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Les pharmaciens relancent le débat sur la rémunération de l’acte pharmaceutique

La Journée pharmaceutique internationale 2024, qui se tient ce samedi 20 janvier à Casablanca, sera l’occasion de relancer le débat sur la rémunération de l’acte pharmaceutique comme étape essentielle pour la viabilité de l’officine.

«Rémunération de l’acte pharmaceutique : vital pour la viabilité de l’officine», est le thème de la vingt-quatrième édition de la Journée pharmaceutique internationale (JPIC 2024) qui se tient ce samedi 20 janvier à Casablanca. Cette Journée, organisée par le Syndicat des pharmaciens de Casablanca, prévoit d’accueillir plus de 2.000 visiteurs. Elle sera l’occasion de relancer le débat concernant l’avenir de la profession et les défis à relever pour améliorer le quotidien des pharmaciens d’officine au Maroc.

>> Lire aussi : Les pharmaciens envisagent de nouvelles grèves

«Le syndicat s’attelle chaque année à organiser cet événement pour permettre une mise à niveau de la profession et informer et accompagner les pharmaciens dans leur exercice. Au programme de cette journée très enrichissante, plusieurs panels qui seront animés par des experts de renommée autour de thématiques importantes telles que la rémunération de l’acte pharmaceutique, la délivrance des psychotropes entre responsabilité et contrainte, le monopole pharmaceutique...», déclare au «Matin» Oualid Amri, vice-président du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca.

De son côté, Abderrahim Derraji, docteur en pharmacie et fondateur du site Pharmacie.ma, souligne que la JPIC 2024 vient nous rappeler l’immobilisme que connaît la pharmacie marocaine depuis au moins trois décennies. «Pendant que leurs confrères de la rive nord de la Méditerranée s’adaptent pour répondre aux besoins des patients tout en préservant leurs revenus, au Maroc, les pharmaciens continuent à payer un lourd tribut à une politique pharmaceutique hasardeuse», déplore le pharmacien. «Un exemple frappant est l’inter-professionnalité, désormais une réalité déchargeant les médecins de certaines tâches confiées aux pharmaciens et aux autres professionnels de santé. Ces activités génèrent des revenus supplémentaires, s’ajoutant aux indemnités telles que les indemnités de garde, qui n’ont, malheureusement, jamais eu droit de cité au Maroc. De même, les honoraires perçus par les pharmaciens sur la dispensation des ordonnances remplacent progressivement les marges commerciales, rendant ces professionnels moins sensibles aux fluctuations des prix des médicaments», ajoute Derraji. Ce dernier précise également que les baisses de prix consécutives des médicaments ont exacerbé les difficultés économiques des pharmacies, conduisant à de nombreuses fermetures de pharmacies en raison d’insolvabilité. Pour le pharmacien, il est urgent de mettre en place un système d’information permettant de suivre les changements opérés et des instances crédibles et mener des études d’impact sérieuses et impartiales pour sauver la profession.

Questions au président de l’Intersyndicale des pharmaciens du Maroc, vice-président du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca

Oualid Amri : «Face au silence du gouvernement, de nouveaux sit-in et grèves seront décrétés prochainement»

Comment la rémunération de l’acte pharmaceutique peut-elle encourager les pharmaciens à jouer un rôle plus actif dans la gestion des soins de santé primaires ?

La pharmacie n’est pas uniquement un espace commercial, c’est surtout un espace de santé, géré par des docteurs en pharmacie. Ces professionnels du médicament peuvent assurer le suivi et l’accompagnement des patients dans leur prise médicamenteuse. Et grâce à leur formation scientifique et médicale, les pharmaciens, toujours à l’écoute des patients, peuvent les conseiller et les orienter. La pharmacie représente, en effet, le premier espace de confiance du patient marocain dans le système de santé. C’est l’espace de premier recours pour le malade qui peut venir à n’importe quelle heure, où il peut être reçu, écouté, conseillé, et même accompagné ou orienté vers le bon médecin gratuitement. Le pharmacien joue un vrai rôle social, notamment dans les régions les plus reculées où il n’y a aucune structure sanitaire, mais il y a toujours une officine, avec le pharmacien qui peut accompagner les populations dans ces zones.

