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PJD : Benkirane dévoile sa feuille de route pour 2025 et trace la voie de la reconquête

«Le fiasco de 2021 ne se répétera pas», a déclaré l'ancien Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane. Dans une allocution diffusée sur les réseaux sociaux du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane a livré sa vision pour les prochaines élections. S’adressant principalement aux membres de son parti, le secrétaire général du PJD a dressé un bilan de l'expérience de 2021, qu'il qualifie de «fiasco», tout en traçant les contours d'une stratégie de reconquête fondée sur trois piliers : l'ancrage spirituel, la mobilisation citoyenne et la réforme du cadre électoral. Un discours-programme qui résonne comme un appel à la mobilisation générale, 400 jours avant l'échéance électorale.

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L'image frappe par sa simplicité symbolique. Assis dans un cadre domestique – comme il l'a fait dans de nombreux enregistrements – un verre de thé à portée de main, Abdelilah Benkirane s'adresse, à travers un enregistrement diffusé sur les réseaux sociaux, aux militants de son parti depuis ce qui semble être son salon personnel. Sur la table devant lui, un portrait encadré de lui-même aux côtés de son compagnon de route, le défunt Abdellah Baha, rappelant la mémoire des figures fondatrices du parti et l'héritage politique qu'il incarne. Cette mise en scène, loin des fastes institutionnels, traduit une volonté de proximité et d'authenticité qui caractérise le style politique de l'ancien Chef du gouvernement.



C’est dans ce décor intimiste que le leader du PJD a choisi, samedi 2 août 2025, de délivrer son message le plus attendu depuis la débâcle électorale de 2021. Au lendemain du Discours Royal appelant à un «nouvel élan» pour le Maroc et après la rencontre du ministre de l'Intérieur avec les dirigeants des partis politiques, M. Benkirane reprend la parole pour dessiner les contours de la reconquête de son parti.

Une lecture qui interpelle

«J'ai compris du discours de Sa Majesté le Roi que le Souverain veut que le Maroc s'engage dans une nouvelle phase», déclare d'emblée M. Benkirane, donnant le ton de son intervention. Cette nouvelle impulsion, selon l'analyse qu'il en fait, «doit être marquée par une quête de davantage de justice sociale et d'une meilleure démocratie». L'ancien Chef du gouvernement insiste sur cette dimension : «Il ne veut plus seulement en entendre parler. il veut qu'elles soient accomplies.» Cette lecture du message Royal constitue le socle de la stratégie de M. Benkirane, positionnant son parti comme le plus à même de concrétiser cette vision. «En tant que Parti de la justice et du développement, nous devons être les premiers à répondre positivement et sérieusement à ce discours de Sa Majesté», martèle-t-il.

Le bilan impitoyable de 2021

Mais avant de se projeter dans l'avenir, M. Benkirane règle ses comptes avec le passé récent. Son verdict sur l'expérience gouvernementale post-2021 est sans appel : «L'expérience de 2021, avec ses résultats, ses élites et la justice sociale qu'elle prétendait vouloir établir, tout cela s'est avéré être un fiasco ; cela n'a pas réussi». Les mots sont choisis avec soin, particulièrement durs : «Les résultats de cette période ont été catastrophiques, marqués par les scandales, la corruption, la fraude et le banditisme dans les élections». Cette charge frontale contre ses successeurs constitue un préalable nécessaire à la stratégie de retour qu'il dessine.

Toutefois, l'autocritique n'est pas absente de son discours. «Nous avons notre part de responsabilité dans la défaite que nous avons subie en 2021, une grande responsabilité sans aucun doute», reconnaît-il avec franchise. L'analyse de Benkirane va plus loin dans le diagnostic: «On ne peut pas rester à blâmer uniquement les autres ; nous avons aussi notre part». Au cœur du projet de reconquête figure ce que Benkirane appelle la «Marjiaiya», concept central de l'identité du PJD qu'il définit comme «une matière idéologique, doctrinale, juridique et religieuse». Cette référence spirituelle constitue, selon lui, le socle de l'intégrité du parti et de sa différenciation politique.

«J'ai toujours insisté et je suis toujours fermement convaincu de cette Marjiaiya», affirme-t-il, avant d'en préciser la portée pratique : «Je ne vous dis pas que c'est pour que l'État applique la Zakat ou autre chose ; ça, c'est un autre domaine. Je parle avec vous de vos âmes, des relations entre vous, des relations avec la société, de votre comportement et de votre conduite individuelle». Cette approche individualiste et éthique de l'engagement politique trouve sa justification dans le bilan du parti : «Les gens, quoi qu'ils en disent, reconnaissent que le PJD n'a jamais touché à l'argent public, et cela, c'est reconnu par les ennemis avant les amis». L'originalité de la démarche du leader du PJD réside dans l'articulation qu'il établit entre engagement politique et pratique spirituelle, explique-t-il, établissant un parallèle entre action politique et élévation spirituelle.

