Le combat quotidien des familles d’enfants en situation de handicap
Recours juridiques : un chemin difficile, mais nécessaire
Contacté par «Le Matin», son avocat, maître Mohamed Elhaini, dénonce clairement cette violation des droits : «La suspension du service de transport scolaire, sans préavis ni justification, constitue une atteinte directe au droit à l’éducation de l’enfant. Cette décision empêche l’enfant de se rendre à l’école, en violation non seulement des droits constitutionnels, mais aussi des engagements internationaux du Maroc». Le juriste souligne que le père assume tous les frais, l’école n’offrant aucun soutien financier, tout en étant contractuellement tenue de fournir ce service. Il insiste également : «Discriminer un enfant, en particulier en situation de handicap, est une infraction pénale. Une telle attitude constitue une grave atteinte aux droits humains et ne peut être tolérée».Maître Elhaini ajoute que la législation marocaine permet de protéger les droits des enfants en situation de handicap dans de tels cas. «Il est possible de déposer une plainte auprès du Procureur du Roi pour discrimination et refus de prestation de service sans motif justifié, ce qui entrave l’accès de l’enfant à l’éducation, des actes clairement punis par la loi,» explique-t-il. Il précise aussi qu’un recours en référé devant le président du tribunal de première instance peut être introduit pour garantir les droits de l’enfant et obliger l’établissement à respecter ses engagements. Par ailleurs, une plainte administrative auprès du ministère de l’Éducation nationale peut être déposée pour que cette situation soit prise en compte au niveau institutionnel.
Dans ce contexte, M. Mounir, père de l’enfant, a d’abord opté pour une voie amiable en adressant un avertissement à l’école par l’intermédiaire de son avocat. «Il souhaite d’abord épuiser les solutions de dialogue avant de recourir aux tribunaux, espérant une issue constructive et civilisée,» souligne maître Elhaini.
Ce dernier souligne, également, le cadre international et constitutionnel qui renforce les droits des enfants en situation de handicap, rappelant l’importance des conventions internationales pour la protection de leurs droits fondamentaux, notamment en matière d’éducation. «L’article premier de la Convention relative aux droits des personnes handicapées exige de promouvoir, protéger et garantir l’égalité des droits de tous, tout en respectant la dignité des personnes handicapées». Il ajoute que l’article 24 de cette même convention reconnaît explicitement le droit des personnes handicapées à une éducation inclusive, en appelant les États à adopter des mesures de soutien personnalisées qui permettent un environnement favorable à leur développement académique et social. Par ailleurs, maître Elhaini rappelle que la Constitution marocaine consacre un chapitre entier aux droits et libertés, intégrant les standards des conventions internationales. «L’article 34 impose aux autorités publiques de développer des politiques pour l’inclusion et la réinsertion des personnes en situation de handicap, et l’article 22 garantit la protection de l’intégrité morale et physique de chacun, interdisant tout traitement inhumain ou dégradant», précise-t-il.
Actions du ministère de l’Éducation nationale
Face aux cas de discrimination qui se multiplient, beaucoup de parents se demandent, à juste titre d’ailleurs, sur le rôle du ministère de tutelle et sa capacité à garantir la protection des droits de leurs enfants en situation de handicap. Dans un entretien accordé au journal «Le Matin», Farah Dribki, chef de la Division d’éducation inclusive au ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et du sport, répond à ces préoccupations en expliquant que, depuis le lancement du Programme national d’éducation inclusive en 2019, le ministère privilégie une approche préventive et curative, plutôt que sanctionnatrice.La responsable ministérielle détaille ainsi les mesures en place, en commençant par les efforts de sensibilisation et de formation continue proposés aux chefs d’établissement, aux enseignants et au personnel de soutien, pour les initier aux meilleures pratiques en matière d’inclusion scolaire. «Les écoles inclusives bénéficient d’un accompagnement et d’un soutien technique assurés par des conseillers pédagogiques spécialisés», précise-t-elle, soulignant l’importance d’un encadrement adapté pour garantir une réelle inclusion.
Mme Dribki met également en avant l’instauration des Commissions locales d’éducation inclusive, qui assurent l’accueil des enfants en situation de handicap et de leurs familles, tout en veillant à leur inscription dans l’école la plus proche et la plus adéquate à leurs besoins. Ces Commissions assurent un suivi et un accompagnement personnalisé des élèves en situation de handicap, en élaborant des projets pédagogiques individualisés en collaboration avec les intervenants éducatifs, administratifs et sociaux, pour offrir à chaque enfant un parcours scolaire adapté.
