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Enfants en situation de précarité : comment Insaf s’emploie à leur offrir une seconde chance

À Casablanca comme dans sa périphérie rurale, l’association Insaf poursuit avec détermination son combat en faveur des enfants les plus vulnérables. À travers un programme structuré, plus de 325 mineurs ont été retirés des griffes du travail précoce, tandis que 600 jeunes filles ont été arrachées à l’exploitation domestique. Parallèlement, un plaidoyer à l’initiative de l’association s’attache à rétablir l’égalité des droits pour les mères célibataires et leurs enfants, en quête de reconnaissance et de protection.

Ph : Sradni
Ph : Sradni
Depuis plus de vingt ans, l’association INSAF (Institut national de solidarité avec les femmes en détresse) s’attelle à réaliser un objectif majeur : éradiquer le travail des enfants et lutter contre l’abandon scolaire. À travers son programme «Lutte contre le travail des enfants» (LCTE), déployé à Casablanca depuis 2022, l’association a permis de retirer 325 enfants des quartiers de Médiouna, Hay Hassani et Derb Ghallef de la mendicité et des métiers à risque, pour les réinsérer durablement dans le système scolaire. Dans la région d’Al Haouz, plus de 600 jeunes filles employées comme domestiques ont également été sauvées de leur triste sort. L’action de l’association s’appuie sur une méthodologie conjuguant accompagnement scolaire et social, soutien matériel et aide financière aux familles. Cette démarche multidimensionnelle vise non seulement à sortir les enfants de situations précaires, mais aussi à rétablir un environnement propice à leur développement.


Un programme global et humain au service des enfants vulnérables

Meriem Othmani, présidente de l’association, tient à souligner la profondeur d’un engagement qui dépasse la seule intervention ponctuelle. Elle met ainsi en avant la portée humaine et durable d’un accompagnement pensé pour offrir aux enfants vulnérables non seulement une issue, mais surtout un avenir digne et intégré. «Cela fait trois ans que nous travaillons sur ce programme. Nous avons pu sauver 600 petites bonnes», affirme-t-elle non sans fierté. L’engagement d’Insaf s’étend bien au-delà des jeunes filles domestiques. L’association déploie également ses efforts pour venir en aide aux enfants en situation de rue, notamment ceux contraints de fouiller dans les ordures pour gagner leur pain quotidien. «Nous nous sommes intéressés aux petits chiffonniers. Nous essayons de leur offrir des alternatives. Par exemple, nous sommes venus en aide à un garçon de 10 ans qui souffrait d’une maladie de peau très grave», confie Meriem Othmani, précisant que la démarche de l’Association se veut globale et durable. Elle souligne ainsi que chaque enfant bénéficie d’un suivi individualisé, pensé pour lui offrir une vie nouvelle où sa dignité est respectée. «Nous nous occupons entièrement d’eux. On les soigne, on paie toutes leurs fournitures de classe. On leur fait faire du sport, plein d’activités. Mais surtout, on fait beaucoup de soutien scolaire. Il faut qu’ils rattrapent leur retard», ajoute la présidente de l’association.

Et pour donner à son intervention toutes les chances de succès, Insaf s’intéresse à toutes les dimensions du problème. C’est pourquoi elle tient à ce que chaque prise en charge se fasse avec le soutien et l’implication des familles. À ce titre, une subvention mensuelle de 300 dirhams par enfant est allouée à chaque ménage dont l’enfant est intégré au programme, afin de compenser la perte de revenu consécutive à sa scolarisation et d’encourager la continuité éducative. «Cela permet de créer un équilibre qui renforce le lien entre l’enfant, sa cellule familiale et son avenir», dit-elle. Pour Meriem Othmani, la réintégration dans un cadre scolaire ordinaire est une nécessité impérative : «Pendant des années, ils n’étaient pas dans une classe normale avec d’autres enfants. Il faut absolument qu’ils redeviennent des personnes comme les autres.» Le fruit de cet engagement est tangible, s’enorgueillit la présidente de l’association : «Ils sont maintenant bien habillés, certains portent des lunettes. Ce sont des enfants heureux. Vous n’avez qu’à les voir.»

