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Pourquoi l’Afrique atlantique doit prendre son destin maritime en main

Alors que les tensions mondiales façonnent les nouvelles réalités géopolitiques, l'océan de l'Afrique Atlantique, avec ses promesses et ses tumultes, était au centre des débats hier à Rabat. Des experts de Policy Center for the New South (PCNS), des chercheurs, des sécuritaires et des spécialistes se sont penchés ce jour-là sur les opportunités et les défis des espaces maritimes de l'Afrique atlantique, une région au potentiel immense, mais non exempt de problèmes. Ils ont abordé tour à tour l'Initiative Royale pour le Sahel, la coopération Sud-Sud, la sécurité et les enjeux géoéconomiques, la mer que comme facteur de puissance… Ils ont été unanimes à souligner l’impérieuse nécessité pour l’Afrique de prendre en main son avenir maritime.

Alors que les tensions mondiales façonnent les nouvelles réalités géopolitiques, l’océan de l’Afrique Atlantique, avec ses promesses et ses tumultes, était au centre des débats hier à Rabat. Des experts de Policy Center for the New South (PCNS) et des chercheurs, des sécuritaires et des spécialistes ont en effet passé au peigne fin «Les enjeux stratégiques des espaces maritimes de l’Afrique atlantique».

Un océan de possibilités et d’obstacles

D’entrée de jeu, Dr Karim El Aynaoui, président exécutif du Policy Center for the New South, a mis en lumière l’urgence de saisir les rênes du développement maritime pour affronter les défis géopolitiques et géoéconomiques imminents. «Nous nous trouvons à un carrefour crucial où nos actions définiront l’avenir de notre continent», a-t-il déclaré, soulignant l’importance de l’Initiative Royale visant à intégrer économiquement et socialement les pays du Sahel à l’espace atlantique.

Jamal Machrouh, Senior Fellow au PCNS, a de son côté expliqué comment la mer peut être un formidable levier de puissance, notant que les pays africains doivent encore faire face à des taux de croissances économiques insuffisants et renforcer leur souveraineté maritime pour réellement tirer profit de cette «puissance bleue». Ainsi, estime-t-il, les océans constituent une formidable source de pouvoir pour les nations, affirmant que l’Afrique doit exploiter cette chance en élaborant une stratégie maritime complète, orientée vers l’établissement d’une zone stable et florissante. Il a attiré également l’attention sur l’initiative marocaine de désenclavement des pays du Sahel, une démarche qui promeut l’inclusion et la solidarité. Cette initiative requiert l’utilisation de mécanismes efficaces et de nouvelles idées pour la réalisation de projets de grande envergure.

La voix royale vers un horizon stabilisé

La conférence a abordé divers thèmes en quatre panels distincts, allant des enjeux géopolitiques liés à l’intégration régionale et la rivalité des grandes puissances aux défis juridiques des droits maritimes, en passant par les questions de sécurité et les enjeux géoéconomiques.

Le panel le plus attendu fut celui qui détaillait l’Initiative Royale, décrite comme une vision avant-gardiste par Mohamed Tangi, modérateur du panel. «Cette initiative ne cherche pas seulement à répondre aux défis présents, mais à construire un avenir où l’Afrique atlantique peut prospérer en paix, dans la solidarité et le développement mutuel», a-t-il affirmé. Il a présenté l’Afrique atlantique comme une région marquée par des rivalités et confrontée à de multiples défis, notamment la faiblesse des contributions de la coopération internationale, l’instabilité politique et les risques environnementaux. Face à ces difficultés, l’intervenant a souligné l’importance cruciale de la navigation maritime, qui représente 90% des échanges commerciaux. Il a également mis en avant l’Initiative atlantique, portée par le Maroc et pour laquelle la Mauritanie et le Sénégal représentent un pilier de stabilité, capable d’apporter une contribution décisive à la concrétisation de ce projet.



Pour sa part, Mohamed Methqal, ambassadeur directeur général de l’Agence marocaine de coopération internationale, a abondé dans le même sens en mettant en avant les qualités intrinsèques et les ressources de l’Afrique atlantique, insistant sur le fait que ces atouts doivent être le socle d’une stratégie régionale ambitieuse. Il a affirmé que «la dimension maritime est cruciale pour le développement et l’impact international de toute région géographique».

Naviguer parmi les défis sécuritaires et environnementaux

La sécurité des mers ne concerne pas uniquement les actes de piraterie ou les conflits armés, mais englobe également les défis environnementaux qui menacent la biodiversité marine et la viabilité des ressources halieutiques. Abdelhak Bassou, Senior Fellow, a souligné la nécessité de préserver ces eaux comme un bien commun africain, en mettant l’accent sur la coopération régionale pour contrecarrer les menaces sécuritaires sans précédent.



De son côté, Rachid El Houdaïgui, Senior Fellow au Policy Center for the New South, a observé un regain de la puissance navale dans la compétition mondiale, la considérant non seulement comme un outil de défense et de dissuasion, mais aussi comme un moyen d’exercer de l’influence. Il a également anticipé un basculement de l’Atlantique au cœur des enjeux stratégiques des grandes puissances. L’ambassadeur et Senior Fellow Mohammed Loulichki a soutenu les objectifs du Maroc visant à surmonter les obstacles géographiques tels que l’enclavement, l’instabilité et la division arbitraire entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Il a précisé que pour mener à bien ce projet, jugé à la fois réaliste et faisable, il est essentiel de posséder une expertise en matière de connectivité, d’infrastructures portuaires et de structuration financière.

