Menu
Search
Samedi 18 Janvier 2025
S'abonner
close
Samedi 18 Janvier 2025
Menu
Search
lock image Réservé aux abonnés

Masculinités au Maroc : Les jeunes tiraillés entre conservatisme et modernité

L’étude «Perception des masculinités chez les jeunes», menée par Médias et Cultures en 2024, met en lumière plusieurs tensions dans la société marocaine. L’étude révèle, en effet, des contradictions profondes dans les perceptions des masculinités, reflétant les enjeux d’une société en quête d’équilibre entre héritage culturel et aspirations progressistes.

Dans une société marocaine en pleine mutation, les jeunes sont à la croisée des chemins, pris entre des valeurs traditionnelles fortement enracinées et des aspirations progressistes qui se frayent difficilement un chemin. L’étude exploratoire «Perception des masculinités chez les jeunes», réalisée par l’association Médias et Cultures en 2024 auprès de 1.164 jeunes âgés de 15 à 25 ans dans cinq régions du Maroc, illustre ces tensions profondes. Ces contradictions, bien que parfois opposées, s’entrelacent et influencent les comportements des jeunes face aux évolutions sociétales.

Parmi les données les plus marquantes de cette étude, près de 43% des jeunes hommes interrogés estiment que le harcèlement sexuel est causé par le comportement des femmes, notamment leurs tenues vestimentaires.

Cette perception, comme le souligne Abdelmajid Moudni, directeur de l’association Médias et Cultures, «renforce une culture qui blâme les victimes plutôt que les agresseurs». Une analyse qui met en lumière l’urgence d’un changement profond dans les mentalités, notamment à travers l’éducation et la sensibilisation dès le plus jeune âge, pour instaurer des valeurs d’égalité et de respect mutuel.

Les tensions dans les espaces de socialisation

Les résultats de l’étude dévoilent des zones de tensions majeures dans des sphères variées à savoir la famille, l’école, l’accès aux ressources économiques, l’espace public et même la religion. Ces espaces, au cœur de la vie quotidienne des jeunes, deviennent des lieux où s’opposent les aspirations à l’égalité et les résistances ancrées dans des traditions patriarcales. Dans le cadre familial, par exemple, l’étude révèle que les stéréotypes de genre restent omniprésents. Quelque «60% des jeunes hommes considèrent encore que l’homme doit contrôler les ressources financières de la famille, même lorsque l’épouse en est la principale pourvoyeuse», précise Ghizlane Mamouni, présidente de l’association Kif Mama Kif. «Ces chiffres traduisent une réticence significative à remettre en question les normes traditionnelles qui assignent aux hommes un rôle de chef de famille et de pourvoyeur principal, même dans des contextes où cette vision n’est plus compatible avec les réalités économiques modernes», ajoute-t-elle.

L’espace public, quant à lui, reste un lieu où les tensions s’expriment de manière plus visible, notamment dans les comportements liés aux violences et au contrôle du corps des femmes. Ces sphères, imbriquées dans des dynamiques complexes, nécessitent une analyse approfondie et des interventions ciblées pour encourager un changement durable.

«Manchoufouch», une campagne pour déconstruire les stéréotypes

Face à ces constats alarmants, l’association Médias et Cultures, en partenariat avec des organisations comme l’ADFM (Association démocratique des femmes du Maroc), Kif Mama Kif Baba et Génération Libre, a lancé la campagne «Manchoufouch». Cette initiative vise à promouvoir des masculinités plus inclusives, égalitaires et non violentes, tout en appelant à une réforme éducative ambitieuse pour déconstruire les biais de genre dès l’enfance.

«Cette campagne cherche à informer l’opinion publique sur les enjeux des masculinités toxiques et la lutte contre la violence basée sur le genre. Pour cela, elle mise sur plusieurs axes : sensibiliser les jeunes aux impacts négatifs des stéréotypes de genre, soutenir les hommes alliés dans la transformation des normes masculines, et collaborer avec les acteurs nationaux pour approfondir les recherches sur ces thématiques», expliquent les initiateurs de la campagne dans un communiqué.

Une stratégie de communication moderne et impactante

Pour toucher les jeunes générations, la campagne s’appuie sur des moyens de communication innovants et adaptés. Le clip vidéo de la chanson «Manchoufouch», interprété par Sonia Noor, constitue un élément phare de cette initiative, tout comme les capsules de sensibilisation produites par des adolescents sur TikTok et les publications engageantes diffusées sur Instagram. Par ailleurs, un spot de sensibilisation est diffusé sur «Hit Radio», élargissant encore la portée du message.

«Cette initiative invite les hommes et les garçons à se questionner sur leur responsabilité, tant au niveau personnel qu’interpersonnel», ajoute le communiqué, insistant sur la nécessité de remettre en question «une forme culturellement idéalisée de masculinité qui perpétue les inégalités de genre».

En encourageant une réflexion collective et des actions concrètes, «Manchoufouch» aspire à bâtir une société marocaine où hommes et femmes peuvent évoluer librement, affranchis des contraintes imposées par les stéréotypes de genre. Ce travail, bien que colossal, représente un pas essentiel vers une égalité réelle et durable, où la violence, sous toutes ses formes, n’aura plus sa place.
Lisez nos e-Papers