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Jeudi 27 Mars 2025
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Ce qu'il faut savoir sur l’acupuncture, une médecine ancestrale qui trouve sa place au Maroc

Pratiquée depuis des millénaires en Chine, l’acupuncture repose sur l’harmonisation des énergies vitales du corps à travers la stimulation de points précis. Cette technique séduit de plus en plus de patients en quête de solutions naturelles pour traiter diverses pathologies. Dans cet entretien, le Dr Younes Chroqui, médecin anesthésiste-réanimateur, spécialiste en acupuncture et médecine chinoise traditionnelle, nous éclaire sur les fondements de cette médecine traditionnelle, ses bienfaits reconnus et son intégration progressive dans le paysage médical marocain.

Le Matin : Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’acupuncture et comment s’inscrit-elle dans la médecine chinoise traditionnelle ?Dr Younes Chroqui : L’acupuncture est l’une des disciplines fondamentales de la médecine traditionnelle chinoise, un système thérapeutique millénaire basé sur une approche énergétique du corps humain et de son interaction avec l’environnement. Cette médecine holistique repose sur plusieurs piliers, dont la pharmacopée chinoise (phytothérapie), la diététique, les massages thérapeutiques (comme le Tui Na), la moxibustion (utilisation de la chaleur via l’armoise pour stimuler certains points), ainsi que les pratiques corporelles comme le Qi Gong et le Tai-Chi.L’acupuncture repose sur l’idée que le corps est traversé par des méridiens énergétiques qui permettent la circulation du Qi (énergie vitale). Selon cette approche, les maladies et les troubles de santé résultent d’un déséquilibre ou d’une obstruction de cette énergie. Ces déséquilibres peuvent être causés par des facteurs externes (climat, alimentation, mode de vie) ou internes (émotions, stress). En insérant de fines aiguilles sur des points stratégiques situés le long de ces méridiens, l’acupuncteur vise à restaurer l’harmonie du flux énergétique, favorisant ainsi la guérison et le bien-être général.

Quels types de troubles ou de conditions pouvez-vous traiter grâce à l’acupuncture ?

En médecine traditionnelle chinoise, l’équilibre des cinq éléments (Bois, Feu, Terre, Métal, Eau) est primordial. Chaque organe est associé à un élément et peut être influencé par des émotions spécifiques. Lorsqu’un déséquilibre s’installe, il peut engendrer des troubles physiques et psychologiques. L’acupuncture intervient alors pour rétablir cette harmonie, en stimulant des points précis qui activent la circulation sanguine, modulent les neurotransmetteurs et favorisent la libération d’endorphines, contribuant ainsi à un apaisement général.

Elle est notamment reconnue pour son efficacité dans le traitement des douleurs chroniques, des tensions musculaires et des migraines. Mais son champ d’action ne s’arrête pas là. L’acupuncture est également bénéfique pour traiter divers troubles digestifs tels que les ballonnements, le reflux gastrique, la constipation ou encore les troubles de l’appétit. Sur le plan émotionnel, elle contribue à rétablir l’équilibre en réduisant le stress, l’anxiété, les troubles du sommeil et même certaines formes de dépression légère. Elle joue, également, un rôle dans la prise en charge des pathologies gynécologiques, qu’il s’agisse d’irrégularités menstruelles, de troubles liés à la ménopause ou encore d’un accompagnement en fertilité. Enfin, l’acupuncture se révèle efficace pour soulager les affections respiratoires, notamment l’asthme, les allergies saisonnières et les rhinites chroniques. Dans plusieurs pays, l’acupuncture est aussi utilisée comme accompagnement en oncologie, notamment pour aider à atténuer les effets secondaires des traitements lourds (nausées, fatigue, douleurs induites par la chimiothérapie). Elle peut également contribuer à renforcer le système immunitaire, améliorer la récupération post-opératoire et favoriser un sommeil de meilleure qualité.

L’acupuncture est-elle une solution viable en complément des traitements médicaux classiques ?

Peut-elle parfois les remplacer ou s’agit-il d’une simple méthode préventive ?L’acupuncture ne remplace pas la médecine conventionnelle, mais elle joue un rôle complémentaire très bénéfique. En intervenant sur l’équilibre global du corps, elle peut notamment réduire la prise de certains médicaments, en particulier les antidouleurs, en offrant une alternative naturelle pour soulager l’inflammation et les tensions musculaires.

Elle est également précieuse en prévention : en régulant l’énergie vitale et en aidant l’organisme à mieux réagir aux agressions extérieures, elle contribue à prévenir de nombreuses pathologies chroniques et à renforcer la résistance face au stress quotidien. C’est pourquoi, dans certains pays comme la France ou la Suisse, elle est intégrée à des parcours de soins dans le cadre de médecines complémentaires.

Toutefois, pour certaines pathologies graves ou nécessitant un traitement médical spécifique, l’acupuncture ne doit pas être considérée comme une alternative unique, mais plutôt comme un soutien qui optimise l’efficacité des soins conventionnels.

Combien de séances faut-il généralement pour observer des résultats ?

La réponse varie en fonction de plusieurs facteurs : la nature du trouble traité, son ancienneté, ainsi que la réceptivité du patient. Certaines douleurs aiguës peuvent être soulagées dès la première séance, tandis que des affections chroniques nécessitent un suivi plus long, généralement sur plusieurs semaines.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît l’efficacité de l’acupuncture pour plusieurs maladies et recommande en général une série de 5 à 10 séances selon la pathologie. Pour des traitements préventifs ou des troubles fonctionnels légers, un rythme d’une séance par mois peut être suffisant pour maintenir un bon équilibre énergétique.

Cette pratique présente-t-elle des effets secondaires ou des risques ?

L’acupuncture est une technique très sécurisée, à condition qu’elle soit pratiquée par un professionnel qualifié. Les aiguilles utilisées sont fines, stériles et à usage unique, minimisant ainsi tout risque d’infection. Les effets secondaires sont rares et généralement bénins : certaines personnes peuvent ressentir une légère rougeur, une sensation de chaleur autour du point traité, ou une fatigue passagère après la séance, ce qui est en réalité un signe que l’organisme réagit au traitement. Dans la médecine traditionnelle chinoise, on utilise parfois des aiguilles plus épaisses, mais en Occident, les modèles privilégiés mesurent entre 0,1 et 0,18 mm de diamètre, garantissant ainsi un maximum de confort pour le patient.

Comment voyez-vous l’évolution de l’acupuncture au Maroc ? Est-elle de plus en plus reconnue ou reste-t-elle encore méconnue ?

L’acupuncture commence à se faire une place au Maroc, mais elle reste encore relativement méconnue du grand public et peu reconnue sur le plan institutionnel. Contrairement à certains pays où elle est intégrée dans les parcours médicaux et parfois remboursée par les assurances, les patients marocains doivent encore financer eux-mêmes leurs séances, ce qui peut constituer un frein à son expansion.

Cependant, on observe un intérêt croissant pour les médecines alternatives et naturelles, notamment chez les personnes à la recherche de solutions moins invasives et plus globales pour leur santé. Avec une sensibilisation accrue et un encadrement plus structuré, l’acupuncture pourrait jouer un rôle plus important dans le système de soins marocain, à condition qu’elle soit mieux réglementée et intégrée aux pratiques médicales reconnues. n
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