Un programme spirituel pour un combat politique

Cette philosophie se traduit par des recommandations très concrètes aux militants. «Je veux demander à nos frères, pour cette année, à partir de maintenant jusqu'aux élections [...] qu'ils consacrent deux ans, si Dieu le veut, au «dhikr» (invocation) et à «douaa» (la supplication)», lance-t-il comme un appel à l'armement spirituel. Le programme est détaillé : «Ils doivent veiller beaucoup sur leurs prières à l'heure, ils doivent veiller beaucoup sur la lecture du Coran, ils doivent veiller beaucoup sur le jeûne surérogatoire». M. Benkirane élargit même sa réflexion à d'autres traditions philosophiques : «Hier, j'ai vu une vidéo sur le confucianisme [...] Mais je vous le dis, l'Islam est plus sublime et plus grand».

La bataille contre l'abstention

Sur le terrain de l'action politique concrète, M. Benkirane fixe un objectif prioritaire : «Nous devons lutter contre l'abstentionnisme au Maroc, que nous réussissions ou non dans les urnes». La méthode proposée est précise : «Chacun de vous a un rôle à jouer : contacter les personnes que vous connaissez, les convaincre de la nécessité de la participation politique à travers les élections, vérifier leur inscription et les inciter à voter le jour J». L'objectif affiché va jusqu'au dépassement de l'appartenance partisane : «Même si on leur dit : Votez pour qui vous voulez, mais allez voter !»

Cette stratégie s'inscrit dans un calendrier serré : «Vous avez environ 400 jours restants avant les élections, prévues en septembre ou octobre. Chaque jour compte». L'urgence temporelle donne une dimension opérationnelle immédiate au discours de M. Benkirane. L'approche territoriale est également pensée : «Ne restez pas inactifs en attendant la direction du parti [...] chacun de vous doit agir dans sa communauté, voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et le signaler». Cette décentralisation de l'initiative politique vise à responsabiliser la base militante.

Pour des élections transparentes

La question de l'intégrité électorale occupe une place centrale dans le dispositif dessiné par le PJD. «Nous devons exiger des conditions électorales transparentes et justes», affirme M. Benkirane, avant de détailler ses demandes au ministère de l'Intérieur. «Il faut demander au ministère de l'Intérieur de réduire le nombre “infini” de bureaux de vote, car nos partis n'ont pas les moyens de couvrir un si grand nombre de bureau par des observateurs», explique-t-il, mettant en avant une difficulté pratique majeure pour les formations politiques.

Le programme de réformes proposé est synthétisé dans «un mémorandum concis (5 à 10 points essentiels)» dont les priorités sont claires : «La lutte contre l'utilisation de l'argent dans les élections et l'interdiction de l'ingérence des agents d'autorité». L'enjeu dépasse le cadre strictement électoral : «Ces questions sont cruciales pour l'image du pays, surtout à l'approche d'événements internationaux majeurs», une allusion transparente à l'organisation de la Coupe du monde 2030 par le Maroc.

Restaurer la confiance citoyenne

Au-delà des aspects techniques, M. Benkirane identifie un enjeu fondamental : la restauration de la confiance citoyenne. «Il est crucial de restaurer la confiance des citoyens, qui a été ébranlée après les élections de 2021», diagnostique-t-il. Son analyse va au cœur des attentes populaires : «Les citoyens ont besoin d'être rassurés sur la légitimité des processus plus que par de simples augmentations de salaires ou d'aides directes». «Même s'il y a eu des augmentations de salaires pour certains et un soutien direct, le citoyen a besoin de retrouver confiance», insiste-t-il, établissant un lien direct entre légitimité démocratique et adhésion populaire.

La position du parti pour l'après-élections est clairement définie : «Le PJD s'engage à défendre le pays si les règles électorales sont respectées, quel que soit notre classement final aux élections». L'engagement est assorti d'une mise en garde : «Cependant, nous ne ménagerons aucun effort pour dénoncer toute corruption ou irrégularité». La philosophie qui sous-tend cette approche puise dans l'histoire nationale : «Notre slogan pour l'année sera tiré de la parole de Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi : Il n'y a pas de succès ou d'échec, de victoire ou de défaite, mais quelque chose appelé le devoir, et je l'ai accompli au mieux de mes capacités».

La jeunesse en première ligne

Le discours s'achève sur un appel direct à la jeunesse du parti : «La jeunesse du parti est spécifiquement désignée comme l'acteur principal sur ce chemin. Votre travail sera reconnu et mènera à l'avant». Cette promesse de reconnaissance constitue un puissant levier de mobilisation. L'autonomie d'action est encouragée : «N'attendez pas les directives de la direction centrale. Soyez proactifs, observez ce qui se passe dans vos communautés et faites remonter les informations».

À travers cette intervention, Abdelilah Benkirane dessine les contours d'une reconquête qui mêle introspection critique, ancrage spirituel et pragmatisme politique. Le défi sera de transformer cette feuille de route en dynamique électorale face à un paysage politique recomposé et des citoyens échaudés par les expériences passées. Rendez-vous dans 400 jours pour mesurer l'efficacité de cette stratégie de retour aux sources.
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