Menu
Search
Mercredi 14 Mai 2025
S'abonner
close
Mercredi 14 Mai 2025
Menu
Search

Peines alternatives : vers un tournant décisif dans la politique pénale marocaine

La mise en œuvre de la loi 43.22 relative aux peines alternatives marque une étape significative dans la réforme du système judiciaire marocain. Adoptée pour répondre aux défis de la surpopulation carcérale et promouvoir une justice plus humaine, cette législation introduit des sanctions substitutives à l’incarcération pour certaines infractions. Lors d’une rencontre organisée mercredi dernier à Harhoura, divers acteurs institutionnels ont discuté des implications et des modalités d’application de cette loi, soulignant son importance dans la modernisation de la politique pénale du pays.

No Image
La loi 43.22, pilier d’une justice plus humaine et moderne, était au cœur des échanges à Harhoura, où experts nationaux et internationaux se sont penchés sur les défis de sa mise en œuvre. Organisé par la présidence du ministère public, en partenariat avec le Conseil de l’Europe et en coordination avec la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), l’événement a réuni des représentants du pouvoir judiciaire, des ministères de la Justice et de l’Intérieur ainsi que des experts européens.



Intervenant à cette occasion, Mohamed Abdennabaoui, premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, a souligné que la réforme relative aux peines alternatives plaçait désormais le Maroc dans le cercle des pays dotés de systèmes judiciaires modernes. Il a mis en avant que ces peines alternatives réduisaient significativement les taux de récidive et s’avéraient particulièrement efficaces dans les cas de délinquance liés à l’addiction. De plus, elles sont économiquement avantageuses, coûtant parfois jusqu’à dix fois moins cher que l’incarcération, tout en étant socialement bénéfiques.

Un saut qualitatif dans la législation pénale

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a rappelé, pour sa part, que la loi 43.22 était le fruit d’un long processus de concertation avec les différents acteurs institutionnels. Selon lui, elle représente un saut qualitatif dans le système pénal marocain, en incitant à l’exploration de nouveaux modes de sanction moins privatifs de liberté. Il a appelé les magistrats à faire preuve de diligence dans l’application de ce nouveau dispositif. Le ministre a également exprimé la pleine disposition de son département à fournir les moyens nécessaires pour garantir la réussite de l’application de cette loi. Il a souligné que cette législation incitait à la recherche de nouveaux moyens de punition, mettant l’accent sur la nécessité de faire preuve d’audace en matière législative afin d’améliorer le système juridique.

Vers un guide pratique et un accompagnement institutionnel

De son côté, le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, El Hassan Daki, a annoncé lors de son intervention la préparation d’un guide pratique pour faciliter l’application de la loi et la mise en place de sessions de formation au profit des magistrats et autres intervenants. Il a rappelé que les peines alternatives – telles que le travail d’intérêt général, la surveillance électronique ou les amendes journalières – permettaient au condamné de rester dans son environnement social, favorisant ainsi sa réhabilitation et limitant les effets délétères de l’incarcération.

Une approche humaniste de la sanction

Mohamed Saleh Tamek, délégué général à l’administration pénitentiaire, a affirmé pour sa part que cette loi marquait un véritable tournant en matière de justice pénale. Pour M. Tamek, ces peines ne sont pas synonymes de laxisme, mais bien d’une approche plus intelligente et humaine de la justice, favorisant la réhabilitation et la réintégration sociale, tout en réduisant les coûts pour l’État. Il a également souligné que la loi conférait à la DGAPR une mission de contrôle de ces peines, à condition qu’une loi organique soit adoptée et que les moyens adéquats soient fournis. M. Tamek a insisté sur la nécessité d’une coordination efficace entre toutes les parties prenantes, soulignant qu’un échec pourrait être évité grâce à une mise en œuvre progressive et des évaluations régulières.

Une loi à dimension humaine et constitutionnelle

Carmen Morte Gomez, cheffe du bureau du Conseil de l’Europe au Maroc, a salué, quant à elle, cette réforme qu’elle considère comme un «tournant historique» aligné sur les engagements constitutionnels du Maroc en matière de droits humains et de dignité. Elle a indiqué que la loi s’inscrivait dans une logique de justice réparatrice et permettrait de réduire la surpopulation carcérale et de renforcer l’efficacité du système pénal marocain. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne accompagnent d’ailleurs ce processus dans le cadre du programme MA-JUST.

Une volonté partagée de réussite

Enfin, l’ensemble des intervenants ont mis l’accent sur la nécessité d’une mobilisation collective – institutions judiciaires, administration pénitentiaire, société civile – pour garantir le succès de cette réforme. Prévue pour entrer en vigueur en août 2025, la loi 43.22 porte l’ambition d’un système pénal plus humain, plus moderne et plus efficace, fidèle à la Vision Royale en matière de réinsertion et de justice sociale.
Lisez nos e-Papers