Le Matin : Vous venez de réaliser, avec succès, une opération exceptionnelle. Opérer un patient à Casablanca... depuis Shanghai. Quel est votre sentiment après cet exploit ?
Dr Youness Ahallal : Moi et toute l’équipe sommes extrêmement fiers et émus. Cette réussite est le fruit de beaucoup d'efforts menés par une équipe 100% marocaine composée de médecins, d’infirmiers et d’ingénieurs biomédicaux... Ce qui rend cette opération encore plus exceptionnelle, c’est qu’il s’agit de la première chirurgie intercontinentale de ce type. Le Maroc, autrefois en retard dans ce domaine, se positionne aujourd’hui comme un exemple.Pourquoi avoir choisi la Chine, à l’autre bout du monde, pour réaliser cette opération ?
Avec une distance qui dépasse les 12.000 kilomètres entre Casablanca et Shanghai, l’idée était de repousser les limites de ce qui est possible en matière de téléchirurgie et de la tester dans des conditions extrêmes. Nous avons utilisé le robot chirurgical Toumai, couplé à une plateforme de communication avancée. Celle-ci permet une transmission en temps réel des commandes du chirurgien avec une précision millimétrique et des images 3D en haute définition.
Techniquement, y avait-il des risques ? Comment les avez-vous gérés ?
Bien sûr, comme dans toute intervention médicale, il y avait des risques. Mais ils ont été minutieusement anticipés. Il fallait d’abord assurer un réseau de très haut débit, sécuriser les données du patient et puis nous avons réalisé des simulations rigoureuses et des formations intensives pour chaque membre de l’équipe pendant les quatre mois précédant l’opération. De plus, un spécialiste était présent sur place, prêt à intervenir en cas d’imprévu.
En quoi la téléchirurgie peut-elle être utile pour le système de santé au Maroc ?
La téléchirurgie est de nature à révolutionner l’accès aux soins au Maroc, vu qu’elle élimine les déplacements e qu’elle abolit les distances. Les patients peuvent bénéficier d’interventions de pointe sans quitter leur région, tandis que les experts opèrent à distance. En plus, elle ne nécessite pas d’installer des blocs opératoires coûteux dans chaque hôpital, elle démocratise ainsi des soins spécialisés, tout en ouvrant la voie au transfert de compétences grâce au mentorat à distance, ce qui offre aux chirurgiens marocains une formation innovante et accessible.
Mais ce type de chirurgie ne va-t-il pas coûter plus cher qu'une chirurgie normale pour les malades ?
Il est vrai que la téléchirurgie peut sembler plus onéreuse que la chirurgie traditionnelle, principalement en raison du coût élevé des équipements sophistiqués et de l’investissement initial nécessaire. Mais sur le long terme, les bénéfices qu’elle apporte, tant pour les patients que pour le système de santé dans son ensemble, sont beaucoup plus importants. En effet, la chirurgie robotique réduit considérablement la douleur post-opératoire et les pertes de sang, ce qui permet aux patients de quitter l’hôpital le jour même ou dès le lendemain et de reprendre rapidement leurs activités quotidiennes et professionnelles. En plus, les risques de complications post-opératoires sont réduits, ce qui signifie moins de soins complémentaires, moins de ré-hospitalisations et donc une réduction des coûts de santé sur le long terme. Une étude canadienne, par exemple, a comparé la chirurgie robotique et la chirurgie traditionnelle pour des interventions telles que l’ablation de la vessie dans le cadre d’un cancer. Les résultats montrent qu’au bout de trois mois seulement, la chirurgie robotique s’avère plus rentable. Cela s’explique par le retour rapide des patients à leur travail, la diminution des complications et une moindre consommation de soins. Ainsi, bien que l’investissement initial soit élevé, les économies générées à moyen et long terme justifient pleinement l’adoption de cette technologie.
Pensez-vous que le système de santé marocain est prêt pour cette transformation, notamment dans les régions éloignées ?
Attendre que tout soit prêt n’a jamais été la recette d’une révolution. Les grandes avancées se font en osant, en prenant des initiatives audacieuses. Il faut adopter ces technologies de pointe, les imposer, les intégrer dès maintenant et construire autour d’elles. Aujourd’hui, nous disposons des compétences nécessaires pour mettre en place des systèmes de télécommunication de pointe, capables de soutenir la téléchirurgie. De plus, nous avons des investisseurs motivés, prêts à démocratiser l’accès à cette chirurgie avancée dans les différentes villes du pays. En plus, cette technologie assurera une meilleure formation pour les chirurgiens marocains, ce qui peut positionner le Maroc comme un acteur de référence dans l’utilisation de ces techniques innovantes.
Avec des succès comme celui-ci, pensez-vous que les jeunes médecins marocains, qui quittent massivement le pays, seront davantage enclins à rester travailler au Maroc plutôt que de s’expatrier en Europe, par exemple ?
Absolument ! Avec l'introduction de technologies de pointe comme la téléchirurgie, les médecins marocains n'auront plus besoin de s'expatrier pour pratiquer une médecine d'excellence. Comme je l’ai mentionné, le Maroc se positionne aujourd’hui parmi les leaders en matière d’innovation dans le domaine de la santé. Personnellement, je travaille désormais au Maroc après une longue carrière en France, ce qui n'était pas envisageable auparavant, car le pays ne disposait pas de ces avancées technologiques. Grâce à ces évolutions, les jeunes médecins peuvent désormais envisager une carrière enrichissante et à la pointe de l’innovation sans quitter leur pays.
Absolument ! Avec l'introduction de technologies de pointe comme la téléchirurgie, les médecins marocains n'auront plus besoin de s'expatrier pour pratiquer une médecine d'excellence. Comme je l’ai mentionné, le Maroc se positionne aujourd’hui parmi les leaders en matière d’innovation dans le domaine de la santé. Personnellement, je travaille désormais au Maroc après une longue carrière en France, ce qui n'était pas envisageable auparavant, car le pays ne disposait pas de ces avancées technologiques. Grâce à ces évolutions, les jeunes médecins peuvent désormais envisager une carrière enrichissante et à la pointe de l’innovation sans quitter leur pays.