Les inspections et contrôles réguliers font aussi partie intégrante de cette approche. Des équipes d’inspecteurs, formées à l’éducation inclusive, effectuent des visites périodiques pour vérifier l’accessibilité des infrastructures, la formation du personnel, et la mise en place des adaptations nécessaires pour les élèves en situation de handicap.
En ce qui concerne le suivi des plaintes des parents dont les enfants auraient fait l’objet de pratiques discriminatoires, le ministère s’engage à traiter celles reçues par ses directions provinciales et académies régionales, ou directement auprès du ministère. «Lorsqu’un cas de discrimination ou de non-respect des droits est constaté, des mesures curatives sont imposées selon les cas et les fraudes décrits dans les rapports des inspecteurs et des commissions locales et provinciales», précise Mme Dribki, ajoutant que les représentants prennent les dispositions nécessaires pour permettre aux enfants concernés de recouvrer leurs droits. Des sanctions disciplinaires peuvent également être appliquées aux personnes ou établissements fautifs selon les règles en vigueur.
Plusieurs obstacles persistent
La responsable reconnaît néanmoins que, malgré les mesures déjà mises en place, des défis subsistent. Elle souligne que le ministère est conscient de la nécessité de poursuivre ses efforts pour garantir une application effective et efficiente du programme national d’éducation inclusive dans tous les établissements scolaires du pays. Dans ce contexte, le ministère envisage de renforcer le cadre juridique et réglementaire lié à l’éducation inclusive. L’objectif est de mieux encadrer les obligations des établissements scolaires, tant publics que privés, vis-à-vis des droits des enfants en situation de handicap ou vivant des situations particulières, afin de garantir leur accès à une éducation équitable et adaptée.Mme Dribki conclut en rappelant les défis majeurs qui freinent l’application du programme d’éducation inclusive, soulignant qu’il s’agit d’une responsabilité nationale et d’un projet sociétal engagé depuis son lancement en 2019 sous la Présidence du Chef de l’État. Ce programme implique une mobilisation de toutes les parties prenantes pour garantir une scolarité équitable et de qualité aux enfants en situation de handicap. Parmi les obstacles rencontrés, la responsable identifie d’abord la complexité de la coordination entre les différents acteurs de l’inclusion scolaire à savoir l’éducation, la santé, la solidarité, et les associations de la société civile.
Un autre défi majeur réside dans l’insuffisance des ressources humaines et financières, freinant la progression du programme et limitant l’atteinte des objectifs fixés. Ce manque se traduit par plusieurs difficultés concrètes : la sensibilisation et l’accompagnement de tous les enseignants vers des pratiques pédagogiques inclusives demeurent insuffisants, tout comme la formation initiale en inclusion scolaire dans les centres de formation professionnelle. Ainsi, de nombreux enseignants, faute de compétences et de moyens adaptés, rechignent à accueillir des élèves en situation de handicap dans leurs classes.
L’inaccessibilité des infrastructures scolaires reste également une contrainte importante, avec un manque de rampes, d’ascenseurs, de signalétiques adaptées, ou de salles de ressources. Enfin, Mme Dribki mentionne le défi de l’implication insuffisante des familles, aussi bien celles des enfants en situation de handicap que celles des enfants neurotypiques, certaines craignant que la présence d’élèves ayant des besoins spécifiques puisse perturber la réussite scolaire de leurs enfants.
Ces obstacles, souligne-t-elle, nécessitent des efforts soutenus en matière de formation, d’investissements dans les infrastructures et d’accompagnement de la communauté éducative. Ces actions sont d’ailleurs inscrites dans les programmes et les plans d’action des académies régionales, pour permettre, pas à pas, de concrétiser une inclusion scolaire pleine et effective.
