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Mohamed Ouzzine tire à boulets rouges sur le gouvernement

Dans un contexte marqué par des tensions sociales et une défiance croissante envers la classe politique, Mohamed Ouzzine, secrétaire général du Mouvement populaire, n’a pas mâché ses mots à l’encontre du gouvernement. Lors d’une rencontre organisée par la Fondation Lafqui Titouani, mardi soir, il a dressé un tableau sombre de la situation actuelle, dénonçant un Exécutif qu’il accuse d’avoir précipité la «mort clinique de la politique» au Maroc. Entre critiques sur la gestion économique, remise en cause des choix stratégiques et mise en garde contre la montée de la précarité, son intervention s’est voulue un plaidoyer en faveur d’un réveil politique et d’une gouvernance plus en phase avec les attentes des citoyens.

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Comme attendu, le secrétaire général du parti du Mouvement populaire – formation politique rangée dans l’opposition –, Mohamed Ouzzine, n’a pas mâché ses mots à l’égard du gouvernement lors de sa dernière sortie médiatique. À l’occasion d’une rencontre organisée mardi soir par la Fondation Lafqui Titouani avec un groupe de journalistes marocains, il a livré un réquisitoire sans concession contre la pratique politique actuelle, fustigeant un Exécutif qu’il accuse d’avoir précipité la «mort clinique de la politique» au Maroc.

«Opportunisme, ruse et prédation» : c’est ainsi que le responsable politique a qualifié la scène politique marocaine d’aujourd’hui. Selon lui, les acteurs politiques ne sont plus que des figurants, condamnés à un silence complice face aux dérives du gouvernement. Le pays, dit-il, est en état de mort politique, conséquence directe des promesses électorales trahies et des calculs politiciens à courte vue. Le chef de file du parti de l’épi a ainsi pointé du doigt le séisme électoral du 8 septembre, date des dernières législatives, et ses répercussions désastreuses. «Les citoyens ont été séduits par des promesses mensongères, mais sitôt les fauteuils ministériels occupés, ces engagements ont été relégués aux oubliettes», assène-t-il.


Un gouvernement coupé de la réalité

Au banc des accusés : «une équipe gouvernementale dominée par des technocrates insensibles» aux réalités sociales. Ils maîtrisent les chiffres, mais ont oublié l’essentiel : l’humain», lance M. Ouzzine. Le responsable politique dénonce également la destruction du peu de confiance qu’avaient encore les citoyens envers la classe politique, au profit d’une nouvelle élite mêlant intérêts politiques et affaires.

Et pour illustrer cette déconnexion avec la réalité, il s’en prend aux ambitions affichées par le gouvernement, qui se voit déjà comme le gouvernement organisateur de la Coupe du monde 2030. Une «mascarade», selon lui, alors que des sinistrés du séisme d’Al Haouz luttent toujours contre le froid sous des tentes de fortune. «Comment peut-on prétendre organiser un événement mondial alors que nous n’avons même pas éradiqué la tuberculose qui s’est transformée en véritable épidémie ?», s’indigne-t-il, chiffres à l’appui : 25.000 cas de contamination et 120 décès enregistrés.

Une faillite généralisée

Sur le front économique, le tableau que dresse le chef de file du parti de l’épi est tout aussi sombre : «Le gouvernement a trouvé la recette parfaite de la faillite politique, conséquence logique d’une faillite sociale, agricole et économique», martèle M. Ouzzine. Il cite dans ce sens l’effondrement du cheptel national, réduit à un million de têtes, malgré le programme «Génération Green», qualifié de gouffre financier et hydrique. Pour lui, l’importation massive de moutons, censée compenser cette perte, est aussi une aberration. «Nous avions alerté le gouvernement quant à l’inefficacité de cette mesure, mais il est resté sourd. Seul Fouzi Lekjaâ a eu l’honnêteté de reconnaître l’erreur», souligne-t-il.

Inflation : un gouvernement aux abonnés absents

Concernant la flambée des prix, le responsable politique a accusé directement l’exécutif d’inaction, rappelant dans ce sens que la loi sur la concurrence permet au Chef du gouvernement de plafonner les prix des carburants, mais que celui-ci refuse obstinément de le faire. «Pourquoi ce refus alors que l’article 4 de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence le permet ?», interroge-t-il, qualifiant le Conseil de la concurrence de «Conseil de l’Inaction».

Faisant appel aux chiffres, M. Ouzzine rappelle que 83% des Marocains constatent la dégradation de leur niveau de vie, avec une inflation dépassant les 20%. «Pour la première fois dans notre histoire, chômage et inflation se retrouvent à des niveaux similaires», souligne-t-il.

L’opposition entravée

Sur un autre registre, questionné sur le rôle qu’a joué le parti haraki dans la protection du consommateur, M. Ouzzine a rejeté les critiques selon lesquelles son parti ne jouerait pas pleinement son rôle d’opposition. Il rappelle dans ce sens que son parti avait présenté, il y a deux ans, un mémorandum de 30 mesures pour lutter contre la hausse des prix. De même, le président du groupe parlementaire de son parti, Driss Sentissi, avait réclamé l’activation de la commission de vigilance chargée du contrôle des prix, mais que toutes ses requêtes avaient été ignorées par la majorité gouvernementale. «Nous sommes une opposition institutionnelle, nous ne descendons pas dans la rue pour protester, mais nous alertons, nous proposons. Mais malheureusement, avec une majorité numérique aussi écrasante, le gouvernement impose ses lois et politiques sans entrave.»

Interpellé par ailleurs sur la dernière sortie de Nizar Baraka, chef de file du Parti de l’Istiqal, qui appelait les spéculateurs à la retenue, M. Ouzzine a tiré à boulets rouges sur cette formation politique membre de la coalition gouvernementale. «Quelle ironie ! L’Istiqlal est au cœur du pouvoir et siège dans toutes les commissions de régulation des prix. S’il veut réellement agir, il en a les moyens ! Mais jouer à la fois le rôle de la majorité et celui de l’opposition, c’est purement et simplement ridicule», a-t-il lancé.

La loi sur le droit de grève : un choix assumé

Enfin, abordant la position de son parti s'agissant la loi encadrant le droit de grève, M. Ouzzine a défendu les choix de son parti, rappelant que le Mouvement populaire avait voté pour la loi contrairement aux autres formations de l’opposition. «Beaucoup s’opposent à cette loi sans même l’avoir lue. Mais nous estimons au sein de notre parti que le droit de grève a dérivé de son cadre initial et que l’absence de limites nuit aux citoyens. Donc nous avons choisi de défendre leurs intérêts. Nous aurions pu faire de la surenchère et nous y opposer, sachant que la majorité l’aurait fait passer malgré tout. Mais nous avons préféré adopter une position responsable.»

En définitive, la sortie de Mohamed Ouzzine s’inscrit dans une volonté affichée de dénoncer ce qu’il considère comme une faillite politique, sociale et économique du gouvernement en place. À travers une critique acerbe, il pointe du doigt une gestion qu’il juge déconnectée des réalités du pays, marquée par des promesses électorales trahies, une inflation galopante et une perte de confiance généralisée envers la classe politique. Son discours met également en lumière les limites de l’opposition face à une majorité écrasante, tout en assumant des choix controversés, notamment sur la loi encadrant le droit de grève. Reste à savoir si ces interpellations trouveront un écho auprès des citoyens et si elles inciteront l’Exécutif à revoir sa gouvernance dans un contexte socio-économique de plus en plus tendu.
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