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Rachid Yazami : ses débuts, ses choix, ses ambitions et les moments clés de sa montée fulgurante

Scientifique marocain de renommée internationale, inventeur de l’anode en graphite utilisée dans la majorité des batteries au lithium-ion, le professeur Rachid Yazami était l’invité de la rédaction de Medi1 TV le 17 avril. De passage au Maroc à l’occasion de la huitième édition de l’Automotive Meetings Tangier-Med (AMT), il a partagé sa vision, ses dernières découvertes ainsi que son engagement en faveur de la création d’un écosystème national dédié à la batterie électrique. Fort de plus de 150 brevets, il poursuit son engagement scientifique en mettant à disposition du Maroc ses innovations, notamment sa technologie de recharge ultra-rapide.

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Inventeur de l’anode en graphite, pionnier de la voltamétrie non linéaire et défenseur d’un Maroc à la pointe de l’innovation, le professeur Yazami figure parmi les scientifiques qui ont profondément transformé le quotidien moderne. Invité sur Medi1 TV, il est revenu sur son parcours exceptionnel, ses contributions majeures à la technologie des batteries, ainsi que sur sa vision de l’avenir de l’innovation au Maroc. Lors de cet entretien, il a dévoilé les coulisses de ses découvertes scientifiques, les moments clés de sa carrière à l’international, mais aussi son engagement en faveur de la recherche appliquée et du transfert de technologie vers son pays d’origine. En reconnectant ses travaux à l’écosystème marocain, Rachid Yazami affirme que l’innovation ne prend pleinement sens que si elle bénéficie aux territoires qui ont façonné le parcours de ceux qui l’incarnent.

Une conférence à Tanger pour l’avenir de la mobilité électrique

À Tanger, devant un auditoire composé des principaux acteurs de l’écosystème industriel automobile, Rachid Yazami a livré une vision prospective des mutations en cours dans le secteur, en particulier dans le domaine du stockage d’énergie. «Toute la crème de la crème de l’industrie automobile et des équipementiers était présente», a-t-il souligné, insistant sur la qualité des échanges et sur l’intérêt manifeste que suscite aujourd’hui la recherche appliquée dans les technologies de batterie.



Cette tribune lui a permis de présenter les dernières avancées de son laboratoire basé à Singapour, notamment dans les domaines de la recharge ultra-rapide et de la sécurité énergétique. Fidèle à sa démarche de vulgarisation scientifique rigoureuse, il a expliqué que, bien que les batteries au lithium aient franchi un cap technologique important, elles demeurent encore perfectibles. «Il y a encore des améliorations à faire dans la sécurité et la durée de vie des batteries», a-t-il affirmé avec lucidité.

Au-delà du constat scientifique, Rachid Yazami a lancé un appel clair en faveur d’une stratégie nationale d’innovation industrielle fondée sur la valorisation de la propriété intellectuelle locale. Son objectif : mettre à la disposition de l’industrie marocaine ses brevets issus de plusieurs décennies de recherche et encourager la structuration d’un pôle de compétitivité dédié à l’électromobilité. «J’espère que cela sera fait au Maroc», a-t-il déclaré, soulignant la nécessité d’un portage institutionnel fort et d’une synergie entre les mondes académique, entrepreneurial et politique.

L’anode en graphite : une invention qui a structuré l’industrie mondiale

Né au Maroc, Rachid Yazami est l’auteur de l’une des découvertes les plus marquantes de la fin du XXe siècle : l’anode en graphite, élément fondamental intégré dans presque toutes les batteries lithium-ion. Une invention qui, au-delà de ses implications technologiques, a permis l’essor des technologies mobiles modernes. Du Walkman d’hier aux smartphones d’aujourd’hui, cette innovation a transformé les usages, modifié les habitudes de consommation et permis des avancées significatives en matière d'efficacité énergétique et de sécurité des dispositifs. Grâce à cette invention, ceux qui ont connu les baladeurs portables ont pu écouter leurs titres préférés de manière autonome, un héritage technologique qui perdure dans nos vies modernes.

Refus éthique face à Philip Morris, reconnaissance sincère de Sony

L’entretien avec le professeur Rachid Yazami a aussi permis de revenir sur deux épisodes marquants de son parcours, révélateurs tant de ses principes éthiques que de la reconnaissance internationale dont il bénéficie. Sollicité par Philip Morris pour développer un chargeur ultra-rapide destiné à alimenter des cigarettes électroniques, Rachid Yazami a fermement décliné la proposition. «Je ne veux pas que ma technologie serve à nuire à la santé des gens», a-t-il précisé, exprimant ainsi son refus de voir ses découvertes utilisées à des fins contraires à l’éthique et au bien-être collectif. Cette position illustre la rigueur morale du scientifique, soucieux d’inscrire son travail dans un cadre de responsabilité.