Retour sur les avancées du Programme national de l’éducation inclusive
Depuis la ratification des conventions et accords internationaux relatifs aux droits des personnes en situation de handicap, en particulier des enfants, le Maroc s’est engagé dans la mise en place de politiques intégrées visant à traduire ces droits en programmes politiques, sociaux, économiques et éducatifs. Sur le plan éducatif, l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap a été reconnue comme un défi majeur dans les stratégies de réforme adoptées par le système éducatif marocain, que ce soit à travers la Charte nationale de l’éducation et de la formation, les plans et programmes ou encore les chantiers de réforme. Cela a donné lieu à plusieurs plans et programmes visant à garantir le droit de ces enfants à l’éducation, leur permettant ainsi d’accéder à un enseignement adapté à leurs spécificités, besoins et aspirations pour une scolarisation inclusive et réussie. À cet effet, un Programme national de l’éducation inclusive a été officiellement lancé le 26 juin 2019. Cette approche basée sur les droits vise à intégrer ces élèves dans le système scolaire ordinaire, tout en mettant en place des mesures d’adaptation pour garantir leur droit à l’apprentissage.Contactée par nos soins, Farah Dribki, chef de la Division de l’éducation inclusive à la direction de l’École de la deuxième chance et l’École inclusive au ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et du sport, nous dévoile les principales réalisations de ce Programme depuis son adoption.
• Élaboration d’un référentiel national global, comprenant un cadre de référence pour l’éducation inclusive, des guides méthodologiques pour les cadres éducatifs et administratifs, ainsi que des documents d’accompagnement destinés aux familles et associations, et un manuel pour les directeurs régionaux et provinciaux.
• Adaptation du modèle pédagogique aux besoins des enfants en situation de handicap, avec une adaptation du cadre curriculaire de l’enseignement préscolaire et primaire selon les fondements et principes de l’éducation inclusive. Cela inclut des mécanismes de suivi et accompagnement pédagogique personnalisé des enfants en situation de handicap, et d’adaptation du système d’évaluation et des examens selon les différents types de handicap, ainsi que le renforcement de l’accès aux activités de vie scolaire, de santé scolaire et de sport scolaire.
• Expansion progressive de l’offre éducative inclusive, avec l’adaptation des infrastructures d’accueil pour répondre aux besoins des élèves en situation de handicap, à travers l’installation d’accessibilités dans 6.387 établissements scolaires, et la création de 1.647 salles de ressources pour la réhabilitation et le soutien, permettant ainsi d’accueillir plus de 64.000 élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires. Actuellement, plus de 7.000 établissements scolaires sont classés comme inclusifs.
• Adaptation du cadre législatif et réglementaire pour élaborer une vision commune, avec l’émission de l’arrêté ministériel 47/19 garantissant l’intégration des enfants en situation de handicap, ainsi que le renforcement des structures administratives et de coordination dédiée à l’éducation inclusive, et le développement de partenariats avec les réseaux et associations thématiques pour soutenir la mise en œuvre du Programme national de l’éducation inclusive.
• Renforcement de la mobilisation sociale par la communication et la sensibilisation en faveur de la scolarisation des enfants en situation de handicap, ainsi que le développement des compétences des cadres administratifs et éducatifs en matière d’éducation inclusive. Depuis le lancement du programme en 2019, plusieurs modules de formation ont été mis en place pour les enseignants, les cadres administratifs, les familles et les associations actives dans le domaine du handicap, considérant que la formation des intervenants est essentielle pour la mise en œuvre de ce Programme. Aujourd’hui, 49.992 cadres administratifs et éducatifs ont déjà bénéficié du renforcement de capacités dans le domaine de l’éducation inclusive.
Entretien avec la présidente du Conseil national des droits de l’Homme
Amina Bouayach : «Chaque année, le CNDH reçoit plusieurs plaintes concernant des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap, en particulier le droit à l’éducation»
Le Matin : Comment le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) évalue-t-il la mise en œuvre du Programme national de l’éducation inclusive lancé en 2019 ?
Amina Bouayach : Le Programme national de l’éducation inclusive représente une initiative majeure, d’ailleurs saluée par le CNDH dès son lancement. Nous avons ainsi favorablement accueilli les engagements pour une éducation inclusive, où chaque enfant, sans distinction de type ou de degré de handicap, pourrait bénéficier d’une scolarisation adaptée.
Toutefois, il est évident que cette ambition reste encore partiellement réalisée, car, après cinq ans de mise en œuvre, plusieurs lacunes persistent, affectant directement l’accès effectif des enfants handicapés à l’école.