La conférence s’est également concentrée sur les enjeux de sécurité, incluant une analyse des risques, les acteurs étatiques et non étatiques, ainsi que les stratégies d’intervention, avec un accent particulier sur les problématiques environnementales. À ce propos, Abdelhak Bassou, Senior Fellow, a exploré les aspects de stabilité et les défis sécuritaires dans l’Afrique atlantique. Il a mis en avant l’importance de la coopération économique et noté l’absence de conflits interétatiques, tout en mettant en relief les risques liés à l’extrémisme violent et aux activités illicites. Il a insisté sur l’importance de prévenir l’installation de bases militaires étrangères et de favoriser la coopération régionale. De plus, il a avancé que l’amélioration de l’accès des États du Sahel à des zones non enclavées pourrait significativement augmenter leur capacité à combattre le terrorisme de manière efficace.

Vers une stratégie maritime robuste : le Maroc à la barre

Prenant part à ce débat, le colonel-major Khalid Loudiyi, représentant la Marine Royale, a souligné l’adoption par le Maroc d’un plan stratégique maritime qui intègre prévention, coordination et connaissance, et qui se projette jusqu’en 2027. Ce plan repose sur six piliers essentiels pour améliorer la sécurité. Ce plan comprend la Connaissance du domaine maritime (MDA), essentielle pour une surveillance efficace, et le Command and Control (C2) maritime, qui assure la gestion et la coordination des opérations navales. Il vise également le développement des compétences pour équiper les forces avec les savoirs nécessaires à la nouvelle ère de défis maritimes. En outre, le plan prévoit une Flotte de surveillance cohérente et dissuasive pour protéger les intérêts maritimes du pays, la préparation des forces pour garantir une réponse rapide et efficace en cas de menaces, et la coopération et interopérabilité pour travailler de manière synchronisée avec les partenaires.

Il a également partagé des insights sur l’expérience navale du Maroc, rappelant que 23 des 37 pays africains bordant l’océan s’étendent sur des milliers de kilomètres de côtes. Ces nations disposent d’abondantes ressources maritimes, cruciales pour leur développement et pour l’avenir de l’ensemble du continent. Le colonel-major a décrit un environnement de risques et de menaces variés et en constante évolution, comprenant le terrorisme maritime, la piraterie, l’immigration irrégulière, le trafic de drogue, la pêche illégale, la multiplication des câbles sous-marins et une interconnectivité croissante, qui s’ajoutent aux défis posés par les changements climatiques, la crise sanitaire, les guerres actuelles...

Dans le même esprit, Naïma Hamoumi, professeure et experte en océanographie, a souligné que le littoral de l’océan Atlantique est confronté à des risques liés à la géodynamique interne, tels que les séismes et les éruptions volcaniques, ainsi qu’aux conséquences du réchauffement climatique, comme le stress hydrique. Elle a insisté sur la nécessité d’une gestion proactive pour atténuer ces risques. Pour répondre à ces défis, elle a proposé la mise en place d’un centre des sciences de la mer au Maroc et a appelé au renforcement de la recherche interdisciplinaire. Elle a également recommandé la formation de techniciens spécialisés et une sensibilisation accrue à tous les niveaux concernant les risques naturels et les impacts du changement climatique.

Naviguer entre les lois : complexités du droit maritime africain

Lors de cette rencontre, un panel d’experts s’est penché sur les aspects juridiques qui régissent les espaces maritimes de l’Afrique atlantique, abordant principalement le droit maritime, incluant les normes de navigation et de transport, ainsi que les législations relatives à la mer. Parmi eux, Miloud Loukili, expert international en droit de la mer, a mis en exergue la Charte de Montego Bay de 1982, qu’il a qualifiée de pierre angulaire du droit maritime, soulignant le rôle essentiel de la mer dans l’élaboration des lois maritimes et appelant à une coopération intra-africaine pour un développement durable. Faisant le point sur les défis spécifiques de la relation bilatérale Maroc-Espagne, Ayoub Aliati, professeur de droit maritime à l’ISEM, a exploré les tensions liées à la délimitation des frontières maritimes. Les divergences sur les principes d’équidistance et d’équité rendent cette tâche complexe, avec d’importantes répercussions sur la sécurité et l’économie des deux nations, estime-t-il.

Dans le prolongement de cette discussion, Larbi Sbaï, également professeur et expert en droit de la mer, a insisté sur l’importance de la sécurité maritime dans l’Afrique atlantique. Il a évoqué la coordination nécessaire pour les opérations de recherche et de sauvetage et a noté que le développement des flottes marchandes stimule la coopération économique et commerciale entre les pays africains. Pour sa part, Sarra Sefrioui, professeure à l’Université Abdelmalek Essaadi, a clarifié la distinction entre la délimitation maritime et la détermination des zones maritimes. Elle a expliqué que les États définissent d’abord leurs zones maritimes avant de procéder à leur délimitation en cas de proximité avec un autre État.

Vers une économie bleue : connectivité et gestion portuaire en Afrique

Les participants ont également discuté lors de cette conférence des dimensions géoéconomiques, se concentrant sur la maritimisation des économies africaines. Les discussions ont porté sur l’économie bleue, la connectivité maritime et la gestion des infrastructures portuaires, dévoilant des perspectives prometteuses pour l’intégration économique régionale à travers les voies maritimes.

En somme, la conférence de Rabat a jeté la lumière sur les multiples facettes de la sécurité maritime, allant de la coopération internationale à la gouvernance environnementale. Avec des propositions concrètes et un appel à l’action immédiate, les participants ont presque esquissé un plan d’avenir pouvant constituer la base d’une feuille de route à travers laquelle l’Afrique atlantique pourrait naviguer vers des eaux plus sereines et prospères.
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