À l’opposé de cette expérience, une rencontre marquante s’est déroulée à la fin des années 1980 avec le groupe japonais Sony. À cette époque, pionnier dans les technologies grand public, le géant invite Rachid Yazami à Yokohama pour présenter ses travaux sur les batteries lithium-ion. Un haut responsable de la recherche de Sony lui confie alors : «Vous êtes le premier scientifique à savoir que Sony va commercialiser la batterie lithium-ion avec votre anode». Une reconnaissance explicite de l’impact décisif de son invention. Ce partenariat avec Sony a jeté les bases d’une révolution énergétique et a permis de nouer une relation durable, empreinte de respect mutuel. «À chaque visite, le siège social de Sony m’accueille avec un écran géant, le drapeau marocain et un message de bienvenue», confie-t-il.

Un séjour marocain riche en rencontres industrielles

Le séjour du professeur Yazami au Maroc a été rythmé par une série de rencontres illustrant le dynamisme de l’innovation industrielle nationale. Chaque visite lui a permis de découvrir les avancées réalisées par les ingénieurs marocains et d’identifier des opportunités concrètes de collaboration. Parmi ces temps forts, sa visite à TE Connectivity, entreprise spécialisée dans l’industrie électronique, a été marquante. Il y a rencontré de jeunes ingénieurs marocains qu’il a qualifiés d’exceptionnels. «J’ai été impressionné par leur professionnalisme et leur passion», a-t-il déclaré, saluant la compétence de cette nouvelle génération formée localement. Il en a conclu que le Maroc était désormais un centre de compétence reconnu. «Ce sont les Américains qui importent maintenant la technologie marocaine», a-t-il affirmé avec fierté.

Chez Renault, l’ambition d’une collaboration entre son expertise et celle de l’industrie automobile nationale s’est matérialisée à travers des échanges constructifs avec le président de l’usine. «On a décidé de travailler ensemble», a-t-il confirmé. L’objectif : faire naître au Maroc la station de recharge la plus rapide au monde, d’ici la fin de l’année ou, au plus tard, en 2026. Un projet ambitieux susceptible de positionner le Royaume à la pointe de l’électromobilité à l’échelle internationale.

La visite du professeur Yazami à Tanger Med Port a également été marquante. Désormais classé 12e au niveau mondial et 3e en matière de sécurité, ce port est, selon lui, un modèle de performance et un levier stratégique pour le positionnement du Maroc dans les échanges internationaux. «C’est impressionnant. Ce port est aujourd’hui l’un des plus grands hubs maritimes mondiaux», a-t-il déclaré.

Le Maroc, futur hub mondial des batteries

Interrogé sur les perspectives marocaines dans le secteur des batteries, Rachid Yazami ne cache pas son enthousiasme : «Le Maroc n’a d’autre choix que de devenir un leader dans le développement de batteries et de voitures électriques». Selon lui, le Royaume dispose de plusieurs atouts. L’implantation de grands groupes industriels tels que Renault et Stellantis a déjà fait du Maroc un pôle de production automobile reconnu. À cela s’ajoute une richesse en ressources naturelles stratégiques, notamment les phosphates et le cobalt, éléments clés dans la fabrication des composants de batterie. Il souligne notamment le rôle central que pourraient jouer l’OCP et Managem dans la production des cathodes LFP (Lithium Fer Phosphate), cruciales pour les batteries des véhicules électriques.

Deux centres structurants à Fès et Nouaceur

En parallèle de ses engagements industriels, Rachid Yazami œuvre activement à la structuration d’infrastructures académiques au service de la recherche et de la formation. À Fès, sa ville natale, il a fondé un centre d’excellence dédié aux batteries, au sein de l’Université Privée de Fès. Ce centre, qui porte son nom, accueille depuis 2019 chercheurs et étudiants dans un amphithéâtre entièrement consacré à la recherche. Dès juin prochain, des tests de batteries industrielles y seront lancés, une première en Afrique.

Par ailleurs, le professeur Yazami soutient également le projet de création d’un institut à Nouaceur, destiné à former des techniciens spécialisés dans l’entretien et la gestion des batteries pour véhicules électriques. Ces formations, courtes et pratiques, visent à répondre à la demande croissante de compétences dans ce secteur émergent. «Ce sont des formations destinées à former des professionnels capables de gérer, réparer et maintenir des batteries dans les véhicules électriques», précise-t-il.

Une révolution dans la charge ultra-rapide grâce à la voltamétrie non linéaire

Parmi les dernières avancées scientifiques du professeur Yazami figure une innovation susceptible de bouleverser les normes actuelles de l’industrie : une méthode de recharge ultra-rapide fondée sur la voltamétrie non linéaire. Contrairement aux méthodes traditionnelles de charge à courant constant, cette technologie repose sur une montée progressive de la tension, ponctuée de phases de repos permettant à la batterie de refroidir. Le résultat est spectaculaire : une batterie peut désormais être entièrement rechargée en six minutes, sans jamais dépasser les 50°C, assurant ainsi une sécurité maximale tout en divisant par dix le temps de recharge. Cette avancée pourrait transformer la mobilité électrique, les objets connectés et bien d’autres domaines dépendant de l’énergie portable.
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