La position britannique sur la question du Sahara est officiellement «en cours de réexamen», a souligné récemment le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, David Lammy, devant la Chambre des communes. Partant de cette annonce, l’expert marocain en géopolitique Cherkaoui Roudani a mis en lumière, dans une tribune publiée mercredi dernier dans «Modern Policy», les multiples bénéfices que le Royaume-Uni pourrait tirer d’une reconnaissance de la souveraineté marocaine sur ses provinces sahariennes. En effet, pour ce professeur en relations internationales, cette décision sera plus qu’un simple acte diplomatique, mais un virage stratégique majeur qui s’aligne sur les intérêts économiques, énergétiques et sécuritaires du Royaume-Uni dans un monde en pleine recomposition.
Une relation historique à réinventer
Dans sa tribune, Cherkaoui Roudani souligne que le Royaume-Uni, à l’heure du post-Brexit, est appelé à repenser ses alliances stratégiques avec une vision claire, tournée vers l’avenir. Et dans ce paysage en mutation, le Maroc apparaît comme un partenaire incontournable. «La relation entre Rabat et Londres, vieille de plus de quatre siècles, ne relève plus seulement d’un héritage historique. Elle devient, une nécessité stratégique pour une “Global Britain” désireuse d’élargir son influence au-delà du continent européen, tout en recherchant des partenaires fiables dans des zones à fort potentiel», explique-t-il.
Le Sahara, un enjeu de sécurité régionale
Au-delà de sa dimension territoriale, la question du Sahara incarne, selon M. Roudani, un enjeu central pour la sécurité de l’Afrique du Nord et du Sahel – des régions où les intérêts britanniques sont de plus en plus présents. «Le plan marocain d’autonomie, largement soutenu à l’international, est présenté comme une solution pragmatique et réaliste à un conflit ancien. Reconnaître ainsi la souveraineté marocaine sur le Sahara permettrait ainsi au Royaume-Uni de s’aligner sur une dynamique de paix et de stabilité, tout en renforçant ses positions dans une Afrique en pleine mutation. C’est bien plus qu’honorer une ancienne alliance : c’est se positionner en architecte d’un nouvel ordre régional», analyse l’universitaire marocain.
Une coopération énergétique en pleine expansion
Sur le plan économique, les opportunités sont tout aussi stratégiques. Le projet Xlinks, ce gigantesque câble sous-marin qui doit transporter de l’électricité verte du Maroc vers le Royaume-Uni, incarne la nouvelle coopération énergétique entre les deux pays. Ce partenariat ne se limite pas à un approvisionnement en énergie propre : il pourrait, selon le même expert, devenir un levier majeur dans la transition énergétique britannique, tout en réduisant sa dépendance aux hydrocarbures. À cela s’ajoutent d’autres projets structurants, comme le futur port atlantique de Dakhla, les initiatives autour de l’hydrogène vert ou encore le mégaprojet de gazoduc Nigeria-Maroc... autant de dossiers dans lesquels Londres pourrait prendre une place prépondérante.
Une décision aux implications géopolitiques
Sur le terrain géopolitique, le contexte appelle également à des choix clairs. Face aux manœuvres déstabilisatrices d’Alger et à l’influence croissante de l’Iran dans la région via ses soutiens aux groupes terroristes, le Maroc apparaît, selon l’expert, comme un pilier de stabilité. Pour M. Roudani, une reconnaissance explicite de la souveraineté marocaine enverrait un message fort à l’échelle internationale : le Royaume-Uni reste un acteur de poids, capable de peser sur les équilibres régionaux, de sécuriser des voies commerciales vitales et de renforcer l’aile sud de l’OTAN.
Une position britannique encore prudente
La tribune de M. Roudani intervient dans un contexte où la réflexion sur la position de Londres sur la question du Sahara alimente de plus en plus le landerneau diplomatique dans le Royaume-Uni. Mardi dernier, le chef de la diplomatie britannique, David Lammy, a confirmé devant les députés que «le Royaume-Uni continue le dialogue avec les autorités marocaines» au sujet du Sahara, tout en précisant que la position du gouvernement restait «conforme à celle observée sous le précédent exécutif». Interpellé par le député conservateur Andrew Mitchell, qui a appelé le Royaume-Uni à emboîter le pas à Washington et Paris en soutenant le plan d’autonomie marocain, M. Lammy a indiqué que cette orientation faisait «l’objet d’un réexamen constant à la lumière des évolutions régionales et internationales». «Le Royaume-Uni suit de très près les développements dans la région et procède à une évaluation approfondie des différentes dimensions du différend relatif au Sahara», a-t-il ajouté.
Une fenêtre historique à saisir
Dans un monde où les lignes d’influence se redessinent à grande vitesse, le Maroc s’affirme comme un carrefour stratégique, à la croisée des intérêts africains, européens et atlantiques. Pour le Royaume-Uni, la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara pourrait, en effet, constituer bien plus qu’un geste diplomatique : un acte fondateur pour redéfinir son rôle dans la nouvelle architecture mondiale, argumente M. Roudani. Le moment est peut-être venu pour Londres de passer du dialogue aux décisions. L’histoire jugera les nations capables d’anticiper les grands tournants géopolitiques et le Sahara pourrait bien être l’un d’entre eux.