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Relations Maroc-Europe : Entretien avec la première vice-présidente du Parti populaire européen, Mariya Gabriel

Mariya Gabriel, première vice-présidente du Parti populaire européen (PPE), ancienne vice-première ministre et ministre des Affaires étrangères de Bulgarie, souligne l’importance stratégique du partenariat entre l’Europe et le Maroc. Lors de l’Académie d’automne du PPE qui vient d’avoir lieu à Marrakech du 25 au 29 septembre 2024, elle a mis en avant le rôle clé du Maroc dans la résolution des défis mondiaux, de la migration à l’énergie en passant par la sécurité. Dans un entretien accordé au journal «Le Matin», Mme Gabriel insiste sur la nécessité d’un dialogue renforcé et d’une meilleure coordination entre l’UE et le Maroc, saluant la nomination d’un commissaire européen pour la Méditerranée. Elle appelle à une plus grande implication des femmes dans les domaines de la sécurité et de la prise de décision. L’ancienne ministre évoque également les relations bilatérales prometteuses entre le Maroc et la Bulgarie, notamment dans l’éducation et l’innovation. Pour Mariya Gabriel, le Maroc est un partenaire essentiel de l’Europe pour relever les défis du futur.

Mariya Gabriel.
Mariya Gabriel.
Le Matin : En tant que participante à l’Académie d’automne, qui vient de se tenir à Marrakech, pouvez-vous nous parler de votre expérience durant cet événement, de vos premières impressions lors des visites et de la séance d’ouverture, ainsi que de l’importance et des objectifs de cette rencontre pour vous ?

Mariya Gabriel :
L’accueil de l’Académie d’automne par le Maroc est une reconnaissance de la qualité de notre coopération et de notre partenariat. C’est également une opportunité pour mettre en lumière non seulement la contribution des femmes à la résolution des conflits mondiaux, mais aussi celle du Maroc. Ensemble, l’Europe et le Maroc peuvent relever des défis globaux, qu’il s’agisse de la migration, de la sécurité, de l’énergie, du climat ou de l’environnement. Cette Académie d’automne envoie un message fort et clair. Comme l’a dit un célèbre auteur marocain, notre regard ne se limite pas à la Méditerranée et à l’Atlantique, il embrasse aussi l’Europe et le monde. Nous percevons les enjeux stratégiques cruciaux pour nos citoyens et comprenons que des solutions peuvent être trouvées grâce à notre collaboration. Ainsi, cette Académie met en valeur le rôle essentiel du Maroc en tant que partenaire stratégique de l’Europe et souligne l’importance de nos actions et initiatives communes face aux défis actuels.

Donc pour vous, la tenue de l’Académie d’automne au Maroc reflète l’importance du partenariat entre l’Europe et le Maroc dans la recherche de solutions aux défis mondiaux...

Je pense que c’est un excellent exemple, qui doit être encouragé. Parce que l’enjeu ce n’est pas de rester dans un cadre strictement européen. La délocalisation de l’Académie d’automne au Maroc illustre parfaitement la nécessité pour les Européens de s’ouvrir aux autres et d’apprendre d’eux. C’est en instaurant un véritable dialogue, qui permet de comprendre les différences et les positionnements de chacun, que nous pourrons construire des solutions pérennes et non conjoncturelles. Le Maroc, pionnier en accueillant cette réunion externe du PPE Femmes, reflète la volonté du parti de s’ouvrir davantage à ses partenaires. Cela souligne également que la Méditerranée et le Maroc demeureront des sujets prioritaires dans l’agenda européen.



Avec l’existence d’institutions comme l’Union européenne et l’Union pour la Méditerranée, qui abordent déjà des sujets cruciaux tels que la migration, la transition numérique et énergétique, pensez-vous qu’un cadre partisan comme le PPE puisse avoir un rôle à jouer dans ce sens ?

Jusqu’à présent, nous avons constaté des points forts, mais aussi des faiblesses. Il est crucial de reconnaître honnêtement les erreurs et les lacunes, ainsi que la nécessité d’une meilleure coordination et d’un nouveau cadre peut-être plus efficace pour hiérarchiser les différentes priorités. C’est pourquoi la proposition d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, de nommer pour la première fois un commissaire européen pour la Méditerranée est si encourageante. L’enjeu pour ce commissaire sera de montrer que des initiatives ont existé, mais qu’il faut s’attaquer à leurs faiblesses. La coordination ne doit pas rester théorique, elle doit être concrète et opérationnelle sur le terrain. Nous sommes sur la bonne voie. La nomination d’un tel commissaire envoie un signal fort. Il nous appartient désormais de donner un contenu à cette fonction afin que, dans cinq ans, nous ne regrettions pas de ne pas en avoir fait assez.

Dans le cadre de la coordination entre partis politiques sur des sujets cruciaux comme la paix et la sécurité, quel rôle spécifique les femmes peuvent-elles jouer ?

Nous entrons dans une nouvelle phase où la sécurité devient un enjeu central, englobant des domaines variés tels que l’énergie, l’environnement, l’agriculture, la mer et même la lutte contre la désinformation. Il est crucial que davantage de femmes s’affirment dans ces secteurs, non seulement pour renforcer leur formation, mais aussi pour constituer des équipes capables d’intervenir efficacement là où l’information doit parvenir. Je suis satisfaite de constater qu’aujourd’hui, nous reconnaissons la nécessité d’une plus grande présence féminine dans les processus décisionnels liés à la sécurité, ainsi que dans les différents domaines qui y sont rattachés. L’objectif est d’attirer les femmes afin de rendre la société plus résiliente, que ce soit dans la sécurité-défense, l’énergie, l’innovation, l’agriculture ou le climat. C’est un message fort.

