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Canicule: Quand le thermomètre grimpe, manger devient un geste de prévention

Fatigue, troubles digestifs, déshydratation… Quand la chaleur s’installe, mal manger peut vite aggraver les effets du stress thermique. Dans cet entretien, la Dre Nouhaïla Kharrat, nutritionniste, diététicienne, détaille les bons réflexes alimentaires à adopter pour se protéger, se réhydrater et soutenir son organisme pendant les vagues de chaleur.

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Le Matin: Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler quels sont les besoins nutritionnels spécifiques du corps lorsqu’il fait très chaud ?

Canicule: Quand le thermomètre grimpe, manger devient un geste de prévention



Dre Nouhaïla Kharrat
: Lorsque le corps est confronté à des températures élevées, son principal objectif devient la régulation thermique. Cela passe par la transpiration, un mécanisme essentiel pour évacuer la chaleur corporelle. Or, cette perte d’eau s’accompagne aussi d’une perte de minéraux: sodium, potassium, chlorure, magnésium... Si ces pertes ne sont pas compensées, des déséquilibres peuvent apparaître: fatigue, crampes musculaires, hypotension, voire coup de chaleur.

Les besoins énergétiques n’augmentent pas en été, mais les besoins hydriques, eux, explosent. Un adulte perd en moyenne 2 à 2,5 litres d’eau par jour, mais ce chiffre peut doubler lors d’une journée caniculaire ou d’une activité physique. L’idéal est d’adapter son hydratation en fonction de l’âge, du sexe, de l’activité physique et des conditions climatiques.

Outre l’eau, les besoins en micronutriments hydrosolubles (vitamine C, vitamines B) peuvent augmenter, car ils sont davantage mobilisés en cas de stress thermique. De plus, une exposition prolongée au soleil génère un stress oxydatif au niveau cellulaire. Il est donc recommandé de consommer davantage d’antioxydants: bêta-carotène, lycopène, polyphénols, flavonoïdes... que l’on retrouve notamment dans les fruits et légumes colorés.

Enfin, le système digestif étant lui-même ralenti par la chaleur, les besoins nutritionnels doivent être couverts à travers une alimentation légère, fractionnée et très digeste. L’objectif est double: nourrir le corps sans l’alourdir, et soutenir ses mécanismes d’adaptation physiologique.

Pourquoi a-t-on souvent moins faim quand les températures grimpent ?

La diminution de l’appétit en période de forte chaleur est bien documentée. Il s’agit d’un mécanisme de régulation physiologique du corps. Lorsqu’il fait très chaud, le système nerveux autonome, notamment via l’hypothalamus, module la sensation de faim pour éviter que le processus digestif ne vienne aggraver l’élévation de température corporelle. En effet, la digestion produit de la chaleur (c’est ce qu’on appelle la thermogenèse postprandiale), et le corps tente naturellement de la limiter.

Le métabolisme de base, c’est-à-dire la dépense énergétique minimale pour maintenir les fonctions vitales, varie très peu en fonction des saisons. Ce sont plutôt les comportements alimentaires, les rythmes de vie et la dépense énergétique liée aux activités qui changent. En été, on bouge souvent plus, mais on mange plus léger. Ce n’est pas une diminution des besoins caloriques, mais plutôt un ajustement naturel des volumes et de la densité énergétique des repas.

Adapter son alimentation, donc, est essentiel. Cela ne signifie pas réduire drastiquement les quantités, mais plutôt repenser la structure et la qualité des repas. Il est recommandé de fractionner ses repas en 3 repas légers avec une ou 2 collations riches en eau et nutriments. Il faut aussi choisir des aliments faciles à digérer comme les fruits, les légumes, les yaourts, les protéines maigres et manger à des heures plus fraîches: tôt le matin, tard le soir. Il est recommandé d’éviter les plats riches en graisses, sucres ou sel, qui perturbent la digestion et la thermorégulation. Ces adaptations permettent de maintenir l’énergie tout en respectant le fonctionnement naturel du corps en été.

Quels types d’aliments faut-il privilégier durant les vagues de chaleur ?

Lors des fortes chaleurs, l’alimentation doit jouer un rôle de soutien: elle doit être hydratante, reminéralisante, antioxydante et facilement digestible. Concrètement, cela signifie opter pour des aliments riches en eau, en micronutriments essentiels, mais pauvres en graisses saturées et sucres rapides.