Par exemple, des insuffisances dans l’offre pédagogique conforme aux normes de l’éducation inclusive, telles que définies par la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CRPD), ont été observées. L’insuffisance en matière de formation des équipes pédagogiques et des responsables des salles de ressources, pourtant essentiels pour l’accompagnement des enfants en situation de handicap, demeure préoccupante. De même, la coopération entre les organisations de personnes en situation de handicap, les parents et l’administration des écoles nécessite d’être
renforcée.
Le CNDH a continuellement plaidé pour une politique éducative inclusive, intégrant toutes les personnes handicapées sans distinction de type ou de degré de handicap, et a formulé des recommandations autour de plusieurs leviers principaux. D’abord, nous avons mis en avant la nécessité de réviser le cadre législatif et réglementaire pour concrétiser pleinement les principes d’inclusion et de non-discrimination dans le système éducatif. Nous avons également insisté sur l’importance de garantir une éducation de qualité qui adopte une approche environnementale et sociale du handicap, fondée sur le respect des droits, et s’inscrivant dans la vision 2030 de l’enseignement au Maroc.
Ensuite, le CNDH a souligné l’importance de promouvoir la diversité dans la vie scolaire, en éliminant les stéréotypes et les pratiques qui peuvent porter atteinte à la dignité des personnes en situation de handicap, et de veiller à valoriser leurs compétences et leurs talents. Il est également essentiel de doter ce programme national de l’éducation inclusive de ressources humaines et de moyens financiers adéquats. Enfin, nous avons notamment mis l’accent sur l’implication pleine et effective des organisations de personnes handicapées et des familles, en tant qu’acteurs clés pour garantir la réussite de cette démarche inclusive.
Quels sont, selon le CNDH, les droits fondamentaux des enfants en situation de handicap qui doivent encore être renforcés ou protégés dans le cadre scolaire au Maroc, et que faut-il faire pour y parvenir ?
Il est primordial d’assurer, avant toute chose, l’effectivité de leur droit à l’éducation. Ceci passe par plusieurs actions cruciales. Premièrement, il est impératif d’établir un cadre juridique robuste qui place l’intérêt supérieur de l’enfant au centre des priorités. Il s’agit non seulement d’adopter de nouveaux textes de loi et des décrets d’application, mais aussi d’harmoniser des textes existants avec la Convention internationale des droits des personnes handicapées.
En guise d’illustration, il est essentiel de mettre en place des décrets d’application pour la loi-cadre 97/13 portant sur le droit à l’éducation et réviser le Décret portant création des Centres régionaux des métiers de l’éducation et de la formation, notamment pour permettre aux organisations de personnes en situation de handicap et aux familles de suivre le processus de formation initiale et continue des enseignants.
Il est tout aussi essentiel d’inclure le métier d’auxiliaire de vie scolaire dans les dispositions réglementaires desdits centres afin de garantir un accompagnement adapté et de modifier le statut des fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale pour reconnaître les auxiliaires de vie scolaire comme membres intégrés du personnel éducatif. Enfin, il demeure central de diffuser des images positives des personnes en situation de handicap dans les manuels scolaires.
La promotion du respect de la diversité et la lutte contre les stéréotypes négatifs qui peuvent affecter la dignité des personnes en situation de handicap dans le milieu scolaire sont notamment d’une grande importance. Cela passe par une sensibilisation accrue et un changement de pratiques éducatives pour valoriser les capacités et talents des enfants en situation de handicap.
Enfin, l’élargissement de l’offre scolaire inclusive reste fondamental. Cela implique des ressources humaines et financières supplémentaires, mais également garantir que chaque enfant en situation de handicap ait un accès réel et équitable à une éducation de qualité.
Le CNDH estime que ces mesures, prises ensemble, sont indispensables pour faire avancer le droit à l’éducation inclusive pour tous les enfants en situation de handicap.
Le CNDH a-t-il identifié des cas de discrimination ou de violations des droits des enfants en situation de handicap dans le système éducatif marocain ? Quelles recommandations proposez-vous pour assurer leur inclusion et l’égalité des chances ?
Effectivement, des problématiques ont été observées dans ce domaine. Chaque année, le CNDH, qui abrite notamment le mécanisme national de protection des droits des personnes en situation de handicap, reçoit des plaintes concernant des droits fondamentaux, en particulier le droit à l’éducation. Ces plaintes, souvent déposées par des familles et associations, portent, à titre d’exemple, sur des difficultés d’inscription des enfants avec handicap mental ainsi que sur l’adaptation des examens aux besoins spécifiques de ces élèves. Elles sont examinées pour apporter des solutions concrètes.