Une réalité alarmante : des enfants exposés dès 4 ans à la précarité

Youssef Chaouki, chef de projet LCTE au sein de l’association Insaf, tient lui aussi à souligner l’importance du chemin parcouru. Lorsqu’il évoque les enfants rencontrés au fil des mois sur le terrain, c’est d’abord leur extrême vulnérabilité qui a été frappante. «Nous avons vu des enfants âgés de 4 ans exploités dans la mendicité», témoigne-t-il. Dès le mois de juin 2022, en coordination avec les autorités locales de Médiouna et de Casablanca, les équipes de l’association entament un travail de terrain minutieux. «Nous avons pu constater ainsi comment des enfants survivent dans la rue en collectant et revendant des objets recyclables. Nous avons pu en sauver une centaine qui ont été retirés de cette activité dans la zone de Médiouna», explique-t-il.

En septembre 2023, la dynamique se poursuit. Une autre centaine d’enfants est extraite de la spirale de la mendicité. Le centre Insaf de Hay Hassani rouvre ses portes offrant à ces enfants l’occasion de se reconstruire à travers une scolarité adaptée et un accompagnement personnalisé. En janvier 2025, l’intervention s’élargit avec l’ouverture d’un bureau à la préfecture d’Anfa. Vingt-cinq enfants supplémentaires y sont identifiés et suivis. «À ce jour, 325 enfants, âgés de 4 à 12 ans, ont bénéficié du programme. Parmi eux, 161 filles et 164 garçons, issus de 207 familles», détaille Youssef Chaouki.

Mais ce responsable tient à souligner que le fait d’identifier un enfant et de l’extraire de la rue n’est que le premier pas. «Le programme vise principalement à lutter contre toutes les formes d’exploitation des enfants (de 4 à 12 ans) dans le travail forcé, de leur apporter un soutien pédagogique, psychologique et social», affirme-t-il. C’est dans cette logique que l’association veille à assurer une prise en charge complète, en lien étroit avec tous les cercles de vie de l’enfant : «Il faut assurer une coordination permanente entre l’école, la famille, l’association et les institutions de tutelle, pour que l’intégration scolaire et sociale soit réelle.»

Un plaidoyer pour l’égalité des droits et la justice sociale

Outre son action de terrain, l’association Insaf poursuit son combat sur le front juridique et institutionnel. En partenariat avec BATIK International, elle mène un plaidoyer pour renforcer la protection des mères célibataires et garantir une égalité pleine et entière des droits pour leurs enfants. Fruit de plusieurs années d’observation et d’engagement, ce plaidoyer formule des recommandations audacieuses. Parmi les propositions phares : la reconnaissance officielle du statut juridique de la mère célibataire, afin de mettre un terme à l’exclusion sociale et administrative qu’elle subit. Il s’agit aussi de garantir l’égalité des droits pour tous les enfants, indépendamment du statut marital de leurs parents. Le rapport insiste également sur l’harmonisation des lois successorales avec les principes constitutionnels et les engagements internationaux du Maroc.

L’égalité successorale, sans discrimination aucune, figure au cœur des revendications, tout comme l’adoption systématique du test ADN pour établir la paternité et offrir à chaque enfant le droit fondamental à une identité complète. La mise en œuvre de ces réformes vise une amélioration tangible des conditions de vie des mères célibataires, une sécurisation juridique accrue des enfants, et une progression réelle vers l’égalité des genres. Insaf en appelle à la mobilisation des pouvoirs publics, du législateur et de l’ensemble de la société civile, rappelant qu’aucune nation ne peut aspirer à l’équité ni au progrès sans une protection rigoureuse de ses membres les plus vulnérables.
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