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Télétravail, travail à temps partiel... le CESE plaide pour un meilleur cadre juridique et social

Face à l’évolution à grande vitesse des formes d’emploi, le Maroc se trouve confronté à l’essor massif du travail non conventionnel, souvent en marge du droit et de la protection sociale. Cette nouvelle réalité, nourrie par la digitalisation, la recherche de flexibilité et la montée de l’économie de plateforme, concerne désormais une large frange de la population active, notamment les jeunes, les femmes et les travailleurs indépendants. Conscient des enjeux, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) alerte les pouvoirs publics à travers un avis détaillé et structuré, présenté mercredi dernier par son président Abdelkader Amara. À travers une série de recommandations, le CESE propose d’ancrer ces formes d’emploi dans un cadre juridique clair, de garantir aux travailleurs leurs droits fondamentaux et de faire du travail non conventionnel un levier d’inclusion plutôt qu’un facteur de précarité.

Ce n’est un secret pour personne, le marché du travail marocain connaît de profondes mutations, générées par la digitalisation, la flexibilité accrue et l’essor de l’économie des plateformes. Une nouvelle réalité sociale et professionnelle émerge dès lors : celle du travail non conventionnel. De plus en plus répandue, cette forme d’emploi regroupe une diversité de situations allant du télétravail à la prestation présentielle, en passant par les missions via les applications numériques. Or ces situations échappent souvent aux grilles classiques du droit du travail.



Face cette évolution structurelle, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a choisi d’y consacrer un avis en bonne et due forme. Présenté mercredi dernier par son président, Abdelkader Amara, ce document dresse un constat lucide de la situation et formule une série de recommandations ambitieuses pour que ces formes d’emploi bénéficient d’un cadre clair, équitable et protecteur.

«Le travail non conventionnel attire de plus en plus de Marocains, notamment parmi les jeunes, les femmes, les personnes en situation de handicap ou encore ceux vivant dans les zones rurales. Loin d’être marginal, ce phénomène reflète une aspiration à davantage de souplesse et d’autonomie. Mais cette flexibilité, si elle n’est pas encadrée, peut également devenir source de précarité, en privant les travailleurs de droits fondamentaux tels que la couverture sociale, la stabilité contractuelle ou l’accès à la formation», a souligné à cet égard M. Amara.

Une reconnaissance juridique à inscrire dans le Code du travail

Pour répondre aux différents défis liés à ce travail non conventionnel, le CESE a formulé une série de recommandations. L’instance consultative plaide en premier lieu pour une reconnaissance juridique explicite du travail non conventionnel au sein du Code du travail. Il s’agira de définir clairement les formes que peut prendre ce type d’activité – missions à durée variable, temps partiel, travail à domicile, ou encore prestations via des plateformes numériques – et d’établir les conditions permettant aux parties de contractualiser en toute transparence.

Le Conseil préconise également l’actualisation des dispositions légales relatives au télétravail. Il cite notamment l’article 8 du Code du travail, jugé insuffisamment adapté aux nouvelles réalités du monde professionnel, et appelle à une réforme permettant d’intégrer tous les salariés opérant à distance, qu’ils soient domiciliés au Maroc ou ailleurs.

Clarifier les relations contractuelles via les plateformes

Par ailleurs, une attention particulière est portée à l’encadrement du travail effectué via les plateformes numériques. Le CESE insiste sur la nécessité de clarifier le statut des personnes concernées : certaines peuvent relever du salariat, d’autres du régime indépendant, selon le degré de dépendance économique et les modalités de collaboration. Il recommande de déterminer ces critères de manière précise afin de mettre fin au flou qui caractérise actuellement ces relations.

Élargir la couverture sociale à tous les travailleurs

Le volet social n’est pas en reste. Le Conseil met en garde contre les risques d’exclusion de ces travailleurs des dispositifs de protection. Il appelle à étendre la couverture sociale, qu’il s’agisse de l’assurance maladie, de la retraite, des indemnités familiales ou de la prise en charge des accidents du travail. Le droit à la formation continue devrait également être garanti, y compris pour les travailleurs indépendants. Autre aspect fondamental mis en avant : la nécessité d’intégrer pleinement la problématique du travail non conventionnel dans le dialogue social. Le CESE estime que les syndicats, les employeurs et les institutions doivent se saisir collectivement de cette réalité pour élaborer des solutions adaptées. Il propose de créer de nouveaux mécanismes de représentation et de négociation, capables de s’appliquer aux formes d’emploi hybrides et évolutives.

Instaurer un dispositif national de veille stratégique

Conscient que les mutations du travail ne sont pas près de s’arrêter, le Conseil recommande enfin la mise en place d’un système national de veille stratégique. Celui-ci permettrait de suivre l’évolution des métiers, d’anticiper les besoins futurs du marché du travail, et d’éclairer les politiques publiques en matière d’emploi et de formation. Le renforcement du rôle du Conseil national de l’emploi est également suggéré, en lien étroit avec les centres de recherche, les acteurs économiques et les services statistiques.

À travers cet avis, le CESE appelle à une refondation de la régulation du travail, dans une logique d’équité, d’adaptation et de dignité. Il ne s’agit pas de freiner la transformation en cours, mais d’en fixer les règles pour que les droits sociaux fondamentaux ne soient pas sacrifiés au nom de la flexibilité. Le travail non conventionnel peut devenir un levier de dynamisme et d’inclusion, à condition d’être pleinement reconnu et encadré. C’est à cette condition que le Maroc pourra relever les défis imposés par des relations professionnelles en pleine recomposition.
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