Le CNDH recommande constamment l’adoption de mesures efficientes et complémentaires. Celles-ci vont de la garantie d’un recrutement et d’un financement adéquats pour créer des établissements scolaires accessibles et de proximité, à l’instauration d’un dispositif de transition de la politique actuelle d’intégration, gérée principalement par des associations via des classes intégrées, vers une politique d’inclusion dans les écoles publiques et privées. Cela inclut également l’adaptation des programmes scolaires, des équipements et des espaces pour garantir une inclusion efficace et réussie, ainsi que l’intégration de la langue des signes, du braille et d’autres moyens de communication alternatifs et augmentatifs dans les outils pédagogiques des écoles ordinaires.
Enfin, il est essentiel de mettre à jour les référentiels de formation initiale et continue pour éliminer toute limitation de l’accès à l’enseignement pour les personnes en situation de handicap et de supprimer les dispositions susceptibles d’entraîner l’exclusion des enfants en fonction du type ou du degré de handicap.
Entretien avec la présidente du Groupe AMH
Amina Slaoui : «Afin de garantir le respect des droits des enfants en situation de handicap à l’école, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de suivi pour opérationnaliser le cadre juridique»
Le Matin : Quelle évaluation de l’accès à une éducation inclusive pour les enfants en situation de handicap au Maroc ? Pensez-vous que les écoles respectent leurs obligations envers ces enfants ?
Amina Slaoui : L’accès à l’éducation inclusive au Maroc connaît des avancées, mais reste loin des attentes pour beaucoup d’enfants en situation de handicap. Malgré les efforts gouvernementaux et les initiatives de la société civile, les infrastructures et les ressources humaines spécialisées sont encore insuffisantes dans de nombreuses écoles. Certaines écoles respectent leurs obligations, mais souvent, cela dépend de leur emplacement, de leurs moyens, et de la volonté de l’administration scolaire.
Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les enfants en situation de handicap dans le système éducatif marocain ?
Il existe de nombreux défis auxquels il faut faire face.
• Peu d’écoles disposent de personnel qualifié (AVS, psychologues, orthophonistes) pour accompagner les enfants en situation de handicap.
• Un grand nombre d’écoles, surtout dans les zones rurales, ne sont pas adaptées aux enfants en situation de handicap (rampe d’accès, toilettes adaptées...).
• Les attitudes négatives ou la méconnaissance des besoins des enfants en situation de handicap persistant, affectant leur intégration efficace.
• Les préjugés et la stigmatisation associés aux handicaps, qu’ils soient visibles ou invisibles, persistants dans de nombreuses écoles.
• Les écoles en milieu rural disposent de moins de ressources et de soutien pour l’inclusion.
• Les ressources pédagogiques disponibles dans les écoles marocaines ne sont souvent pas adaptées aux besoins spécifiques des enfants en situation de handicap.
• De nombreuses familles d’enfants en situation de handicap ne reçoivent pas l’appui nécessaire pour accompagner leurs enfants dans le parcours éducatif. En l’absence de soutien psychologique, de conseils ou de formations, les parents se trouvent souvent démunis face aux défis qu’implique l’éducation de leurs enfants.
• Les dispositifs de dépistage et de diagnostic précoce des handicaps sont limités, et les enfants en situation de handicap arrivent souvent en milieu scolaire sans un plan d’accompagnement individualisé.
De nombreux parents signalent une hausse des violations des droits de leurs enfants à l’école. Pensez-vous que ces incidents soient devenus plus fréquents ces dernières années ?
Il est difficile d’obtenir des données précises sur l’augmentation des violations des droits des enfants en situation de handicap, car les cas ne sont pas toujours rapportés ou documentés systématiquement. Toutefois, il est à noter que des incidents de discrimination ou de négligence peuvent survenir aussi bien dans les écoles publiques que privées. Dans le secteur public, le manque de ressources et de formation est souvent un obstacle majeur, tandis que dans le privé, les frais élevés excluent parfois les enfants en situation de handicap ou les intègrent sans adaptation adéquate.
Quels types de soutien les écoles marocaines devraient-elles offrir pour mieux inclure les enfants en situation de handicap ?
