Découragement, décrochage, perte d’identité sont les manifestations du climat morose qui semble régner sur le Maroc dernièrement. Si pour l’intervieweur, Rachid Hallaouy, la société marocaine montre les signes d’un manque de repères, Driss Jaydane explique que cette désorientation n’est pas liée à quelque conjoncture économique ou sociale éphémère, mais symptomatique d’une mutation profonde de la société marocaine. Il appelle, de ce fait, à un dialogue renouvelé entre intellectuels, citoyens et dirigeants, afin de définir le moment historique, pour trouver une voie sur laquelle avancer. Bien que critique, Driss Jaydane reste profondément optimiste.
Un Maroc en pleine mutation
Pour le philosophe, le Maroc vit une transformation sociétale sans précédent, marquée par un passage d’une société traditionnelle à une société moderne, qui implique de nouveaux repères. «Nous sortons de l’ère de la société traditionnelle, construite de façon analogique avec une certaine fixité des repères», explique-t-il. Aujourd’hui, ces repères sont brouillés par les changements rapides dans les domaines économiques, sociaux et technologiques.
Cette mutation est à la fois source d’enthousiasme et de peur. Pour Driss Jaydane, ce n’est pas étonnant de constater certaines manifestations de repli identitaire, exacerbé par la mondialisation et l’hégémonie d’un modèle occidental capitaliste. Il conviendrait néanmoins de s’interroger sur la notion de tradition qu’il distingue clairement du conservatisme. «La tradition, c’est vivant, le conservatisme est mortifère. Il y a une idéologie conservatrice, mais pas une idéologie traditionnelle», ajoute-t-il. Pour lui, la tradition, loin d’être un frein, peut devenir une source d’émancipation, si elle est réinterprétée à la lumière des réalités contemporaines.
Outre la crise identitaire, la société marocaine se débat contre la cherté de la vie, les inégalités sociales et l’injustice de manière générale. Jaydane réaffirme l’importance de la justice sociale dans la construction d’une société marocaine durable et équitable. «Est-ce qu’une culture pour durer peut entériner l’idée de l’injustice ? La réponse est non. Les cultures qui ont été injustes sont disparues», affirme-t-il. L’exemple la Moudawana représente, selon lui, un test décisif pour la société marocaine. Jaydane invite à réinterroger l’esprit de l’islam, en mettant en avant la nécessité de «justice et de justesse» dans la société. «Si l’on revient aux fondements anthropologiques de l’islam, c’est une religion qui prône la justice», affirme-t-il.
Cette mutation est à la fois source d’enthousiasme et de peur. Pour Driss Jaydane, ce n’est pas étonnant de constater certaines manifestations de repli identitaire, exacerbé par la mondialisation et l’hégémonie d’un modèle occidental capitaliste. Il conviendrait néanmoins de s’interroger sur la notion de tradition qu’il distingue clairement du conservatisme. «La tradition, c’est vivant, le conservatisme est mortifère. Il y a une idéologie conservatrice, mais pas une idéologie traditionnelle», ajoute-t-il. Pour lui, la tradition, loin d’être un frein, peut devenir une source d’émancipation, si elle est réinterprétée à la lumière des réalités contemporaines.
Outre la crise identitaire, la société marocaine se débat contre la cherté de la vie, les inégalités sociales et l’injustice de manière générale. Jaydane réaffirme l’importance de la justice sociale dans la construction d’une société marocaine durable et équitable. «Est-ce qu’une culture pour durer peut entériner l’idée de l’injustice ? La réponse est non. Les cultures qui ont été injustes sont disparues», affirme-t-il. L’exemple la Moudawana représente, selon lui, un test décisif pour la société marocaine. Jaydane invite à réinterroger l’esprit de l’islam, en mettant en avant la nécessité de «justice et de justesse» dans la société. «Si l’on revient aux fondements anthropologiques de l’islam, c’est une religion qui prône la justice», affirme-t-il.
L’intellectuel et le politique
Driss Jaydane n’a eu cesse de dénoncer le manque de dialogue réel dans la société marocaine. Il critique le fait que très peu de personnes, intellectuels compris, parviennent à décrire précisément le moment historique que traverse le pays. Selon lui, nous manquons de sociologues et de travaux intellectuels qui irriguent la société. Il appelle à la création d’espaces de réflexion transdisciplinaires, de véritables laboratoires intellectuels où citoyens, experts et universitaires pourraient penser ensemble les défis de demain. Pour le philosophe, cette absence de réflexion collective a un impact direct sur la gouvernance et sur la manière dont les citoyens perçoivent les institutions.
