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Conseils d’administration : où en est la représentativité des femmes ?

Au Maroc, la mobilisation en faveur de la parité homme-femme et l’arsenal législatif l’accompagnant font figure d’exception dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). En 2021, le Parlement adoptait une réforme majeure en amendant la loi régissant les sociétés anonymes.

L’amendement de la loi n° 19.20 modifiant et complétant la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes cotées promeut le principe d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances de gouvernance des entreprises. Elle fixe des quotas obligatoires pour garantir la mixité dans les conseils d'administration des sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne (APE). L’objectif minimum de 30% de représentation féminine a été fixé pour l’horizon 2024. Il passe à 40% à l'horizon 2027. Cette loi est présentée comme le fruit d'une coopération exemplaire entre le gouvernement, le parlement et la société civile.

Si la réforme est amenée à favoriser l’évolution professionnelle de la gent féminine, elle tire également les leçons de l'expérience internationale qui a démontré l’efficacité des mesures prises en matière de quotas pour renforcer la mixité dans les organes de gouvernance des entreprises. Une expérience qui a démontré comment la lutte pour la parité et la mixité peut stimuler la performance des entreprises et à terme, soutenir la croissance économique.

Présence féminine dans les conseils d’administration : quelle positionnement du Maroc ?

Non seulement le Maroc fait figure d’exception dans la région, mais aussi «de proue» comme le souligne le rapport «Women, Business and the Law 2024» de la Banque Mondiale.



Dans la partie consacrée au Royaume, le texte met en avant la loi révolutionnaire adoptée par le Parlement en juillet 2021 établissant des quotas pour la présence féminine dans les conseils d’administration des sociétés cotées. «Ce pas en avant devrait non seulement promouvoir l’ascension professionnelle des femmes, mais aussi avoir des répercussions positives sur la croissance économique et la performance des entreprises».

Féminisation des conseils, un signe de bonne gouvernance des entreprises

En décembre dernier, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) rendait public son premier Baromètre de la gouvernance responsable, analysant 90 entreprises marocaines faisant APE ayant publié un rapport annuel en 2022. Il en ressort en premier lieu que «la diffusion des données relatives à la composition du Conseil et des comités reste partielle, celles relatives au Comex sont rares». Les auteurs notent par ailleurs que si «la mise en conformité avec la loi a permis de systématiser l'intégration d'au moins un membre indépendant, le taux de féminisation des conseils reste faible». En effet, sur l’ensemble des entreprises passées au crible, le rapport indique que seuls 15% des conseils sont présidés par une femme (cf. infographie). Les Conseils présidés par une femme sont principalement ceux des entreprises employant moins de 100 personnes avec un actionnariat familial (56%) ainsi que les conseils des entreprises publiques (25%). Autre donnée mise en avant : les femmes qui siègent dans les conseils sont majoritairement issues du Comité exécutif ou Comité de direction de l’entreprise (65%).

95% des répondants considèrent que les femmes contribuent à l’efficacité de ces Conseils. Selon eux, la valeur ajoutée des femmes à travers leur participation aux Conseils, est liée à leur sens des responsabilités (60%), leur participation active aux différents Comités (55%) ou encore leur approche différente des divers sujets (46%). Quant à ceux qui envisagent d’intégrer des femmes au sein de leurs conseils, leur motivation est surtout guidée par une certaine volonté de se conformer aux bonnes pratiques.

La réforme législative ne traduit pas ainsi une évolution notable des mentalités, mais a au moins l’avantage d’opérer des changements concrets, obligeant les entreprises à opérer une certaine mise en conformité pour ce qui est de la féminisation des conseils d’administration. L’augmentation de la représentation des femmes dans les instances de gouvernance est et sera effective par la force des textes juridiques.

Les avancées législatives tardent à se concrétiser

Selon le rapport «La femme marocaine en chiffres : 20 ans de progrès» du Haut-Commissariat au Plan (HCP) paru en en 2021, quelque 13% des entreprises seulement étaient dirigées par des femmes. Dans le secteur public, elles ne représentaient que 23% des cadres, 20% des membres de la Chambre des représentants et 21% des membres des conseils d’administration régionaux et locaux. Les femmes marocaines, qui représentent plus de la moitié de la population, obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les hommes. En 2021, 55% des bacheliers étaient des femmes et la proportion de citoyens ayant fait des études supérieures était bien plus élevée chez les femmes (26%) que chez les hommes (14%).

Hanae Bennani, DRH d’Eqdom : «Des femmes marocaines leaders, l’histoire en a tellement connues...»

Le Matin : Quelle est votre lecture du Leadership féminin et de la présence des femmes dans les instances de gouvernance et dirigeantes au Maroc ?



Hanae Bennani :
Le leadership féminin ! Je ne sais pas si cette notion doit susciter de l’enthousiasme ou de l’incrédulité. De mon point de vue, le Leadership n’a pas de genre. Le Leadership est avant tout une posture et un état d’esprit. Un leader, quel que soit son genre, est celui qui sait inspirer, insuffler de la confiance, fédérer et orienter vers un objectif commun.

Pour autant, si nous devions parler du Leadership au féminin, il me semble que les enjeux sont davantage définis par le passé que par le présent émergent. La femme marocaine étant plus un symbole de la famille, sa légitimité demeure liée à la gestion du foyer et à l’éducation des enfants. Mais n’est-il pas essentiel de faire preuve de Leadership pour tenir un foyer et éduquer ses enfants ? N’est-ce pas faire preuve de grandes qualités de Leadership que d’exercer de l’influence pour fédérer cette communauté qu’est la famille et contribuer à son épanouissement autour de valeurs communes ? En ce sens, le Leadership féminin est inné, il n’a simplement pas encore eu l’opportunité de s’épanouir dans les mêmes milieux et avec les mêmes opportunités que le Leadership masculin. Mais le Maroc avance. De nombreuses initiatives sociales et sociétales ont été amorcées, et le digital est en train d’inverser les tendances et de créer de nouvelles formes de sociétés.

