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Une blanchisserie remporte un marché public de fourniture de médicaments

L’attribution d’un marché public de fourniture de médicaments à une société spécialisée dans le repassage du linge a suscité une vive indignation au sein de la profession pharmaceutique. À Tanger, le Centre hospitalier régional a conclu, le 24 mars dernier, un contrat avec une entreprise officiellement enregistrée comme blanchisserie, pour la livraison de 1.500 médicaments répartis en quatre catégories, pour un montant global de 40.000 dirhams. Ce fait surprenant, révélé par des documents officiels, a poussé la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc à déposer une plainte auprès du parquet. Elle y dénonce une «violation flagrante» des dispositions de la loi 17.04 relative au médicament et à la pharmacie, qui interdit formellement la commercialisation de produits pharmaceutiques en dehors des structures agréées. Selon la Confédération, cette affaire illustre les dérives inquiétantes dans la gestion des marchés publics de santé et fait peser un réel danger sur la sécurité sanitaire des citoyens.

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Une affaire pour le moins inattendue vient de secouer le secteur de la santé publique à Tanger. La Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc a adressé une correspondance officielle au président du parquet général, dénonçant la signature d’un contrat entre le Centre hospitalier régional de Tanger et une entreprise spécialisée dans le blanchissage et le repassage du linge. Cette société aurait été chargée de fournir des médicaments, en totale contradiction avec les dispositions légales encadrant la distribution des produits pharmaceutiques au Maroc.

Une adjudication controversée

Selon les documents consultés par «Le Matin», cette entreprise dénommée «Soneepraf»,société enregistrée comme établissement de blanchisserie, dégraissage et repassage, a été déclarée adjudicataire, le 24 mars dernier, d’un appel d’offres lancé par le CHR de Tanger. L’objet du marché portait sur l’acquisition de 1.500 unités de quatre types de médicaments différents, à savoir le «Propofol», le «Lidocaine», le «Metoclopramide» et le «Midazolam», pour une valeur totale de 40.600 dirhams, destinés aux établissements hospitaliers relevant de ce centre. Ce qui surprend dans cette transaction, ce n’est pas seulement l’objet du contrat, mais surtout l’identité de l’entreprise adjudicataire, qui ne possède aucune autorisation légale pour opérer dans le domaine pharmaceutique.

Une violation manifeste du cadre légal

Dans sa correspondance au président du parquet général, la Confédération considère cette transaction comme une violation manifeste de la loi n°17.04 relative aux médicaments et à la pharmacie. Ce texte, qui fait office de code de la santé pharmaceutique au Maroc, encadre de manière stricte la vente, la distribution et la mise à disposition des médicaments et produits pharmaceutiques non médicamenteux. Il interdit formellement toute commercialisation de médicaments en dehors des circuits autorisés. L’article 55 de cette loi précise en effet clairement que l’exercice de la pharmacie est strictement réservé aux officines agréées, aux cliniques disposant de stocks autorisés, ainsi qu’aux établissements pharmaceutiques industriels ou grossistes répartiteurs. En dehors de ces structures, toute vente ou mise sur le marché constitue une infraction pénale.

Des pratiques à risque pour la santé publique

La plainte souligne également que la société en question ne dispose d’aucune des qualifications exigées pour exercer dans ce domaine. Elle évoque des infractions graves, comme l’exercice illégal de la profession de pharmacien, l’usurpation de titre, ou encore la vente ambulante de médicaments, toutes sévèrement sanctionnées par les articles 47, 93 et 94 de la loi. «Ces pratiques représentent une menace directe pour la santé des citoyens, car elles échappent à tout contrôle de qualité, de traçabilité et de sécurité», souligne la correspondance.

Dans sa plainte, la Confédération demande ainsi au président du parquet général d’ouvrir une enquête approfondie. Elle rappelle que la circulaire n°15 du 7 mai 2021, émise par la présidence du ministère public, insistait déjà sur la nécessité de lutter avec fermeté contre les pratiques illégales de vente et de distribution de médicaments. Cette directive invitait également les procureurs du Royaume à prendre toutes les mesures nécessaires pour endiguer ce phénomène préoccupant.

La Confédération affirme avoir constaté plusieurs cas similaires dans d’autres régions du pays, ce qui laisse présager une dérive systémique et non un simple incident isolé. Et d’insister sur l’impératif de renforcer les mécanismes de contrôle et de rendre plus rigoureuses les procédures d’attribution des marchés publics, surtout dans un secteur aussi sensible que celui de la santé.

Une alerte sur les défaillances du système ?

Cette affaire soulève de nombreuses questions sur les dysfonctionnements qui entachent certains processus de passation des marchés publics dans les hôpitaux. Elle met en évidence un manque de vigilance dans la sélection des prestataires. À l’heure où le Maroc ambitionne de réformer et de moderniser son système de santé, un tel scandale met en lumière les risques que fait peser l’absence de contrôle rigoureux sur la qualité et la légitimité des fournisseurs impliqués. L’enjeu dépasse ici le cadre local. Il concerne l’ensemble du système de régulation des produits de santé dans le pays, qui doit impérativement garantir que seuls des professionnels qualifiés interviennent dans la chaîne de distribution. La santé publique est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux mains d’opérateurs non agréés, quels que soient le contexte ou les justifications administratives avancées.
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