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Ramadan : Pourquoi le jeûne influence-t-il nos émotions ?

Ramadan est un moment de spiritualité, de recentrage et de purification. Mais il est aussi une épreuve psychologique qui impacte chaque individu différemment. Certains ressentent une paix intérieure profonde, tandis que d'autres éprouvent des sautes d’humeur, de l’irritabilité, voire du stress. À quoi est dû cet écart d’humeur ? La science apporte aujourd’hui des réponses précises sur les effets du jeûne sur le cerveau et le comportement humain, et certaines pratiques ancestrales et spirituelles nous guident sur la meilleure façon de canaliser nos émotions durant cette période.

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Le jeûne prolongé, comme celui observé durant Ramadan, modifie plusieurs paramètres biologiques qui influencent directement l’humeur. Une étude menée par le «Journal of Nutrition, Health & Aging» a démontré que le jeûne intermittent, similaire au jeûne du Ramadan, entraîne une diminution du taux de glucose dans le sang, ce qui affecte le niveau d’énergie et peut engendrer de la fatigue mentale.

D’autres recherches, notamment celles publiées par «Frontiers in Behavioral Neuroscience», révèlent que le jeûne peut stimuler la production de dopamine et de sérotonine, les hormones du bien-être, expliquant ainsi pourquoi certains jeûneurs se sentent plus apaisés et plus concentrés. À l’inverse, d’autres connaissent une élévation du cortisol, l’hormone du stress, provoquant une irritabilité accrue et une baisse de patience, notamment en fin de journée.



Selon le Dr Karim El Houari, neuropsychologue à Rabat, «le jeûne est une épreuve autant physique que mentale. Son effet sur l’humeur dépend de nombreux facteurs, comme le mode de vie, l’alimentation ou encore la qualité du sommeil. Certains ressentent un état méditatif, tandis que d'autres subissent une irritabilité accrue».

D’ailleurs, la gestion des émotions pendant le jeûne est un sujet qui traverse les époques et les civilisations. Dans de nombreuses traditions spirituelles, dont l’Islam, l’abstinence alimentaire est associée à une forme d’élévation et de discipline personnelle. À ce sujet, une recommandation prophétique invite les jeûneurs à éviter les conflits et à répondre avec calme aux provocations en rappelant simplement : «Je jeûne» Une approche qui, bien avant les neurosciences modernes, soulignait l'importance de la maîtrise de soi face aux fluctuations de l’humeur.

Pourquoi certains deviennent-ils plus irritables ?

L’irritabilité observée chez certains jeûneurs s’explique par plusieurs raisons :

• Le manque de caféine : Ceux qui ont l’habitude de consommer du café ou du thé ressentent souvent un syndrome de sevrage entraînant maux de tête et irritabilité.

• Le sommeil perturbé : Entre le réveil précoce pour le S'hour et les veillées prolongées, notamment pour les Tarawih, beaucoup dorment moins bien, ce qui amplifie la nervosité.

• Le stress de la vie quotidienne : Travailler en journée sans s’alimenter peut générer une fatigue mentale accrue.

• L’effet de fin de journée : Juste avant le F'tour, les pics de stress et d’irritabilité atteignent leur maximum, notamment dans les embouteillages où la patience est mise à rude épreuve.

Dre Soumaya Rachidi, spécialiste en psychiatrie, explique que «l’état émotionnel du jeûneur est fortement lié à son alimentation et à son hygiène de vie. Une mauvaise gestion du stress, combinée à une alimentation déséquilibrée au S'hour, peut amplifier les effets négatifs du jeûne sur l’humeur».

Pourtant, au-delà des explications physiologiques, la patience et la maîtrise des émotions sont des compétences qui s’acquièrent et qui peuvent être renforcées grâce à des pratiques introspectives. Certaines recommandations anciennes, notamment dans les enseignements spirituels, insistent sur la nécessité d’adopter une posture bienveillante, de multiplier les moments de méditation et d’éviter les réactions impulsives, particulièrement en période de jeûne.

D’autres trouvent une paix intérieure

En parallèle, de nombreuses personnes déclarent ressentir un profond apaisement durant le Ramadan. D’ailleurs, cette approche est confirmée par plusieurs recherches en psychologie. Une étude publiée dans le «Journal of Religion and Health» a montré que les pratiques spirituelles comme la prière et la méditation réduisent significativement les niveaux de stress et augmentent la tolérance aux frustrations quotidiennes. Cela rejoint un principe souvent cité : «Cherchez secours dans la patience et la prière.» Plusieurs éléments expliquent cette sensation :

• Un mode de vie plus lent : Moins d’activités stressantes, plus de moments de réflexion et de spiritualité.

• Une connexion spirituelle renforcée : La prière et la méditation jouent un rôle important dans la gestion du stress et de l’anxiété.

• Un régime alimentaire plus équilibré : Un S'hour riche en protéines et en fibres permet de maintenir une meilleure stabilité émotionnelle tout au long de la journée.

Comment mieux gérer son humeur pendant le Ramadan ?

Pour limiter les effets négatifs du jeûne sur l’état émotionnel, voici quelques recommandations d’experts et de la tradition :

• Privilégier une alimentation équilibrée : Éviter les sucres rapides et les repas trop gras qui accentuent la fatigue et l’irritabilité.

• Bien s’hydrater : Boire suffisamment entre l’Iftar et le S'hoor permet d’éviter les coups de fatigue.

• Se reposer correctement : Essayer d’adapter son rythme de sommeil pour mieux gérer les journées de jeûne.

• Éviter les situations stressantes en fin de journée : Rester calme et planifier son temps pour éviter l’énervement juste avant le F'tour.

• Multiplier les rappels spirituels : La méditation et la connexion spirituelle permettent d’apaiser l’esprit et de renforcer la patience.

Que l’on ressente plus de sérénité ou plus de stress, l’essentiel est d’adopter des habitudes saines et un état d’esprit propice à la patience et à la bienveillance. Cette capacité à maîtriser ses réactions et à prendre du recul est souvent décrite comme l’un des principaux bienfaits du Ramadan. Au-delà de l’abstinence alimentaire, c’est une opportunité d’expérimenter un véritable exercice de discipline intérieure.
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