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La résistance aux antimicrobiens, une menace croissante pour la santé publique

Alors que la communauté internationale se mobilise pour faire face à la résistance aux antimicrobiens, qui cause près de 4,95 millions de décès par an, selon l’OMS, le fléau continue de prendre de l’ampleur dans le monde, mais aussi au Maroc. La sur-prescription d’antibiotiques, l’automédication et l’utilisation en agriculture exacerbent ce problème. Sans actions urgentes, les infections courantes risquent de devenir incurables, mettant en péril les interventions médicales de routine et aggravant les inégalités d’accès aux soins.

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Une déclaration politique ambitieuse a été adoptée lors de la réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens (RAM), tenue le 26 septembre en marge de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Fixant des objectifs précis, dont la réduction de 10% des décès liés à la résistance aux antibactériens d’ici 2030, cette initiative répond à une situation alarmante. En effet, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la résistance aux antimicrobiens est responsable de près de 4,95 millions de décès par an. Face à cette menace croissante, il est plus que jamais crucial de prendre des mesures concrètes pour une réponse internationale concertée.

«Au niveau mondial, la résistance aux antimicrobiens est reconnue comme une menace majeure pour la santé publique. Selon l’OMS, environ 10 millions de personnes pourraient perdre la vie chaque année d’ici 2050 en raison des infections résistantes. Les pays à faible revenu, en particulier en Afrique et en Asie, sont les plus touchés en raison d’un accès limité aux antibiotiques appropriés et d’une surveillance inadéquate», déclare Dr Ayman Aït Haj Kaddour, médecin et conférencier. Et d’ajouter qu’«au Maroc, bien que les données spécifiques soient moins accessibles, les études indiquent une augmentation significative de la résistance, notamment pour des pathogènes tels que l’Escherichia coli (E. coli) et Klebsiella pneumoniae, souvent associés à des infections nosocomiales. Les rapports montrent des taux de résistance aux antibiotiques communs tels que les céphalosporines de troisième génération et les fluoroquinolones dans les établissements de santé marocains. Une étude menée en 2022 a révélé que près de 50% des isolats de l’E. coli étaient résistants à ces antibiotiques».



Dr Aït Haj Kaddour souligne également que plusieurs facteurs contribuent à l’augmentation de la RAM au niveau mondial et national. Il s’agit de la sur-prescription d’antibiotiques par les médecins, souvent par manque de tests diagnostiques rapides ou par pression des patients. «Au Maroc, une étude en 2020 a montré que près de 30% des antibiotiques prescrits étaient inutiles. L’automédication est également un facteur clé de la propagation de ce phénomène au Maroc. Beaucoup de patients achètent des antibiotiques sans ordonnance. Enfin l’utilisation d’antibiotiques en agriculture contribue à la RAM. Au niveau mondial, environ 70% des antibiotiques sont utilisés dans l’élevage, et au Maroc, bien que des régulations existent, elles sont souvent mal appliquées».Le spécialiste précise, par ailleurs, que si des mesures urgentes ne sont pas prises, les infections courantes pourraient devenir incurables, rendant des interventions médicales de routine, telles que les chirurgies ou les traitements de chimiothérapie, très risquées en raison d’une infection potentiellement mortelle. «Le système de santé mondial pourrait voir une augmentation des coûts, estimée à 100.000 milliards de dollars d’ici 2050. Au Maroc, cela pourrait entraîner une augmentation du taux de mortalité des infections banales et aggraver les inégalités d’accès aux soins, en particulier dans les zones rurales où la prise en charge est déjà limitée», insiste le médecin.

Questions à Ayman Aït Haj Kaddour, médecin et conférencier

Le Matin : Quelles stratégies l’OMS propose-t-elle pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, et comment ces recommandations peuvent-elles être mises en œuvre dans le système de santé marocain ?

Ayman Aït Haj Kaddour : L’OMS a mis en place un Plan d’action mondial en 2015 avec cinq objectifs principaux, à savoir améliorer la sensibilisation et la compréhension de la résistance, renforcer la surveillance et la recherche, réduire l’incidence des infections, optimiser l’utilisation des antimicrobiens et assurer un investissement durable dans la lutte contre la RAM. Au Maroc, le ministère de la Santé a lancé des initiatives pour renforcer la surveillance des infections résistantes, notamment dans les hôpitaux. Cependant, ces efforts restent limités en raison du manque de ressources et de personnel formé. Le Programme national de surveillance de la RAM vise à surveiller l’utilisation des antibiotiques et à former les professionnels de santé. Mais l’impact reste mitigé en raison de l’insuffisance de campagnes de sensibilisation du grand public.

D’après vous, quelles stratégies de prévention et de sensibilisation devraient être mises en place au Maroc pour réduire l’usage inapproprié des antibiotiques ?

Au Maroc, il est essentiel de renforcer les stratégies de prévention en améliorant la formation des professionnels de santé à l’utilisation appropriée des antibiotiques, avec des protocoles clairs pour éviter la sur-prescription. Il faut aussi organiser des campagnes de sensibilisation publiques, à grande échelle, pour éduquer les patients sur les dangers de l’automédication et la prise d’antibiotiques sans prescription. Il est également essentiel de développer des tests diagnostiques rapides, permettant de distinguer les infections virales des infections bactériennes pour réduire les prescriptions inutiles.

Quels rôles les médecins et les pharmaciens peuvent-ils jouer dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens au Maroc ?

Les médecins doivent adhérer strictement aux lignes directrices de prescription, en évitant les antibiotiques dans les cas d’infections virales. Ils doivent aussi expliquer aux patients pourquoi les antibiotiques ne sont pas toujours nécessaires. Les pharmaciens, quant à eux, jouent un rôle crucial en évitant la délivrance d’antibiotiques sans ordonnance, en conseillant les patients sur l’utilisation appropriée et en participant aux campagnes de sensibilisation.

Quels conseils donneriez-vous aux patients pour éviter une mauvaise utilisation des antibiotiques et contribuer à freiner cette résistance ?

Il est crucial de ne jamais prendre d’antibiotiques sans ordonnance, car les infections virales comme la grippe ou le rhume ne répondent pas à ces médicaments. Il est également important de respecter strictement la durée et la posologie prescrites, même si les symptômes s’améliorent avant la fin du traitement. L’usage d’antibiotiques ne doit jamais être partagé ni reposer sur des médicaments restants. De plus, la prévention des infections passe par des mesures d’hygiène comme le lavage des mains et la vaccination, ce qui peut contribuer à réduire la nécessité de recourir aux antibiotiques. Ces pratiques, combinées à une gestion plus rigoureuse au niveau national, pourraient ralentir la progression de la résistance aux antimicrobiens au Maroc.
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