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Quand la finance se met au service du développement social

Face à l’urgence des besoins sociaux et à la rareté des ressources publiques, le Maroc explore une voie prometteuse : la finance mixte. À travers un cycle de formation certifié organisé par l’Université Euromed de Fès, avec l’appui de l’UNFPA et de la coopération espagnole (AECID), chercheurs, experts et responsables d’entreprise se sont réunis pour comprendre comment combiner fonds publics, privés et philanthropiques afin de maximiser l’impact des investissements. Ce programme, alliant théorie et pratique, jette la lumière sur les mécanismes du financement durable, les obligations sociales et les Sukuk à impact. Une démarche inédite pour inscrire les politiques d’investissement dans la logique des Objectifs de développement durable (ODD) et promouvoir une économie plus inclusive.

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Du 21 au 24 octobre 2025, à Rabat, responsables institutionnels, financiers et experts du développement se sont réunis autour d’un objectif commun : repenser la manière de financer la croissance sociale et environnementale du Maroc. L’Université Euromed de Fès, soutenue par l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) et la coopération espagnole, a lancé un cycle de formation certifié consacré au Blended Finance, un concept qui ambitionne de «financer autrement pour transformer durablement», selon le formateur Dr Ahmed Tahiri Jouti.

La finance mixte : un tournant dans la mobilisation des ressources

Née de la rencontre entre les logiques publiques et privées, la finance mixte, ou blended finance, vise à mobiliser des ressources de natures diverses – publiques, privées et philanthropiques – afin de réduire les risques et d’attirer davantage de capitaux. Comme l’a rappelé le Dr Tahiri, cette approche permet «de renforcer la viabilité et l’impact des projets de développement durable, notamment dans les pays émergents où les risques sont élevés et les institutions fragiles». La formation, qui s’inscrit dans la continuité des grands cadres internationaux (Accords de Paris, ODD 2030), a présenté des cas pratiques africains inspirants : du Development Impact Bond lancé au Kenya pour réduire les grossesses précoces, au programme marocain MorSEFF dédié à la transition énergétique des PME, tous reposent sur un principe simple : lier rendement et impact social mesurable.

Des instruments financiers au service du bien commun

Les participants ont été initiés à une gamme d’outils financiers innovants : obligations sociales, vertes, de durabilité ou liées à la durabilité, ainsi qu’aux Sukuk à impact conformes à la finance participative. Les Social Bonds, par exemple, financent des projets à fort impact social – logement, éducation, santé – tandis que les Green Bonds soutiennent des initiatives environnementales. Les Sukuk, quant à eux, incarnent une innovation maroco-islamique : adossés à des actifs réels, ils permettent d’attirer des capitaux privés tout en respectant les principes de la Charia. Dans le même esprit, le Cash Waqf-Linked Sukuk indonésien, présenté comme modèle, illustre comment la finance religieuse peut se conjuguer à l’impact social, en finançant par exemple des centres de santé pour les plus démunis.

Vers un écosystème marocain de la finance durable

Cette formation, animée également par le Pr Akdim, a permis de rappeler que le Maroc disposait déjà d’un cadre favorable. Le pays a émis dès 2016 sa première obligation verte souveraine, et sa Stratégie nationale de développement durable (SNDD) fixe des objectifs clairs en matière d’énergie propre, d’inclusion sociale et de réduction des inégalités. Selon le Pr Akdim, la finance durable repose sur trois piliers : Environnement, Social et Gouvernance (ESG). Ces critères sont désormais incontournables pour les entreprises comme pour les investisseurs : «Créer de la valeur ne suffit plus, il faut créer de la valeur partagée», a-t-il souligné. De Bank Al-Maghrib à la Caisse de dépôt et de gestion, les acteurs publics sont appelés à encourager des investissements à impact, tandis que les institutions financières doivent intégrer les risques climatiques dans leurs stratégies.

Une vision intégrée : rentabilité, impact et équité

L’atelier de Fès ne se voulait pas une simple formation académique, mais une véritable fabrique de solutions. Les participants seront amenés, en novembre, à présenter leurs projets de fin de formation intégrant les principes de la finance mixte. Chaque projet devra démontrer la possibilité de concilier rentabilité économique, impact social tangible et transparence des résultats, conformément aux standards de gouvernance et d’évaluation internationale (SROI, ICMA).

En filigrane, cette initiative s’inscrit dans une ambition nationale : faire du Maroc un hub régional de la finance durable, capable d’attirer des capitaux responsables et de financer des politiques publiques inclusives. En redéfinissant la frontière entre profit et solidarité, la finance mixte incarne une nouvelle grammaire du développement. Entre efficience économique et justice sociale, elle esquisse un modèle où chaque dirham investi doit produire non seulement un rendement, mais aussi un progrès humain.
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