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Réformes de la Moudawana et du Code pénal : gare aux incohérences ! (Me Omar Bendjelloun)

Pour réguler l'institution de la famille et établir l'équité homme-femme, il y a, d'après l'avocat aux barreaux de Rabat et de Marseille Omar Bendjelloun, plusieurs paramètres qui entrent en jeu, comme la paix sociale, la paix et la stabilité juridiques, les différents courants politiques et idéologiques ou encore la structure sociale, politique et religieuse du pays, afin d'arriver à un savant équilibre. Selon ce juriste, il existe plusieurs exemples qui permettent d'atteindre les mêmes résultats d'équité et d'égalité entre les hommes et les femmes sans toucher pour autant à quelques courts-circuits dans la Moudawana.

Maître Omar Bendjelloun
Maître Omar Bendjelloun
Lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre certaines dispositions du Code de la famille qui débordent sur le Code pénal, Maître Omar Bendjelloun estime qu'il existe d'autres moyens pour intervenir que de déclencher la procédure pénale. De son point de vue, «c'est là tout l'intérêt de diversifier le polycentrisme des sources de droit». Invité de «L’Info en Face» pour discuter des réformes de la Moudawana et du Code pénal et dans quelle mesure elles convergent ou divergent, Me Bendjelloun affirme qu’«on ne peut pas triompher à l’idée que réguler la famille ou établir l’égalité homme-femme passe par la réforme d’une seule loi». Pourquoi ? D’après cet avocat, il y a plusieurs paramètres qui entrent en jeu comme celui de la paix sociale, de la paix et la stabilité juridiques, des différents courants politiques et idéologiques ou encore de la structure sociale, politique et religieuse du pays. «Il existe plusieurs exemples qui permettent d'aboutir aux mêmes résultats d'équité et d'égalité entre les hommes et les femmes sans toucher pour autant à quelques courts-circuits dans la Moudawana», dit-il.

Évoquant l'exemple précis du non-paiement de la pension alimentaire, qui peut entraîner une condamnation pénale du père, Me Bendjelloun estime que cette question mérite d'être posée : «L'enfant ou la mère ont-ils tous deux besoin d'un père en prison, qu'il soit en mesure de payer ou non ?» Et de poursuivre : «Admettons qu'il n'ait pas d'argent, c'est-à-dire que même s'il est envoyé en prison, il ne peut pas payer. Est-ce le rôle de l'État d'envoyer un père en prison pour défaut de paiement ?» Et même dans le cas contraire, où il y a une intention de se soustraire à ses responsabilités, alors que le compte est plein et que les revenus sont là, l'avocat juge qu'il y a d'autres moyens d'intervenir que de déclencher la procédure pénale. Dans cet exemple d'«abandon de famille», précise Me Bendjelloun, la logique reste strictement économique et relève de la pertinence.
En ce qui concerne l'adultère, il y a une logique qui veut qu’on le dépénalise à terme, souligne l'avocat, se demandant si cela créerait une paix sociale à l'égard des victimes. «Est-ce que cela ne renvoie pas encore à une forme d'émotion liée à l'honneur et à une vulnérabilité dans une société qui est encore émotionnelle et en voie développement ?», s’interroge-t-il.

Pour trouver des réponses adaptées à ces situations, M. Bendjelloun soutient que ce travail incombe aux intellectuels. «Nous avons besoin d'intellectuels qui réfléchissent aux différents aspects d'une norme. Dans l'exercice de légistique, la norme n'est que l'expression synthétisée de plusieurs paramètres en jeu, qui peuvent être hétérogènes comme homogènes», dit-il.

Interdiction du mariage des mineurs et dépénalisation des relations hors mariage : une incohérence juridique ?

Abordant la question de l'interdiction du mariage pour les mineurs, Me Bendjelloun se dit favorable à l'interdiction du mariage avant l'âge de 18 ans, mais une question reste à poser : «Comment le légiste entend-il créer une norme pour interdire le mariage des mineurs, et d'un autre côté, créer une autre norme dépénalisant les relations hors mariage une fois en capacité physique, c'est-à-dire à partir de 15-16 ans ?» C'est comme dire qu'entre 15 et 18 ans, on peut avoir des relations hors mariage, mais qu'on n'a pas le droit de se marier, commente l'avocat, précisant que «juridiquement, cela ne tient pas».

Pour aller dans le sens de la cohérence, Me Bendjelloun pense que ce qui sous-tend l'interdiction du mariage des mineurs est cette sorte de traite des êtres humains, où nous avons une jeune fille de 16 ans qui est «vendue», moyennant une dot, à un homme de 75 ans. «Alors, oui, nous devons envisager de l'interdire. Mais si la fille et le garçon ont tous deux 17 ans, comment faire ? On va leur interdire de se marier tout en leur permettant d’avoir des relations hors mariage ?» C'est à ces situations qu'il faut réfléchir attentivement, pour éviter de tomber dans «l'hypocrisie» ou «l'hybridité» normative où l'on a «du blanc ici et du noir là».
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