Les écoles marocaines devraient, en effet, proposer un ensemble de mesures adaptées à ces enfants, comprenant :
• La mise en œuvre de normes d’accessibilité obligatoire pour toutes les nouvelles constructions scolaires et l’amélioration des établissements existants.
• La sensibilisation des responsables scolaires et des collectivités locales a la nécessité d’adapter les infrastructures pour les enfants en situation de handicap.
• Le développement de programmes de formation spécifiques pour les enseignants et le personnel éducatif sur les pratiques éducatives inclusives et la gestion des besoins spécifiques.
• Les recrutement et formation d’un nombre suffisant d’Auxiliaires de vie scolaire (AVS) et de professionnels spécialisés, tels que les psychologues et les orthophonistes, dans les écoles
• L’intégration de modules de sensibilisation au handicap dans les programmes scolaires pour tous les élèves, afin de promouvoir la tolérance et le respect.
• L’organisation d’activités communautaires et de campagnes de sensibilisation pour changer les perceptions négatives associées aux handicaps.
• Le développement et la mise à disposition de ressources pédagogiques spécifiques en concert avec des spécialistes du handicap.
• L’encouragement de l’innovation éducative pour créer des supports accessibles qui répondent aux besoins des divers handicaps.
• La mise en place de programmes de soutien ciblés pour les établissements scolaires en milieu rural, afin de garantir l’accès aux mêmes ressources éducatives et spécialisées que dans les zones urbaines.
• La collaboration avec des ONG et des organisations nationales et internationales pour apporter des ressources et des compétences dans les zones défavorisées.
• La création de structures de soutien psychologique et de conseil pour les familles d’enfants en situation de handicap.
• L’élaboration de programmes d’information et de formation pour les parents sur les droits et les ressources disponibles pour leurs enfants.
• Le renforcement des capacités de dépistage et de diagnostic des handicaps, avec des procédures standardisées dans les écoles.
• L’élaboration de plans d’accompagnement individualisés à la rentrée scolaire pour chaque enfant en situation de handicap.
Comment évaluerez-vous la coopération entre la société civile et l’État pour améliorer l’accès à l’éducation des enfants en situation de handicap ?
La coopération entre la société civile et l’État a permis de faire avancer certains aspects de l’éducation inclusive, notamment à travers des campagnes de sensibilisation et des projets pilotes. Cependant, cette coopération reste limitée et se heurte souvent à des obstacles bureaucratiques et à un manque de financement. Les associations jouent un rôle important en comblant les lacunes du système public, mais un partenariat plus solide et structuré avec des ressources dédiées de l’État est nécessaire pour un impact plus durable.
Quels changements ou améliorations recommanderiez-vous pour mieux protéger les droits des enfants en situation de handicap à l’école au Maroc ?
Il faudra créer des normes pour les écoles sur l’inclusion des enfants en situation de handicap, avec des mécanismes de suivi et d’évaluation. Il est également essentiel de mettre en place des mécanismes de suivi pour opérationnaliser le cadre juridique et les stratégies et allouer des budgets spécifiques pour la formation, l’embauche de personnel spécialisé et l’adaptation des infrastructures. Il faut aussi former régulièrement le personnel éducatif et sensibiliser les parents et les communautés pour promouvoir une culture d’inclusion et encourager les collaborations entre les écoles, les associations, et le secteur privé pour partager les meilleures pratiques et mobiliser des ressources. Il faut aussi encourager les projets réussis en adaptant et en capitalisant sur les bonnes pratiques comme notre expérience à l’Institution Tahar Sebti (ITS) qui est un modèle que nous cherchons à dupliquer. En effet, l’Institution a su mettre en œuvre une approche d’éducation inclusive qui peut servir de modèle inspirant pour d’autres établissements. En partageant ses réussites, l’ITS contribue non seulement à démontrer que l’inclusion scolaire est possible, mais aussi à encourager d’autres écoles à adopter des pratiques similaires. L’ITS se distingue par sa capacité à transformer l’inclusion en une réalité concrète, en mettant en place des adaptations pédagogiques, en formant du personnel spécialisé, et en créant des environnements d’apprentissage accessibles et adaptés à tous les enfants, y compris ceux en situation de handicap. En adoptant un tel modèle, d’autres écoles peuvent s’inspirer des pratiques de l’ITS pour améliorer leurs propres approches et mieux intégrer les enfants en difficulté, assurant ainsi un accès égalitaire à l’éducation.