Et d’ajouter que cette résilience repose sur des pré-requis importants, et qui peuvent s’articuler autour de trois fondamentaux : la gouvernance qui englobe la réglementation ; la technologie pour détecter, se prémunir et réagir et enfin les ressources humaines avec entre autres la formation, la sensibilisation et la recherche.
Par ailleurs, il est également essentiel de ne pas négliger un sujet particulièrement préoccupant, qui est parfois relégué au second plan derrière les enjeux techniques et sécuritaires. Il s’agit de la sensibilisation de la société et du citoyen. «Les initiatives de sensibilisation des entreprises et de la population ont le mérite d’exister, mais elles gagneraient à être renforcées et généralisées, notamment à l’attention du public non averti, professionnel ou individuel, quelle que soit la tranche d’âge», relève le PDG du groupe Ineos Cyberforces.
À la question de savoir quels partenariats public-privé à mettre en place pour renforcer les capacités du Maroc en cybersécurité, l’expert renchérit que les synergies sont multiples et diversifiées. Elles peuvent exister entre les secteurs public et privé, entre les entreprises et le système éducatif, ou encore entre les grands acteurs technologiques et l’État. Et c’est la raison pour laquelle, M. Bakkali suggère de raisonner en termes d’écosystème : «Une des synergies fondamentales aujourd’hui repose sur la relation entre entreprises et monde de l’éducation, qui peut également être nourrie par les acteurs technologiques en termes de savoir et de savoir-faire. Les entreprises ont besoin de ressources humaines compétentes et qualifiées, que notre système éducatif doit veiller à “produire”».
C’est pour dire qu’une bonne synergie entre ces acteurs pourrait par exemple donner lieu à des centres d’excellence régionaux, ou à des clusters technologiques axés sur la recherche appliquée en cybersécurité, à l’image de ce qui se fait en Europe.
Conscient de l'importance stratégique de cette question, le Maroc met à jour sa Stratégie nationale de cybersécurité (SNC) en la projetant à l'horizon 2030, et ça a payé.
Le Maroc sur la bonne voie
Par rapport à l'édition de 2020, le Maroc a réalisé des progrès significatifs dans les cinq domaines couverts par l'étude : juridique, technique, organisationnel, renforcement des capacités et coopération. Il est le seul pays du Maghreb à figurer dans la catégorie «Tiers 1», obtenant ainsi 20 points pour ses mesures juridiques, organisationnelles et de coopération. Il a également obtenu 19,38 points pour ses actions en matière de renforcement des capacités et 18,12 points dans l'Indice des mesures techniques.
Le Rapport de l'IUT souligne plusieurs points forts qui ont permis au Maroc d'atteindre cette performance et de consolider sa position sur la scène mondiale. Parmi ces atouts, on trouve l'élaboration d'un cadre juridique complet, constitué de divers textes législatifs et réglementaires couvrant la cybersécurité, la lutte contre la cybercriminalité, la protection des données personnelles, l'identité numérique et les services de confiance. Le lancement récent de la Stratégie nationale de cybersécurité à l'horizon 2030 constitue également un élément clé de cette avancée.
Cybersécurité : Un arsenal juridique renforcé
Trois questions au PDG du groupe Ineos Cyberforces
Reda Bakkali : «Une collaboration réussie entre les acteurs pourrait aboutir à la création de clusters technologiques dédiés à la cybersécurité»
Le Matin : La Stratégie nationale de cybersécurité établit les grandes orientations stratégiques nationales dans ce domaine à l’horizon 2030. Quel regard portez-vous sur cette feuille de route ?
Reda Bakkali : La Stratégie nationale de cybersécurité 2030 vise à compléter et à renforcer les acquis de la Stratégie éponyme de 2012. Elle repose sur une vision holistique de la cybersécurité qui sous-tend à la fois le soutien à la transformation digitale du Royaume, tout en garantissant une protection des institutions et des citoyens. Il s’agit là d’une approche systémique dans la mesure où elle couvre à la fois les aspects de la gouvernance, de la protection, de la réaction et de la résilience, tout en consacrant l’importance du développement des capacités et de la coopération.
Ce qui est particulièrement remarquable dans cette vision, c’est qu’elle associe les notions de la fiabilité du cyberespace marocain à celle de la prospérité économique du Royaume et au bien-être du citoyen, en ce sens qu’elle dénote une profondeur stratégique notable et une capacité de recul importante sur les impacts et les enjeux de la cybersécurité, qui dépassent les aspects purement techniques, pour transcender toutes les composantes de la société (économiques, académiques, etc.).
Quelles initiatives sont mises en place pour sensibiliser les entreprises et la population aux bonnes pratiques en matière de cybersécurité ?
Les initiatives de sensibilisation des entreprises et de la population ont le mérite d’exister, mais elles gagneraient à être renforcées et généralisées, notamment à l’attention du public non averti, professionnel ou individuel, quelle que soit la tranche d’âge (les populations âgées peuvent, par exemple, constituer une tranche particulièrement vulnérable aux cyberescroqueries). C’est en cela qu’une gouvernance nationale peut avoir un impact significatif dans la mesure où elle serait la chef d’orchestre d’une approche de sensibilisation multi-dimensionnelle, qui couvre à la fois les secteurs privé, public, mais aussi les individus. Les entreprises, quant à elles, disposent d’un panel de choix diversifié en matière de sensibilisation.
Quels sont vos projets en matière de cybersécurité au Maroc ?
Nous menons des projets sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la cybersécurité. Cela va de l’amont (conseil, conception, formation et sensibilisation) à l’aval (supervision de la posture de sécurité de nos clients) ; en passant par notre cœur de métier historique qui est l’intégration et le support de solutions de sécurité dans les environnements de nos clients. Notre valeur ajoutée réside dans la complexité technologique des sujets que nous adressons, sous-tendue par une profondeur technique indispensable et des certifications de classe mondiale pour nos experts. Nous portons, également, une attention particulière aux PME marocaines, avec une offre sur mesure, s’articulant notamment autour d’une gestion et supervision externalisée de leur infrastructure de sécurité, offrant ainsi une flexibilité dans la mobilisation des ressources internes et une optimisation des budgets. Nous menons également une action de sensibilisation et de rassemblement de notre écosystème de clients à travers l’organisation d’un symposium annuel, le «Cybersecurity Day», qui se veut être une plateforme d’échange et de partage entre décideurs, experts et chercheurs en matière de cybersécurité au Maroc. Cet événement, non ouvert au public, et qui rassemble plus de 200 personnes et plus d’une vingtaine d’experts nationaux et internationaux, a d’abord une vocation scientifique et pédagogique, qui vise à créer un espace d’échange qualitatif et homogène, axé sur le partage de l’information et le retour d’expérience.