes et de mettre en avant les contributions positives des migrants africains dans le monde.

L’Afrique n’est pas un continent de «désespoir»

«L’Afrique n’est pas un continent de désespoir, mais un continent d’espoir et de réussite.» C’est par ces mots que Dr Sabelo Mbokazi, chef de la Division du travail, de l’emploi et de la migration de l’Union africaine, a ouvert les débats lors de l’atelier organisé à Addis-Abeba. Face à l’assistance attentive composée des six représentants des médias et des experts de l’UA de la migration, il a dénoncé la dépendance excessive des médias africains aux récits occidentaux qui véhiculent souvent une image déformée du continent. «Nos histoires sont racontées à travers le prisme de la crise, de l’exploitation et des drames humains, a-t-il déploré. Pourtant, notre continent regorge d’exemples de réussite, d’innovation et de solidarité qui méritent d’être mis en avant».



«Nous avons échoué dans beaucoup de nos initiatives mondiales», a reconnu pour sa part la présidente du Réseau des journalistes africains sur la migration de main-d’œuvre, Jemima Jeanette Beukes. Elle a souligné que l’Afrique a longtemps été enfermée dans des récits négatifs, souvent influencés par des sources médiatiques étrangères. «Trop souvent, l’image que les médias renvoient de notre continent se limite à des scènes de misère, d’exploitation ou de tragédies», a-t-elle déploré.

Pour illustrer cette vision biaisée, elle a évoqué l’histoire méconnue d’un ingénieur africain travaillant pour la NASA. «Cet homme a contribué à des avancées majeures, mais son histoire est restée dans l’ombre», a-t-elle regretté. Elle a également évoqué Fatima, une migrante vivant en Angleterre, qui travaille sans relâche pour subvenir aux besoins de sa famille, mais dont le récit reste trop souvent relégué à une simple histoire de détresse.

Les médias africains face à leurs responsabilités

Pour Omar Farouk, président de la FAJ, les journalistes africains doivent prendre conscience de leur rôle clé dans la transformation de ces récits. «Impossible que les journalistes mènent seuls cette mission sans l’appui des gouvernements et des organisations travaillant sur la migration», a-t-il averti.

Selon lui, les formations actuelles en journalisme tendent à privilégier les faits sensationnalistes et les drames migratoires au détriment des récits positifs. «On insiste trop sur les tragédies en Méditerranée, mais rarement sur les contributions économiques majeures des migrants à leurs pays d’origine et d’accueil», a-t-il dénoncé. Louis Thomasi, représentant de la FAJ, a abondé dans ce sens : «Il est temps que nous racontions des histoires de succès, d’innovation et de solidarité».

Redéfinir les priorités médiatiques

Dans de sa présentation lors de cet atelie, Edwin Righa, coordinateur du Programme conjoint sur la migration de main-d’œuvre (JLMP), a détaillé les objectifs du programme lancé en 2015. «Le JLMP vise à améliorer la gouvernance migratoire en Afrique tout en favorisant des récits plus équilibrés et plus humains», a-t-il expliqué. Il a insisté sur la nécessité pour les médias de valoriser les réussites individuelles et collectives des migrants. «Les médias doivent s’appuyer sur des données fiables pour démontrer que la migration est aussi un levier de développement économique», a-t-il souligné.

Dans une intervention particulièrement marquante, Nicea Gumbo, chargée de la programmation genre, a souligné les vulnérabilités spécifiques des femmes migrantes. «Les travailleuses migrantes sont souvent invisibles dans les récits médiatiques», a-t-elle affirmé. Mme Gumbo a exhorté les journalistes à intégrer une perspective sensible au genre dans leur couverture médiatique : «Il ne suffit pas de raconter les faits ; il faut aussi montrer les parcours de résilience, les contributions économiques et sociales des femmes migrantes.»

Les médias comme catalyseurs du changement

La protection des travailleurs migrants et la promotion de politiques inclusives ont également occupé une place centrale dans les débats. Dr Sabelo Mbokazi a rappelé que «les journalistes ont le pouvoir de briser les préjugés et d’influencer positivement les politiques migratoires».

Pour atteindre cet objectif, les participants ont souligné l’importance de plusieurs leviers d’action essentiels. Ils ont insisté sur la nécessité de valoriser les réussites des migrants africains, notamment dans les domaines scientifique, culturel et économique, afin de montrer leur contribution positive au développement. Ils ont également mis en avant l’importance de donner directement la parole aux migrants eux-mêmes, permettant ainsi d’illustrer, avec authenticité, les réalités de leurs parcours. Enfin, ils ont appelé à combattre les stéréotypes en diversifiant les sources d’information et en s’appuyant sur des données précises concernant les flux migratoires, afin de produire des récits plus équilibrés et fondés sur des faits.

Une coopération renforcée pour une meilleure gouvernance migratoire

L’événement d’Addis-Abeba a également permis de souligner l’importance d’une collaboration renforcée entre les médias et les institutions comme l’UA et l’OIM. Dr Sabelo Mbokazi a conclu en insistant sur le rôle fondamental de cette alliance : «Si les médias travaillent main dans la main avec nous, ils auront les outils et les ressources pour raconter une histoire africaine plus authentique et équilibrée.»

De son côté, Omar Farouk a affirmé que la FAJ était déterminée à accompagner les journalistes africains dans cette mission. «Ensemble, nous pouvons construire une nouvelle perception de la migration : non plus comme un drame sans fin, mais comme une opportunité pour le continent», a-t-il insisté.

Vers un récit d’espoir et de résilience

À l’issue de cet atelier, les participants ont convenu d’un plan d’action ambitieux visant à transformer les récits médiatiques sur la migration. Loin des clichés de désespoir et de misère, ils entendent désormais raconter une Afrique où la migration est synonyme de réussite, d’innovation et d’échanges culturels enrichissants. Comme l’a justement souligné Dr Sabelo Mbokazi : «Il est temps que l’Afrique raconte son histoire par elle-même, avec ses propres voix, ses propres réussites et sa propre vérité».
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