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Agressions sexuelles sur les enfants : les ONG appellent à resserrer l’étau pénal

Le nombre d’enfants victimes d’agressions sexuelles ne cesse d’augmenter d’année en année. Les derniers chiffres dévoilés par le ministère public ont fait réagir les associations de protection de l’enfance qui appellent à renforcer l’arsenal juridique.

Le nombre d’agressions sexuelles sur des enfants en 2022 s’élève à 3.295 affaires, ce qui représente une augmentation inquiétante de 10% par rapport à 2021.
Le nombre d’agressions sexuelles sur des enfants en 2022 s’élève à 3.295 affaires, ce qui représente une augmentation inquiétante de 10% par rapport à 2021.
3.295. C’est le nombre d’agressions sexuelles à l’encontre d’enfants enregistrées en 2022, soit plus de 9 cas par jour, selon les statistiques dévoilées vendredi dernier par Moulay El Hassan Daki, président du ministère public et procureur général du Roi près la Cour de cassation. Ce dernier a souligné que ces agressions représentent plus de 41% du total des actes de violence ciblant des enfants.



Des chiffres alarmants qui ont fait réagir les associations de protection de l’enfance. Celles-ci considèrent que les cas signalés ne sont en réalité que la partie visible de l’iceberg. «Le nombre d’agressions sexuelles sur des enfants en 2022 s’élève à 3.295 affaires, ce qui représente une augmentation inquiétante de 10% par rapport à l’année précédente, où 2.998 avaient été enregistrés, et une augmentation significative par rapport à l’année 2020 qui comptait 2.261 affaires. Nous sommes également convaincus que le nombre réel est plus élevé, en raison de la persistance du phénomène de dissimulation du crime, particulièrement dans les zones rurales de nombreuses provinces», a souligné l’ONG «Touche pas à mon enfant» dans un communiqué. «Notre ONG avait anticipé cette tendance à la hausse au cours des dernières années, en raison des lacunes présentes dans certaines dispositions du Code pénal. Ces lacunes ont conduit à des peines atténuées en faveur des coupables, permettant ainsi à des agresseurs sexuels de perpétrer des actes odieux sur des enfants marocains, sans craindre les sanctions légales qui devraient découler de leurs crimes».

Najat Anwar, présidente de l’association «Touche pas à mon enfant», affirme qu’il est aujourd’hui impératif que les différentes parties prenantes assument leur part de responsabilité dans la préservation de l’avenir des enfants. «À moins que des mesures concertées ne soient prises, y compris l’adoption d’un plan national d’urgence pour éradiquer cette menace sociale, l’avenir du Royaume du Maroc reste sérieusement compromis», prévient-elle. Et d’ajouter qu’«il est essentiel de protéger la jeunesse marocaine en mettant fin à l’exploitation politique de cette question et en appliquant avec la plus grande rigueur les Directives Royales. Cela nécessite un engagement total de la part du gouvernement, des secteurs ministériels concernés, des institutions gouvernementales, de la société civile...»

Mesures répressives spécifiques pour les agresseurs

Dans une déclaration au «Matin», Ali Aghnaj, président du conseil d’administration de l’Association Amane, estime aussi que le nombre de cas dissimulés demeure très important, même si le signalement de violences sexuelles faites aux enfants auprès des autorités judiciaires commence à être plus important qu’il y a quelques années. «Les efforts à déployer restent encore énormes pour faire face d’une manière plus systémique à ce type de violences. Nous plaidons pour le renforcement de l’arsenal juridique qui protège les enfants et plus particulièrement l’inclusion dans le Code pénal de mesures répressives spécifiques et efficaces à l’encontre des agresseurs comme des peines lourdes et la qualification claire et distincte des abus sexuels sur les enfants. En effet, les dispositions contre le viol et l’atteinte à la pudeur actuellement en vigueur ne permettent pas de substantiellement freiner et déraciner ce mal de notre société», déplore-t-il.

L’association Amane encourage également la recherche scientifique et les études de terrain dans ce domaine. «Ceci est nécessaire pour mieux comprendre ce phénomène encore tabou, le caractériser, définir ses causes sous-jacentes et les facteurs qui le favorisent pour pouvoir agir dessus sur la base de l’évidence et d’une manière plus pertinente», affirme Ali Aghnaj. Ce dernier appelle aussi à renforcer la sensibilisation auprès des familles, des enfants, des éducateurs et auprès de toutes les entités responsables de l’accompagnement des enfants dans les différentes activités de vie. «Il faut mettre en place des mécanismes fonctionnels et territoriaux qui permettent une bonne collaboration entre les différentes structures étatiques et les organisations de la société qui interviennent en faveur de la protection des enfants contre les violences sexuelles».

Convention de Lanzarote

Pour sa part, Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), a déclaré récemment que la convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote) est à même de consolider le système national de protection des enfants contre les violences sexuelles. «Il faut mettre en œuvre la Convention de Lanzarote et le troisième Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant qui porte sur la présentation des plaintes. Cette convention apporte un éclairage juridique au sujet de certaines formes d’exploitation et d’abus sexuels contre les enfants, aussi bien dans l’aspect préventif qu’en matière de prise en charge ou de renforcement de la coopération internationale», a relevé Bouayach. «L’adhésion à cette convention permettra d’améliorer significativement le niveau de la protection pour transcender le simple fait de la sensibilisation à la gravité de ce phénomène», a-t-elle ajouté.

Pour rappel, le Maroc a demandé d’adhérer à la Convention de Lanzarote en 2013. Cette convention a été approuvée à l’unanimité par la Chambre des représentants et le gouvernement a publié au Bulletin officiel la promulgation de la loi portant approbation de la Convention de Lanzarote en 2014. Elle impose la criminalisation des infractions à caractère sexuel perpétrées contre des enfants. Elle dispose que les États, en Europe et au-delà, doivent adopter des dispositions législatives spécifiques et prendre des mesures en vue de prévenir la violence sexuelle, protéger les enfants victimes et poursuivre les auteurs.
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