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Sahara : Eclairages croisés pour une meilleure compréhension du plan marocain d’autonomie

Longtemps débattue et scrutée sous toutes ses facettes, l'initiative marocaine d'autonomie dans les provinces du Sud continue de susciter un vif intérêt au sein de la communauté universitaire et des chercheurs. Mercredi 15 mai 2024, un colloque national, organisé conjointement par la section de droit public et des sciences politiques de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Mohammedia, le Laboratoire de droit public et des droits de l'Homme, le Laboratoire d'études politiques et de gouvernance territoriale, ainsi que le Laboratoire des politiques publiques de la même Faculté, a réuni d’éminents experts pour apporter un éclairage analytique sur les multiples dimensions de cette proposition stratégique.

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Mercredi 15 mai 2024, la Faculté de droit de Mohammedia a connu une affluence inhabituelle. Experts en droit et en relations internationales, politologues, historiens et figures de la société civile s'étaient donné rendez-vous pour un riche débat sur la thématique «L'initiative d'autonomie pour les provinces du Sud du Maroc : significations, dimensions et implications».
Ouvrant le bal à cette occasion, Mohamed Issa Babana El Alaoui, docteur d'État de l'Université de Genève et historien de renom, a dressé un panorama de l'évolution du processus de décentralisation et de régionalisation avancée au Maroc. Il a souligné à cet égard que «depuis les prémices de la régionalisation, au lendemain de l'indépendance, le Royaume n'a eu de cesse de s'inspirer des meilleures expériences à l'international, à l'instar du modèle allemand et ce dès 1984». Relevant la présence du terme «régionalisation» dans les différentes Constitutions du Royaume, l'intervenant a expliqué que «des émissaires marocains ont sillonné la planète pour s'enquérir des meilleures expériences de régionalisation dans le monde». Il a insisté sur «la nécessité de bien différencier une autonomie interne transitoire du séparatisme, en étayant solidement les arguments».
Abdelhamid Benkhattab, président de l'Association marocaine des sciences politiques, s'est attardé lui sur «l'autonomie dans les expériences comparatives». Selon lui, «sur le plan politique, le séparatisme est rejeté par les États qui refusent la désunion et prônent la fusion et l’intégration». Il a ajouté que «le monde connaît certes des mouvements séparatistes, mais l'initiative marocaine d'autonomie constitue une solution politique pour dépasser le blocage juridique, bénéficiant d'un important soutien international dès 2007». Soulevant des questionnements autour d'une éventuelle acceptation du plan d'autonomie par le Polisario, M. Benkhattab a estimé que «la solution réside dans le recours aux dispositions de l'État de droit».

Plan marocain d'autonomie au Sahara : Unité, stabilité et intégrité territoriale

Abdelfatah Elfatine, chef de la section de droit public à la Faculté de droit de Aïn Chock, a centré son intervention sur «le plan d'autonomie : intégrité, unité et stabilité». Évoquant les «préalables d'ordre juridique» qui sous-tendent l'alignement du Maroc sur les dispositions du droit international, le juriste a rappelé que «des juges de rang international se sont prononcés contre l'autodétermination, tranchant en faveur du Maroc sur les questions de l'inviolabilité des frontières et d'intégrité de l'État». «Les principes juridiques sont respectés dans le plan d'autonomie proposé par le Royaume», a-t-il martelé, mettant en avant la dimension de «stabilité» inhérente à cette initiative.

Sahara : Autodétermination et autonomie, un lien constitutionnel

Interrogeant le paradoxe apparent entre autonomie et autodétermination avancé par la «thèse séparatiste», Omar Cherkaoui, professeur à la Faculté de droit de Mohammedia, a expliqué que «loin d'être antinomiques, ces deux notions sont en réalité conciliables, comme l'attestent de nombreuses expériences constitutionnelles». Relevant que «40% des populations mondiales vivent sous des régimes d'autonomie», l'orateur a posé la nécessité de «réinterroger la notion d'autodétermination, longtemps associée aux mouvements indépendantistes». «L'autonomie est une expérience adoptée par de nombreux pays comme l'Afrique du Sud, le Mexique, la Bolivie, l'Équateur, le Népal, la Russie, le Venezuela, l'Espagne ou encore le Brésil, pour apporter des solutions à des crises, tout en préservant l'unité de l'État», a-t-il poursuivi. Et de conclure qu'«il y a une compatibilité entre autodétermination et autonomie».

Plan marocain d'autonomie : Une carte de négociation crédible

Abordant l’axe «le plan d'autonomie entre négociation et opérationnalisation», Abdelfattah Belamachi, de la Faculté de droit de Marrakech, a mis en garde contre «une opérationnalisation hâtive» de cette initiative, qui traduit «un engagement du Maroc pour trouver une solution politique définitive». Citant les points 9 et 33 du document de l'autonomie, le juriste a rappelé «l'appel du Royaume à saisir cette opportunité de négociation, en collaboration avec l'ONU et son représentant». Pour lui, «la solution ne peut être résolue que par la négociation, conformément à la conviction partagée par la communauté internationale». S'arrêtant sur «les actes juridiques et la reconnaissance de la marocanité du Sahara sur le terrain», M. Belamachi a évoqué «l'ouverture de consulats généraux dans les provinces du Sud par une trentaine de pays, doublée d’une dynamique de développement économique et d'intégration de ces territoires dans le circuit économique national». De même, il a mis en lumière «la voie onusienne empruntée par la diplomatie marocaine, ayant permis d'engranger des acquis considérables». Autant d'actions que conforte le «nouveau contexte géostratégique, notamment l'Initiative de l'Atlantique et les récentes résolutions onusiennes donnant raison au Maroc».