Il faudra miser sur les fruits et légumes frais, car ils contiennent entre 85% et 95% d’eau. Pastèque, melon, concombre, tomate, fraise, courgette ou laitue sont des champions de l’hydratation naturelle. Ils apportent également des fibres douces, de la vitamine C, du potassium et des antioxydants protecteurs comme le lycopène (tomate), le bêta-carotène (carotte, abricot) ou les flavonoïdes (baies).

Il faut aussi privilégier les protéines légères comme les œufs, poissons blancs, volailles maigres ou tofu, qui sont bien tolérés et permettent d’éviter les carences sans surcharger le système digestif, ainsi que les produits laitiers fermentés tels que le yaourt nature, «kéfir», lait fermenté ou «lben»... qui apportent calcium, probiotiques, protéines et eau.

Sans oublier les féculents à index glycémique modéré comme le couscous complet, l’avoine, le boulgour, le quinoa, les pommes de terre à la vapeur, le riz basmati et complet, les légumineuses (en salade froide). En quantité modérée, ils soutiennent l’énergie sans provoquer de somnolence postprandiale. Les soupes froides ou gaspachos, les smoothies maison..., faciles à préparer, sont aussi riches en nutriments et hydratants.

Côté cuisson, on privilégie la vapeur douce, le four, le wok, ou les marinades froides. Enfin, il est conseillé d’assaisonner avec des herbes fraîches (menthe, basilic, coriandre) et des huiles végétales crues (huile d’olive, colza et noix), sources d’oméga‑3 et de vitamine E.

À l’inverse, quels sont les aliments à éviter ou limiter quand il fait très chaud ?

Quand il fait très chaud, certains aliments deviennent inadaptés, car ils alourdissent la digestion, augmentent la production de chaleur interne ou favorisent la déshydratation. Il est donc important de les limiter, voire de les éviter.

Il faudra minimiser la consommation des plats gras ou frits, qui demandent un effort digestif considérable et élèvent la température corporelle. La digestion des graisses étant lente, elle fatigue l’organisme en pleine période de stress thermique.

Il faut également éviter les viandes rouges et charcuteries riches en graisses saturées et en sel, car elles ralentissent la digestion et favorisent la rétention d’eau.

Les produits ultra-transformés comme les biscuits, viennoiseries, barres industrielles, plats cuisinés... sont aussi à minimiser. Leur densité énergétique est élevée, mais leur teneur en micronutriments est faible, ce qui contribue à la fatigue et au déséquilibre glycémique. Tout comme les aliments très sucrés (sodas, jus industriels, desserts sucrés) qui provoquent des pics d’insuline suivis d’hypoglycémies réactionnelles, entraînant coups de pompe, irritabilité et soif accrue.

Enfin, les plats très salés comme les chips, sauces industrielles, fromages très affinés... sont à éviter. Le sel en excès accentue la déshydratation, surtout en cas de transpiration importante.

L’eau est évidemment essentielle, mais quels aliments peuvent aussi contribuer efficacement à l’hydratation ? Y a-t-il un risque de trop boire ou de boire mal ?

L’eau est la pierre angulaire de l’alimentation en été. Toutefois, certains aliments peuvent compléter efficacement l’hydratation. Les fruits et légumes, comme le concombre (96% d’eau), la laitue, la pastèque, la courgette ou le melon, sont d’excellents compléments, riches en eau, mais aussi en potassium, vitamine C et fibres hydrosolubles.

Les soupes froides (comme le gaspacho), les compotes sans sucre ajouté, les smoothies, le yaourt nature ou les infusions glacées sont également intéressants. Ils permettent de varier les apports hydriques tout en apportant des nutriments. Mais attention: on peut aussi boire mal. Boire en excès, très rapidement, peut entraîner une dilution du sodium dans le sang, une condition rare, mais dangereuse appelée hyponatrémie. Cela concerne surtout les personnes sportives ou celles qui boivent plusieurs litres d’eau sans compensation minérale.

Boire des boissons sucrées ou énergétiques de manière excessive est aussi contre-productif. Ces boissons augmentent la charge glycémique, déshydratent par effet osmotique, et perturbent l’équilibre digestif. Même les jus naturels doivent être consommés en petite quantité (un verre), car leur teneur en sucres reste élevée. L’idéal ? Boire de l’eau plate tempérée tout au long de la journée, par petites gorgées. Ajouter une rondelle de citron, quelques feuilles de menthe, du gingembre frais ou des tranches de concombre permet de varier sans excès.