À titre d’exemple, en 2021, le Maroc s’est inscrit dans la tendance mondiale sur la thématique de «la Diversité et l’Inclusion», et ce notamment à travers l’adoption de la loi sur les quotas de genre dans les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne (APE). Ainsi, les conseils d’administration ou de Surveillance devront inclure, à horizon de trois années, un taux minimum de 30% de diversité des genres, et 40% dans les six prochaines années. Dans de nombreuses entreprises également, la diversité des genres est devenue un réflexe, un équilibre reconnu comme vital et recherché, il s’exprime tant en termes de quotas de recrutement que d’évolution interne et d’accès aux postes de management.

La présence des femmes demeure encore faible dans ces instances, malgré les progrès enregistrés notamment au niveau législatif. Comment l’améliorer selon vous ?

En introduisant la notion de Leadership féminin on appuie, sans doute inconsciemment, sur le caractère nouveau et rare de voir des femmes occuper des positions de dirigeantes. Et pourtant, des femmes marocaines Leaders, l’histoire en a tellement connues... Malheureusement, aucun manuel scolaire ne mentionne ces grandes dames qui ont grandement contribué à l’édification de notre société. La priorité serait donc, à mon sens, de démultiplier la médiatisation d’histoires d’accomplissements et de success-stories des femmes marocaines qui ont, à leurs époques déjà, brisé les codes, telles que «Khnata Bent Bakkar», «Zaynab Al Nafzawiyya» ou encore «Aïcha Ech-Chenna».

Ce partage a un double bénéfice : d’une part, casser les stéréotypes et les croyances culturelles limitantes selon lesquels les femmes seraient plus dans le compromis et pas assez dans le Leadership, plus prudentes et moins audacieuses, plus intuitives et moins rationnelles... Et d’autre part, transmettre aux Femmes l’image d’un Leadership féminin réussi et accompli afin de les aider à cesser de reproduire et calquer le modèle de Leadership au masculin, le seul que nous ayons connu ou du moins, que l’on nous ait permis de connaître jusque-là.

Aussi, pour intensifier la présence des femmes dans les instances dirigeantes, il faudrait les encourager à faire de leur authenticité et leur confiance en soi, leur force. Les femmes marocaines sont souvent victimes du «syndrome de l’imposteur» qui les pousse à croire qu’elles ne seraient pas à la hauteur de telle ou telle responsabilité. Elles se construisent des parois de verre et auto-censurent leurs carrières et leurs ambitions. Des programmes de mentorat et des séances de développement personnel pourraient grandement contribuer à faire prendre conscience aux femmes marocaines qu’elles ont des compétences puissantes en plus des soft skills naturels et reconnus, elles ont des soft power que je dirais innés, tels que l’intelligence émotionnelle, un altruisme fort et un style de management d’influence.

De quelle manière Eqdom favorise-t-elle la diversité et la parité hommes-femmes ?

La Diversité & l’Inclusion sont un enjeu majeur pour le groupe Société Générale. Et je suis fière de dire qu’Eqdom fait partie de ces employeurs responsables qui mettent la Diversité & l’Inclusion au cœur de leur stratégie.

La Diversité est une réalité au sein d’Eqdom. Une réalité portée à tous les niveaux de l’Organisation. Quelques chiffres pour illustrer cela, les femmes d’Eqdom représentent plus de 48% des effectifs, dont 60% d'entre elles dans le Comité exécutif et près de 40% dans le Comité de direction.

Notre politique en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes repose notamment sur des parcours fondés principalement sur les compétences, et ce du recrutement à la gestion de carrière. S’y ajoutent une politique de rémunération équilibrée et équitable ainsi qu’un pilotage de la représentation des femmes dans les instances managériales des entités, les promotions et les évolutions de salaire. La formation et le coaching sont également un levier très impactant permettant de briser les stéréotypes, de changer les croyances limitantes et de promouvoir de nouveaux modèles de réussite, féminins en l’occurrence.

Quel lien faites-vous entre la féminisation du Leadership et la performance de l’entreprise ?

Je pense qu’il serait illusoire, voire prétentieux, d’affirmer qu’aujourd’hui, nous avons assez de recul pour dire que la féminisation du Leadership a un impact direct sur la performance. Pour autant, de ma conviction personnelle, c’est la diversité en soi qui rend toute Organisation plus efficace et plus performante. L’intelligence collective, la diversité des genres, des opinions, des vécus... C’est cette mixité qui permet de stimuler les esprits, la pensée et la créativité. Je suis convaincue que toute problématique peut être plus rapidement et plus efficacement résolue grâce à des approches diverses, complémentaires et différentes.

Il est tout de même certain qu’en tant que femme, je suis tentée de dire, avec conviction, que les femmes disposent de qualités humaines et de comportements managériaux essentiels à la performance de l’entreprise notamment le sens de l’exemplarité, le souci de développement de l’autre, une vision fédératrice et inspirante, la prise de décision participative assortie à de la bienveillance et de la reconnaissance du travail accompli.

Il serait donc question non plus de Leadership féminin, mais surtout d’un Leadership commun et équilibré qui ferait que nos Leaders, actuels et futurs, hommes ou femmes, travailleraient efficacement, ensemble, dans l’amélioration de la performance de nos Organisations, au développement économique et social de notre pays tout en partageant les mêmes vertus du Leadership, tout court !
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