Actuellement, «Nous avons un gouvernement de management néolibéral», critique-t-il, en référence à la façon dont les politiques publiques sont mises en œuvre sans véritable projet de société, ni considération pour les effets sociaux et culturels du capitalisme. À son grand regret, la politique marocaine semble de plus en plus dominée par des logiques de gestion et de communication, au détriment d'une réflexion profonde sur les enjeux de société. Les politiciens, sommés par l'urgence de satisfaire des demandes immédiates, ne prennent souvent pas le temps d'analyser les transformations sociales, culturelles ou économiques en profondeur.
Ce désintérêt pour la pensée des intellectuels, en dehors de quelques conférences qui ne dépassent pas le champ du théorique, nuit à la capacité des dirigeants à répondre de manière efficace aux besoins réels de la population. La politique néolibérale se limite, selon Jaydane, à la gestion des crises, sans prendre en compte les dimensions philosophiques, anthropologiques ou historiques des problématiques actuelles. Pourtant, comme le rappelle Driss Jaydane, «décrire le moment est un acte politique majeur». Et pour réhabiliter la pensée dans le champ politique, il est impératif de créer des laboratoires de pensée à même de réfléchir et de critiquer en toute liberté et sans accusation de traîtrise ou d’intelligence avec l’ennemi. «La démocratie, c’est aussi le choc des opinions», rappelle-t-il.
Actuellement, «Nous avons un gouvernement de management néolibéral», critique-t-il, en référence à la façon dont les politiques publiques sont mises en œuvre sans véritable projet de société, ni considération pour les effets sociaux et culturels du capitalisme. À son grand regret, la politique marocaine semble de plus en plus dominée par des logiques de gestion et de communication, au détriment d'une réflexion profonde sur les enjeux de société. Les politiciens, sommés par l'urgence de satisfaire des demandes immédiates, ne prennent souvent pas le temps d'analyser les transformations sociales, culturelles ou économiques en profondeur.
Ce désintérêt pour la pensée des intellectuels, en dehors de quelques conférences qui ne dépassent pas le champ du théorique, nuit à la capacité des dirigeants à répondre de manière efficace aux besoins réels de la population. La politique néolibérale se limite, selon Jaydane, à la gestion des crises, sans prendre en compte les dimensions philosophiques, anthropologiques ou historiques des problématiques actuelles. Pourtant, comme le rappelle Driss Jaydane, «décrire le moment est un acte politique majeur». Et pour réhabiliter la pensée dans le champ politique, il est impératif de créer des laboratoires de pensée à même de réfléchir et de critiquer en toute liberté et sans accusation de traîtrise ou d’intelligence avec l’ennemi. «La démocratie, c’est aussi le choc des opinions», rappelle-t-il.
Vers un futur lumineux ?
Malgré le climat actuel morose, Driss Jaydane n’est pas pessimiste. Tout n’est pas sombre au Maroc d’aujourd’hui. Driss Jaydane rappelle la solidarité spontanée et l’empathie qui caractérisent la société civile marocaine. «La société civile marocaine est magnifique, mais elle a besoin d’un cadre pour s’épanouir», explique-t-il, pour revenir à la question du laboratoire de pensée, dont on ne peut pas faire l’économie aujourd’hui.
Concernant l’objectif Maroc 2030, Jaydane salue la projection réalisée sur le plan de l’infrastructure et de la technique. Mais il rappelle qu’une projection sociale s’impose également, car «nous accueillons le monde et pas que dans les hôtels. Les caméras du monde seront braquées sur nous. Nous avons à penser les questions de l’égalité, de distribution, de l’emploi...», énumère l’écrivain.
En fin de compte, il reste important de rester optimiste quant à l’avenir du Maroc, mais à condition que les citoyens, les intellectuels et les dirigeants collaborent de manière plus étroite. Driss Jaydane estime que si le pays parvient à réfléchir collectivement sur ses transformations et à instaurer des laboratoires d’idées, il pourra «stabiliser ses imaginaires d’ici 15 à 20 ans». Ce processus, selon lui, est essentiel pour construire un Maroc résilient, capable de surmonter les épreuves et de pleinement s’épanouir.
Concernant l’objectif Maroc 2030, Jaydane salue la projection réalisée sur le plan de l’infrastructure et de la technique. Mais il rappelle qu’une projection sociale s’impose également, car «nous accueillons le monde et pas que dans les hôtels. Les caméras du monde seront braquées sur nous. Nous avons à penser les questions de l’égalité, de distribution, de l’emploi...», énumère l’écrivain.
En fin de compte, il reste important de rester optimiste quant à l’avenir du Maroc, mais à condition que les citoyens, les intellectuels et les dirigeants collaborent de manière plus étroite. Driss Jaydane estime que si le pays parvient à réfléchir collectivement sur ses transformations et à instaurer des laboratoires d’idées, il pourra «stabiliser ses imaginaires d’ici 15 à 20 ans». Ce processus, selon lui, est essentiel pour construire un Maroc résilient, capable de surmonter les épreuves et de pleinement s’épanouir.