Bien sûr, il nous faudra parler d’une seule voix et rester unis, car les perceptions des priorités en matière de sécurité peuvent varier. Il sera également crucial d’investir intelligemment, en tenant compte des ressources limitées. Donc oui, aujourd’hui, c’est un moment crucial grâce au Maroc et à l’accueil de l’Académie d’automne du PPE Femmes par le Maroc. Événement qui met en lumière le rôle essentiel des femmes dans la redéfinition des priorités sécuritaires et l’optimisation des moyens disponibles pour obtenir des résultats concrets.

En tant qu’ancienne vice-première ministre et ancienne ministre des Affaires étrangères, et au regard de votre récente visite au Maroc en janvier 2024, comment percevez-vous le rôle du Maroc en tant que pont entre l’Union européenne et l’Afrique ?

Je l’affirme sans ambiguïté : le Maroc est un partenaire stratégique qui joue un rôle clé. Lors de ma visite en janvier, à l’invitation du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, j’ai souligné les liens d’amitié qui nous unissent. Il est essentiel de continuer à renforcer cette confiance mutuelle et d’identifier les domaines de partenariat stratégique où nous pouvons faire la différence. Au fil des années, l’Europe et le Maroc ont constaté la solidité de ce partenariat. Cependant, il est maintenant crucial de convaincre les citoyens de ces bénéfices concrets dans leur vie quotidienne. Nous devons nous concentrer sur des sujets clés tels que la migration, la lutte contre le terrorisme, la radicalisation, la désinformation, les fake news, mais aussi l’innovation, l’éducation supérieure et le rôle des universités.

Le Maroc offre de beaux exemples de développements innovants et technologiques. Il nous appartient de les mettre en lumière afin de faciliter des discussions sereines sur les sujets où nos perceptions diffèrent. Je souligne auprès de nos partenaires l’importance d’écouter des pays comme le Maroc, qui ont une expérience et une perception éclairantes. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons affirmer que le Maroc reste un partenaire stratégique essentiel pour relever les défis mondiaux. Cela passe par les contacts humains, à travers les femmes, les jeunes, les universités, les startups et les agriculteurs. Voilà ce que je souhaiterais voir davantage se concrétiser.

Quel regard portez-vous sur l’initiative Royale pour l’Atlantique visant à ouvrir l’accès à la mer pour les pays enclavés du Sahel ?

Voilà, c’est ce qu’il nous faut maintenant. Il est crucial d’instaurer un dialogue régulier et le moment est venu d’organiser une grande rencontre pour aborder toutes ces questions. C’est l’occasion idéale, alors que la nouvelle Commission européenne se met en place avec une nouvelle représentante, et que nous souhaitons établir des priorités claires pour les prochaines années en matière de sécurité et de partenariats stratégiques. Les deux ou trois prochains mois seront décisifs pour donner de la visibilité à ces sujets et les mettre sur la table. Nous avons constaté les conséquences néfastes de l’isolement et de l’enclavement, qui exacerbent les conflits sociaux, politiques, économiques, voire internationaux et régionaux. Il est grand temps de privilégier l’ouverture du dialogue, la diplomatie et la coopération. Bien que parfois plus difficiles à mettre en avant, ces approches apportent des résultats bien plus durables que d’autres actions que nous avons déjà observées.

Lors de votre rencontre avec le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, durant votre visite en janvier, avez-vous abordé la question du Sahara ?

Lors de ma visite en janvier, j’ai exprimé un message très clair. Dans notre déclaration commune, la Bulgarie a réaffirmé l’importance de travailler activement pour parvenir à une solution.

Quels sont les domaines prioritaires dans lesquels le Maroc et la Bulgarie devraient renforcer leur coopération bilatérale et approfondir leurs échanges ?

J’apprécie les exemples concrets, car ils illustrent la qualité exceptionnelle de nos relations bilatérales depuis de nombreuses années. Je tiens à souligner notre dernière initiative. En janvier, lors de ma visite, nous avons inauguré à Rabat un bureau d’information en collaboration avec plusieurs acteurs de l’Université de Bulgarie, sous le slogan «Viens étudier en Bulgarie, viens découvrir la Bulgarie». J’ai été très émue lorsque des parents, après avoir écouté mon discours et constaté l’importance de ce projet pour la Bulgarie, m’ont confié être rassurés quant au souhait de leur enfant de partir étudier dans notre pays. Je crois profondément en ce type d’initiatives.

La prochaine étape consistera à ouvrir un bureau similaire à Sofia, afin que la jeunesse bulgare puisse découvrir les nombreuses opportunités d’études au Maroc et intensifier les échanges académiques entre nos deux pays. Mais je suis convaincue que la culture et l’éducation ne sont que quelques-uns des domaines prometteurs de notre coopération. Il existe un potentiel considérable en matière d’innovation, d’énergie, de transition verte et numérique. Ce sont autant de secteurs dans lesquels je vois un renforcement de nos relations. Ces perspectives sont porteuses d’espoir, car elles représentent notre avenir commun.
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