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Un nouvel élan pour le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire

Dans une démarche visant à consolider l'indépendance de la justice et à promouvoir un système judiciaire intègre et crédible, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) vient d'adopter un nouveau règlement intérieur. Fruit d'un processus d'harmonisation avec les lois organiques 100.13 et 106.13 récemment modifiées, ce texte ambitieux redéfinit les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette instance constitutionnelle. Véritable feuille de route pour le CSPJ, il apporte des changements profonds dans la gestion des carrières des magistrats, la transparence des procédures disciplinaires et l'examen des réclamations contre le corps judiciaire. Un accent particulier est également mis sur le renforcement de l'éthique, de la déontologie et de l'indépendance des juges.

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Portée par les aspirations du corps judiciaire à une justice plus équitable, indépendante, intègre et performante, la vaste réforme du système judiciaire marocain est en marche. Après avoir franchi une première étape décisive en mars 2023 avec les modifications apportées aux lois organiques 100.13 relative au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et 106.13 encadrant le statut des magistrats, elle vient de passer à un niveau supérieur à travers la révision du règlement intérieur du CSPJ lui-même. Le nouveau texte vient en effet d’être publié au Bulletin officiel du 11 mars dernier. Il ambitionne d’insuffler un vent de renouveau et de donner de l’élan au corps de la justice afin qu’il soit en mesure de d’accomplir ses nobles missions. Voici les nouveautés et la portée de ce nouveau règlement intérieur.

Gouvernance renforcée du CSPJ

Dès les premières lignes, le nouveau règlement intérieur affiche une volonté claire de renforcer la gouvernance institutionnelle du CSPJ. Dans ce sens, l'article 6 encadre strictement la procédure de nomination du secrétaire général, véritable bras armé administratif du Conseil. Proposé par le président délégué après avis consultatif des membres, ce haut fonctionnaire est nommé par dahir pour un mandat de 6 ans renouvelable une seule fois. Un garde-fou supplémentaire contre toute velléité de mainmise sur cette fonction stratégique. Les prérogatives du secrétaire général sont également renforcées et détaillées dans l'article 8. Outre les tâches classiques de gestion administrative et de tenue des procès-verbaux, celui-ci coordonne désormais l'exécution des décisions du CSPJ relatives à la situation des magistrats. Un rôle de pivot qui en fait l'interlocuteur privilégié entre le Conseil et les services gouvernementaux compétents.



Mais c'est incontestablement l'Inspection générale des affaires judiciaires qui a été concernée par cette réforme. Véritable machine d'investigation du CSPJ, ses prérogatives sont nettement détaillées, comme en témoigne un article 12 particulièrement étoffé. Désormais, elle se voit confier des missions cruciales comme le suivi du patrimoine des magistrats, la conduite d'enquêtes disciplinaires ou encore la participation aux études sur l'état de la justice.

Une gestion rigoureuse des carrières judiciaires

Au cœur de ce règlement intérieur se trouvent les dispositions relatives à la gestion rigoureuse des carrières des magistrats par le CSPJ. L'article 26 prévoit la création de plusieurs commissions spécialisées chargées de superviser chaque étape clé. Il y aura ainsi une commission dédiée à la gestion de la situation professionnelle des juges, couvrant les nominations, les promotions, les mutations et même les départs à la retraite. Il s’agit là d’une garantie supplémentaire de l'équité et la transparence dans la gestion de ces dossiers sensibles. Une autre commission veillera spécifiquement au soutien de l'indépendance des juges et au respect de l'éthique. Elle aura pour mission de s’assurer que les magistrats honorent leur obligation de réserve, de probité, de dignité et de déontologie. Un rôle essentiel pour préserver la réputation et l'indépendance de la justice, ainsi que le respect des traditions de la magistrature. Le volet disciplinaire n'est pas en reste avec une commission dédiée chargée d'examiner les manquements et d'appliquer les sanctions appropriées le cas échéant. Enfin, une commission «études et rapports» pilotera la préparation des travaux d'analyse et de prospective du CSPJ sur les enjeux de la justice.

Un processus de sélection rigoureux des responsables

Mais la réforme ne s'arrête pas là. L'article 36 instaure également un processus de sélection renforcé et objectif pour la nomination aux postes de responsabilité au sein de l'institution judiciaire. Conformément aux articles 71, 66 et 72 de la loi organique, le CSPJ formera désormais des commissions ad hoc chargées d'examiner minutieusement les dossiers des différents candidats. Ceux-ci devront non seulement exposer leur vision de la gestion administrative de la justice dans un rapport détaillé, mais aussi se soumettre à un entretien oral devant les membres de la commission. Sur la base de ces auditions et des rapports remis, la commission évaluera alors de manière collégiale chaque candidature, en se basant sur des critères objectifs de mérite et d'éligibilité strictement définis. Elle rendra un avis circonstancié soumis au CSPJ pour décision finale.

Discipline et éthique, maîtres mots du nouveau règlement intérieur du CSPJ

L'impératif d'indépendance et d'éthique est effectivement le fil rouge de ce texte réformateur, qui y consacre un chapitre complet. Les articles 104 et 105 de la loi organique 100.13 s'invitent ainsi au cœur du dispositif. Une commission spéciale est même créée, pour «suivre et contrôler le respect par les juges des principes et règles de l'éthique judiciaire et des traditions de la magistrature». Le message est clair : le CSPJ entend bien sévir contre toute dérive ou manquement au devoir de réserve des magistrats. La préservation «de la réputation et de l'indépendance de la justice» passe désormais par un encadrement strict des comportements des juges.

Cette rigueur accrue se décline aussi dans le traitement des plaintes et réclamations formulées contre ces derniers. L'article 43 prévoit d'ailleurs un circuit bien défini pour instruire ces dossiers sensibles. Le président délégué pourra s'appuyer sur l'Inspection générale pour diligenter les enquêtes et investigations nécessaires. Une procédure qui tranche avec les pratiques contestées par le passé.

Halte aux décisions opaques sur les évaluations de performance

Le règlement intérieur réformé fait par ailleurs la part belle à l'épineuse question de la publication et de la contestation des rapports d'évaluation des magistrats, régulièrement source de tensions au sein de ce corps judiciaire. Le nouveau texte traduit en effet une forte volonté de transparence dans les articles 58 à 64 (tout un chapitre), les juges se voyant reconnaître le droit de consulter leurs évaluations, dans un délai raisonnable de 15 jours après la demande. Mieux, ils pourront les contester en soumettant une plainte circonstanciée dans les deux semaines suivant cette consultation obligatoire. Il s’agit à l’évidence donc d’un pas décisif vers davantage d'équité procédurale puisque le CSPJ promet d'instruire rigoureusement ces recours, en examinant «les informations, les preuves fournies par le magistrat ainsi que les observations faites par l'évaluateur». Cette avancée notable est de nature à apaiser les tensions autour de ce dossier ô combien sensible et source de nombre de crispations au sein de la profession.

Car c'est bien là tout l'enjeu de ce règlement intérieur à la fois ambitieux et audacieux : rompre avec les pratiques du passé pour ériger le CSPJ en véritable garant constitutionnel d'une justice digne, indépendante et respectée. Un défi de taille pour cette institution qui devra rapidement passer à l'épreuve des faits. Mais avec ce nouveau texte, le pari est déjà à moitié gagné.
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