Dévolution du pouvoir et reconfiguration État-Régions

Abordant «la régionalisation du pouvoir politique», Khadija Nassiri, directrice du Laboratoire d'études politiques et de gouvernance territoriale à Mohammedia, a rappelé que «les soubassements d'une autonomie régionale remontent à loin». Si «le Maroc a opté pour un mode de régionalisation inspiré du modèle français, alliant décentralisation et collectivité territoriale», l'experte s'est interrogée sur «la coexistence entre cet ordre et la régionalisation politique proposée dans le plan d'autonomie».

Pour Mohamed Ghali, doyen de la Faculté de droit de Kalaat Sraghna, «le plan d'autonomie est un choix souverain» dont l'analyse doit se faire «pour anticiper les risques géostratégiques, cette initiative étant porteuse de solutions pour la région». L'universitaire a invité à «dépasser la logique de 2007 pour intégrer les avancées diplomatiques, les reconnaissances et ouvertures de consulats dans les provinces du Sud». Partant du principe que «le Maroc est dans son Sahara et le Sahara est dans son Maroc», M. Ghali a estimé que «la gestion revient aux fils des provinces du Sud eux-mêmes». Une «lecture renouvelée» de ce projet s'impose donc «à l'aune des principes de souveraineté et du nouveau contexte géopolitique contemporain».

Sahara marocain : La société civile, fer de lance de la réussite du plan d'autonomie

S'attardant sur «la place de la société civile dans la réussite du plan d'autonomie», Mohamed Zineddine, professeur à Mohammedia, a considéré que «son rôle est essentiel pour le succès de cette initiative». Évoquant «le contexte international favorable et les changements démographiques dans les provinces du Sud, avec l'arrivée d'élites jeunes aux côtés des notables», l'intervenant a plaidé pour «encourager les mécanismes de coopération avec la société civile» et «redynamiser le Conseil Royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas)». Avec «286 000 ONG au Maroc, dont 20.000 rien qu'à Laâyoune opérant dans divers secteurs comme la culture hassanie, les droits politiques ou la liberté d'expression», le professeur Zineddine a estimé qu'il existe «un terreau favorable à l’aboutissement du projet d'autonomie».

Saïd Khoumri, directeur du Laboratoire de droit public et des droits de l'Homme à Mohammedia, a dégagé pour sa part «dix aspects de l'unité et de la souveraineté» contenus dans le projet de statut d'autonomie. Parmi ceux-ci, «l'article 2 inscrivant l'initiative dans le cadre de la souveraineté et de l'unité territoriale» ou encore «le point 29 prévoyant une révision constitutionnelle pour intégrer le statut dans la Loi fondamentale». L'intervenant a également cité «les larges attributions de l'État en matière de souveraineté, de défense et d'affaires étrangères», ainsi que «les prérogatives du Roi en tant que Chef suprême et Commandeur des croyants». De même, il a relevé «le rôle de coordination dévolu au représentant de l'État», la «représentation des populations au Parlement central» ou encore «la nomination du Chef du gouvernement régional par le Souverain».

Sahara marocain : Un environnement en pleine mutation

Manar Slimi, chercheur et universitaire, a dressé un état des lieux des «changements survenus depuis 17 ans, que ce soit à l'ONU ou au sein du concert des nations». Exposant un «contexte de multipolarité fragile» ayant succédé à l'unipolarité d'antan, il a noté «les partenariats stratégiques noués par le Maroc, notamment avec l'Espagne, sur le plan régional». Parallèlement, M. Slimi a mis en avant «la transformation du mouvement polisario d'organisation en groupe terroriste». Autant d'éléments à inscrire aux côtés «du changement stratégique avec la libération du passage de Guergarate et des initiatives structurantes comme le gazoduc Maroc-Nigeria ou l'Initiative de l'Atlantique» pour dire que le plan d’autonomie s’insère dans une vision cohérente de la géopolitique régionale. Face à ce nouveau paradigme, l'expert a avancé trois scénarios prospectifs. D'abord, «l'ONU pourrait considérer que ce conflit ayant perduré un demi-siècle ne mérite plus d'être pris en compte au Conseil de sécurité, ouvrant la voie à son retrait de l'ordre du jour». Le deuxième scénario envisagé par M. Slimi se rapporte à «une reconnaissance claire par la France de la marocanité du Sahara, ce qui pourrait déstabiliser l'Algérie». Enfin, l'universitaire n'a pas écarté l'éventualité d'une escalade menant à «un conflit armé entre le Maroc et l'Algérie». Un scénario pour le moins improbable, mais qui n’est pas à écarter, vu la fébrilité du régime algérien.

Sahara marocain : Création, défis et horizons d'une initiative pionnière

Pour sa part, Rachid Mouktadir, directeur du Laboratoire de recherche et d'études en droit constitutionnel et sciences politiques à la Faculté de Aïn Chock, a dressé un large panorama de «l'initiative marocaine d'autonomie : création, défis et horizons». Saluant le fait que «le Maroc ait pris au dépourvu ses adversaires à travers cette initiative», le professeur a rappelé l'intérêt pluridisciplinaire que suscite cette question, des sciences politiques aux relations internationales en passant par la géopolitique ou le droit. Les principales approches, a-t-il résumé, «se sont intéressées au volet historique, aux résolutions et décisions onusiennes, à l'évolution du concert international ainsi qu'à ses équilibres de force». Une riche matière pour appréhender cette initiative dans toute sa complexité et ses multiples ramifications, en soulignant les outils de méthodologie et de recherche utilisés pour aborder le sujet.
À n'en point douter, cette journée d'étude aura permis d'apporter un éclairage renouvelé sur le plan d'autonomie proposé par le Royaume pour ses provinces sahariennes. Des éléments qui seront repris dans le cadre d’un ouvrage collectif que les organisateurs de cette conférence promettent de publier très prochainement.
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