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Couverture des questions migratoires : mode d’emploi pour les journalistes africains

La deuxième journée de l’atelier de formation des professionnels des médias africains sur la migration de main-d’œuvre, qui s’est tenue à Kigali du 15 au 17 janvier 2025, a mis l’accent sur les aspects techniques du reportage et la manipulation des données statistiques. Cette formation, organisée par la Fédération des journalistes africains (FAJ) et le Syndicat des journaliste rwandais, en collaboration avec l’OIT, a permis aux participants d’approfondir leur compréhension des enjeux liés à la couverture médiatique des questions migratoires.

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Soixante-cinq millions de migrants pour 8% des revenus des pays riches. Ces chiffres, dévoilés lors de la deuxième journée de l’atelier de Kigali sur la migration de main-d’œuvre, bousculent bien des idées reçues. Face aux préjugés qui entourent les questions migratoires, les statistiques présentées par les experts de l’Organisation internationale du travail (OIT) dressent un tableau inattendu de la contribution des travailleurs migrants à l’économie mondiale.

En effet, au cours d’une présentation détaillée sur les statistiques de la migration, Neha Choudha et Elisa Benes de l’OIT ont dévoilé des chiffres révélateurs : «Les grands chiffres sont 65 millions de migrants dans les pays de destination. 55 millions sont employés, 12 millions non employés.» Elle ont notamment souligné que si les migrants représentaient moins de 5% de la population active mondiale, leurs revenus constituent 8% des pays à hauts revenus.

Des données pour déconstruire les préjugés

Les statistiques présentées lors de l’atelier révèlent une réalité souvent méconnue du travail migrant. Plus de 60% des travailleurs migrants sont employés dans le secteur des services, avec une forte présence féminine. Le secteur de la santé occupe également une place significative, employant 11% des travailleurs migrants. «Le taux de chômage est plus élevé chez les migrants, atteignant 60%. Les femmes migrantes sont particulièrement touchées avec un taux de chômage de 8,7%, supérieur à celui des hommes», a précisé Elisa Benes. Ces données soulignent l’importance d’une couverture médiatique nuancée et factuelle.

L’importance d’un journalisme sensible au genre

La troisième journée de l’atelier a mis l’accent particulièrement sur l’approche genre dans la couverture médiatique de la migration. Les discussions ont souligné que «la question du genre est assez sensible en Afrique» et que «le journalisme doit être un miroir de la société, donnant une part égale entre homme et femme». Pour une communication sensible au genre, les participants à cet atelier ont dégagé plusieurs axes essentiels. L’équilibre dans la représentation des genres au sein de la couverture médiatique constitue un premier pilier fondamental, étroitement lié à la nécessité d’éviter les stéréotypes sur les rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes. Les formateurs ont particulièrement insisté sur l’importance d’inclure davantage de femmes en tant qu’expertes dans les domaines traditionnellement dominés par les hommes, soulignant que leur expertise est souvent sous-représentée dans les médias. Cette approche doit s’accompagner d’une attention particulière au langage utilisé, qui se doit d’être inclusif et respectueux, évitant ainsi de perpétuer des biais de genre dans le traitement de l’information.

Le défi de la désinformation et les exigences de la sécurité et de la collaboration

La lutte contre la désinformation dans le contexte migratoire a également été au cœur des échanges. Les participants ont été sensibilisés aux différentes formes de manipulation de l’information, notamment à travers les sept types de fausses informations identifiés par l’organisation First Draft, allant de la satire au contenu délibérément manipulé. La question de la sécurité des journalistes couvrant les sujets migratoires a été particulièrement mise en avant lors des sessions techniques. Omar Farouk, président de la FAJ a insisté sur l’importance du travail en équipe : «Essayer de travailler en équipe permet d’éviter d’être attaqué». Cette recommandation prend tout son sens dans un contexte où la migration est devenue une question hautement politique.

Les sessions de travail ont également mis l’accent sur l’importance de la collaboration transfrontalière entre journalistes. Cette approche collaborative est considérée comme essentielle pour assurer une couverture complète et équilibrée des phénomènes migratoires qui, par nature, dépassent les frontières nationales.

Des outils pratiques pour un journalisme responsable

Pour enrichir leurs pratiques professionnelles, les participants ont eu accès à un ensemble complet de ressources adaptées à la couverture des questions migratoires. Le «Guide de l’OIT sur le travail forcé et le recrutement équitable» leur a fourni des lignes directrices essentielles pour le traitement de ces sujets sensibles. L’OIT a également mis à leur disposition une boîte à outils médiatique spécifiquement conçue pour les représentations visuelles de la migration. En matière de sécurité, les journalistes ont pu s’appuyer sur les recommandations conjointes de l’Unesco et de la FIJ, particulièrement précieuses pour les reportages sur le terrain. D’autres guides sont venus compléter ces ressources en proposant une méthodologie pour le travail avec des sources d’information, un aspect crucial dans la couverture des questions migratoires.

«ILOSTAT constitue une autre source précieuse de données sur les flux migratoires», a souligné Elisa Benes, mentionnant que la base de données de l’OIT offrait «plus de 12 sortes de données» concernant les caractéristiques des migrants, incluant l’âge, le sexe, l’éducation, et le statut d’emploi.

Perspectives d’avenir et engagements

La session plénière finale, dirigée par Omar Farouk, président de la FAJ, a fait la part belle à la stratégie future du Réseau africain de journalistes sur la migration de la main-d’œuvre. Les discussions ont débouché sur une série d’engagements concrets qui dessinent l’avenir du réseau à travers un plan d’action qui a été proposé à cette occasion. Le renforcement des collaborations transfrontalières entre journalistes s’impose comme une priorité, parallèlement à un effort soutenu pour améliorer la qualité et la précision des reportages sur la migration. Les participants se sont également engagés à promouvoir une couverture médiatique plus équilibrée et sensible au genre, une dimension essentielle pour refléter la complexité des réalités migratoires. Ces efforts seront appuyés par le développement de réseaux nationaux, conçus pour compléter et renforcer le travail du réseau régional, créant ainsi un maillage efficace de professionnels des médias à travers le continent.

Cette formation de trois jours marque de la sorte une étape importante dans le renforcement des capacités des journalistes africains à couvrir les questions de migration de main-d’œuvre. Elle souligne l’importance cruciale d’une couverture médiatique responsable, éthique et basée sur des données factuelles, tout en prenant en compte les dimensions de genre et de vulnérabilité des populations migrantes.
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