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Mardi 24 Juin 2025
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Subventions controversées, tensions au sein de la majorité... Talbi El Alami répond aux critiques

Devant un parterre de journalistes réunis par la Fondation Lafqui Titouani, le président de la Chambre des représentants a esquissé, vendredi 28 mars, les contours d’un pouvoir législatif en quête d’équilibre. Entre gestion controversée des subventions, tensions au sein de la majorité, diplomatie parlementaire… il a plaidé pour une lecture nuancée du fonctionnement institutionnel, alors que la confiance des citoyens envers les institutions s’érode.

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Critiqué d’emblée pour la supposée docilité de la Chambre des représentants face à l’exécutif, Rachid Talbi El Alami a tenu à clarifier les lignes. «Je ne suis pas un fonctionnaire du gouvernement», tranche-t-il. «Mon rôle est de garantir à la fois la séparation des pouvoirs et leur coopération. C’est l’essence même de la Constitution de 2011.» Pour lui, la stabilité du pays repose sur le respect des institutions. «Le Parlement ne se limite pas à voter des lois. Il porte un pacte national. Sans lui, c’est la guerre de tous contre tous. Comme disait Hobbes : le chaos.» Une référence assumée qui résume l’un des fils rouges de son intervention : dans un Maroc confronté à de multiples tensions, économiques, sociales, géopolitiques... la continuité institutionnelle reste, selon lui, la condition première de la résilience nationale. Évoquant son parcours personnel, débuté dès sa jeunesse dans les rangs du Parti du progrès et du socialisme (PPS) avant de rejoindre le Rassemblement national des indépendants (RNI), il affirme : «Le changement, je l’ai vécu de l’intérieur. Pas comme spectateur.» Ce vécu, dit-il, l’oblige à ne pas céder aux logiques d’instantanéité et à défendre des principes plus larges que ceux de la conjoncture : la légitimité, la durée, l’État. Il rappelle au passage que le Maroc est «la deuxième plus vieille monarchie au monde après le Japon», insistant sur la nécessité de renforcer l’efficacité des institutions sans remettre en cause leur légitimité historique.

«Le Parlement ne distribue pas les aides, il les encadre»

Face aux accusations de «juteux profits réalisés par les importateurs de moutons au détriment des Marocains», lancées par Nizar Baraka en marge d’une rencontre politique à Oulad Frej, le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi El Alami, a réagi avec prudence. «Ce n’est pas une déclaration d’un membre du gouvernement, c’est celle du secrétaire général d’un parti», a-t-il tenu à préciser, balayant d’un revers de main l’argument d’une parole officielle. El Alami a reconnu toutefois l’ampleur du malaise suscité par cette affaire, mais s’est refusé à trancher «Je ne peux ni confirmer ni infirmer qu’il y a eu dilapidation de fonds publics. Ce débat doit être porté devant la justice, seule à même d’établir les faits.» Corrigeant les chiffres largement relayés par certains médias, il a précisé que la subvention publique dédiée à l’importation de moutons pour Aïd Al-Adha s’élève à 300 millions de dirhams, et non 1.300 milliards de centimes et qu’elle a bénéficié à une centaine d’importateurs, et non 18. Quant à la demande de mission d’enquête parlementaire, Talbi El Alami a reconnu que la réunion initiale «n’a pas été menée à terme», tout en assurant qu’elle sera relancée. Il a également rappelé que les rôles doivent être clairement délimités : «Ce n’est pas le Parlement qui attribue les subventions ou contrôle leur exécution. Cela relève de l’Exécutif.»

Réformer sans démolir

Sur les critiques visant un Parlement jugé peu représentatif ou inefficace, Rachid Talbi El Alami oppose des faits. «On dit que le Parlement ne sert à rien. Pourtant, 179 projets de loi ont été adoptés durant cette législature, dont 42 ont été substantiellement modifiés. Près de 6.150 amendements ont été examinés, la moitié adoptée.» Une manière de rappeler que l’activité parlementaire ne se limite pas aux séances publiques : «Il y a un vrai travail de fond dans les commissions, des débats techniques, des échanges avec des ministres, des auditions.» À ceux qui dénoncent l’inexpérience de certains élus, il assure que «Ce ne sont plus les élites des années 60. Le pays a changé, ses repères aussi. Nous avons des jeunes, des femmes, des profils issus du terrain.» Il concède qu’il y a parfois des lacunes, mais refuse d’en faire une généralité. Concernant les soupçons de clientélisme autour d’associations comme Joud, il tempère : «La solidarité fait partie de notre culture. Si des associations proches de partis agissent, ce n’est pas un problème en soi. Le vrai défi, c’est d’établir des règles du jeu claires, pour éviter les abus.»

Diplomatie parlementaire : des avancées sans fanfare

Sur le volet international, Rachid Talbi El Alami a tenu à souligner l’importance d’une diplomatie parlementaire «discrète, mais efficace», souvent reléguée au second plan du débat public. «Nous avons classé les États en quatre catégories selon leur position sur la question du Sahara. Notre objectif est clair : faire passer progressivement ceux de la quatrième catégorie, les plus hostiles, vers la première, celle des soutiens affirmés», explique-t-il, sans citer nommément les pays concernés. S’il revendique quelques avancées notables – notamment au sein du Parlement européen ou du Conseil de l’Europe –, le président de la Chambre des représentants se refuse à en faire étalage. «Le silence est parfois plus stratégique que la proclamation», glisse-t-il. Avant d’ajouter «L’adversaire du Maroc est à l’affût. Il saisit la moindre phrase, le moindre faux pas verbal, pour nourrir sa propagande. C’est pourquoi nous devons parler peu, mais agir avec méthode.» Il évoque des échanges soutenus avec plusieurs parlements étrangers, des groupes d’amitié «renforcés, mais pas médiatisés», et un travail en coulisses qui, selon lui, porte ses fruits. In fine, interrogé sur l’horizon politique de son propre parti, le Rassemblement national des indépendants (RNI), à l’approche des élections de 2026, Talbi El Alami s’est montré direct. «Un troisième mandat ? C’est un droit. Chaque parti a le droit d’avoir de l’ambition. Et chaque citoyen, celui de dire oui ou non. Nous avons confiance dans notre projet, mais ce sera au peuple de trancher.»
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