Il est aussi important de noter que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise une pharmacie pour 5.000 habitants, tandis qu’au Maroc, nous avons une pharmacie pour 2.700 habitants. Les pharmaciens jouent donc un rôle important pour aider à combler le manque de professionnels de santé dont souffre le pays. Mais il est grand temps de valoriser cette profession.

Les pharmaciens peuvent jouer beaucoup de rôles, à savoir le suivi thérapeutique, l’éducation thérapeutique, l’administration des vaccins au niveau de la pharmacie, la réalisation des tests d’angine ou d’urine et même prescrire certains antibiotiques et certains médicaments avec l’approbation du ministère de tutelle, comme ce qui se fait dans d’autres pays, comme la France, le Canada et la Suisse. Il n’y a pas de raison pour que le pharmacien marocain ne puisse pas faire ce genre d’actes qui peuvent être rémunérés et ensuite remboursés par les assurances, les Caisses de prévoyance et les Caisses de sécurité sociale.

Il y a également la question de la baisse des prix des médicaments. Le Maroc suit une politique de baisse du prix du médicament après avoir fait un benchmark avec d’autres pays. Sauf que le benchmark a été fait uniquement sur le prix du médicament des sept pays choisis et non pas sur l’exercice officinal. En effet, dans ces pays, comme le Portugal, la France, l’Arabie saoudite, la Turquie ou le Portugal, les pharmaciens sont rémunérés par rapport à d’autres actes qu’ils font au quotidien, ce qui permet la viabilité de l’officine.

Que risquent les pharmacies si rien n’est fait ?

La rémunération de l’acte pharmaceutique est, en effet, très importante pour la viabilité de l’officine. Il est de plus en plus urgent d’y penser, d’autant que le projet de loi de Finances 2024 prévoit une mesure visant à exonérer de TVA les médicaments soumis auparavant à un taux de 7%. Les petites pharmacies qui ont un chiffre d’affaires de moins de 1 million de dirhams vont voir leurs chiffres baisser encore une fois.

C’est pourquoi nous appelons aujourd’hui le gouvernement, notamment le ministère de la Santé et le ministère des Finances, à être à l’écoute de ce secteur et à agir pour le sauver, vu le rôle essentiel des pharmaciens dans le système de santé.

Le fait d’accorder aux pharmaciens la permission de réaliser des actes pharmaceutiques rémunérés, va non seulement contribuer à sauver le secteur, mais va également permettre de faire des économies, d’améliorer l’accès aux soins, de désengorger les hôpitaux lorsqu’il s’agit des soins primaires faciles qui peuvent se faire au niveau de la pharmacie. Nous avons une liste d’actes qui peuvent être faits au niveau de l’officine et nous aimerions que le ministère de tutelle ouvre des discussions avec nous dans ce sens. Malheureusement, ce dernier ne réagit pas du tout à nos revendications, malgré les grèves que nous avons faites en 2023.

Est-ce que de nouvelles grèves sont prévues prochainement ?

En effet, de nouvelles grèves et sit-in sont prévus prochainement. Face au silence du gouvernement, nous n’avons d’autres choix que de manifester notre mécontentement pour faire entendre nos voix. L’attente n’a que trop duré... et le ministère ne fait pas ce qu’il faut pour nous accompagner dans la crise que nous traversons. Le gouvernement doit prendre les bonnes décisions pour sauver notre secteur qui joue un rôle très important dans la société et le système de santé. Il faut savoir que plus de 3.000 pharmacies rencontrent de très grandes difficultés financières et peinent à survivre. La JPIC 2024 va constituer un début par rapport aux décisions qui vont être prises pour l’avenir.
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