Comment éviter les coups de fatigue liés à une digestion difficile par forte chaleur ?

La digestion est un processus coûteux en énergie. En été, la chaleur externe s’ajoute à la chaleur métabolique produite par l’organisme, et cela peut entraîner une sensation d’épuisement postprandial. Pour prévenir les troubles digestifs, plusieurs habitudes simples peuvent être adoptées. Il est essentiel d’alléger la densité calorique des repas en privilégiant les légumes, les protéines maigres et en limitant les graisses cuites. Fractionner les repas en petites portions consommées plus fréquemment permet d’éviter les pics d’insuline et les baisses d’énergie.

Le soir, mieux vaut éviter les repas trop riches, qui nuisent à la digestion et perturbent le sommeil. Manger lentement, en mâchant soigneusement chaque bouchée, facilite le travail digestif dès la bouche, surtout si les repas se prennent dans un environnement calme.

Par ailleurs, il est recommandé de bien s’hydrater entre les repas plutôt que pendant, afin de ne pas diluer les sucs gastriques. En complément, certaines aides naturelles peuvent soutenir la digestion, comme les infusions de menthe ou de gingembre, les graines de fenouil, ou encore les probiotiques.

Quelles précautions spécifiques recommandez-vous pour les enfants, les personnes âgées ou les personnes malades ?

Certaines populations, comme les personnes âgées, les enfants ou les personnes atteintes de maladies chroniques, sont particulièrement sensibles à la chaleur. Leur perception de la soif est souvent altérée, tout comme leur capacité à réguler efficacement leur température corporelle.

Dans ce contexte, l’hydratation préventive devient essentielle: il est recommandé de proposer régulièrement de petites quantités d’eau, même en l’absence de sensation de soif, en utilisant des moyens ludiques et pratiques comme des gourdes, verres colorés ou pailles. Chez les enfants, l’eau doit rester la seule boisson proposée. La surveillance de l’urine (quantité et couleur) est également un bon indicateur: des urines rares ou foncées peuvent signaler une déshydratation.

L’alimentation, elle aussi, doit être adaptée. Il est préférable d’opter pour des plats simples, digestes et riches en eau. Les aliments naturellement hydratants comme les fruits frais coupés, les compotes maison, les soupes froides, les purées de légumes tièdes ou les yaourts sont à privilégier.

La température des repas compte aussi: ni trop chauds, ni glacés, afin de ne pas perturber la digestion. Une attention particulière doit être portée à la conservation des aliments, car les intoxications alimentaires sont plus fréquentes en été. Il convient de respecter la chaîne du froid et d’éviter les produits sensibles tels que les œufs crus, les sauces maison, les poissons ou les produits laitiers laissés à température ambiante.

En cas de maladies chroniques comme le diabète, l’insuffisance rénale ou les troubles de la déglutition, il est important d’adapter la texture et la fréquence des repas.

Pour les enfants, transformer les repas en moments ludiques et attractifs est essentiel: brochettes de fruits, smoothies, glaces maison à base de yaourt ou de purée de fruits peuvent favoriser leur hydratation tout en leur faisant plaisir.

Une chose est certaine: chaleur et nutrition vont de pair. Bien s’alimenter en période estivale ne relève pas du confort, mais bien de la prévention. Une alimentation adaptée permet de mieux supporter les vagues de chaleur, de préserver ses capacités physiques et mentales, et de limiter les risques de déshydratation, de fatigue ou de troubles digestifs.

Sur le long terme, manger intelligemment en été aide à maintenir un équilibre physiologique face au stress thermique. Cela concerne chacun d’entre nous, mais tout particulièrement les personnes les plus vulnérables.

L’alimentation doit ainsi être pensée comme un outil central de prévention. Chez les personnes âgées, isolées ou fragilisées, une vigilance accrue est nécessaire. Le rôle des proches et des professionnels de santé est fondamental pour accompagner ces personnes, surveiller leur état et adapter les apports à leurs besoins spécifiques. En période de canicule, bien manger n’est pas un luxe, c’est une nécessité vitale.

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