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Jeudi 02 Mai 2024
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Séisme d’Al Haouz : la vague de froid, une épreuve de plus pour les rescapés

L’hiver est rude cette année. Et il l'est encore plus pour les habitants des zones de montagnes , en particulier pour les rescapés du séisme d’Al Haouz. Privés de leurs habitations, ils sont contraints de vivre dans des tentes qui ne les protègent que peu du froid hivernal. Si certains peuvent compter sur le soutien des associations et les aides du gouvernement pour alléger leurs souffrances, d’autres sont complètement livrés à eux-mêmes.

Le Maroc grelotte... Le grand froid s’est installé dans les différentes régions du Royaume. Et les températures risquent de baisser encore plus durant les prochaines semaines selon les prévisions de la Direction générale de la météorologie (DGM). Si les habitants des grandes villes sortent leurs manteaux et s’équipent pour chauffer leur foyer, les populations dans les régions montagneuses et enclavées mènent une lutte quotidienne contre les conditions climatiques très rudes pour subvenir à leurs besoins durant cette période difficile.



La situation est encore plus compliquée pour les rescapés du séisme d’Al Haouz qui a provoqué près de 3.000 morts et plus de 5.000 blessés. Ces derniers, qui ont été privés de leurs maisons, doivent endurer un froid glacial. Un calvaire qui s’ajoute aux autres difficultés qu’ils affrontent depuis quatre mois. Leur plus grand défi actuel : résister au gel et survivre jusqu’à la prochaine saison.

Passer l’hiver dans une tente, un vrai supplice

La majorité des victimes du séisme n’ont d’autres choix que de se réfugier dans des tentes qui ne les protègent guère du froid hivernal qui s’intensifie. Fatima, du douar Talat N’Yaaqoub, 35 ans, mère de cinq enfants, nous confie qu’elle a été obligée de se séparer de trois d’entre eux pour les protéger des conditions météorologiques impitoyables. «Je vis dans cette tente depuis plus de trois mois. Certes, nous ne manquons pas de denrées alimentaires grâce à la générosité des Marocains, mais la vie est vraiment très dure sans un toit qui nous abrite. J’ai envoyé mes deux aînés à Marrakech pour aller à l’école. Là-bas le temps est un peu plus clément, en plus ils sont nourris et logés à l’internat. La cadette de 5 ans vit dans la maison de ma sœur», témoigne-t-elle. «Je cherche désespérément un endroit qui pourra m’accueillir avec les deux petits âgés de 3 ans et un an et demi. Ils tombent souvent malades. Leurs corps ne supportent plus le froid. Je commence sérieusement à m’inquiéter pour eux», ajoute Fatima.

Mohamed du village Aghbar, 42 ans, a perdu sa femme et ses trois enfants lors de la catastrophe. Il vit avec ses deux frères dans une tente et avoue que la situation cette année est bien plus dure que d’habitude, même s’il n’a pas encore neigé. «Les tentes ne nous protègent malheureusement pas de grand-chose. Il fait très froid tôt le matin et durant la nuit. Lorsqu’il pleut, les tentes sont inondées. Plusieurs personnes, partent se réfugier dans les maisons fissurées même si cela peut être dangereux», témoigne-t-il.

Plusieurs familles attendent encore l’aide du gouvernement

Pour faire face aux conditions de vie difficiles après le séisme, les victimes bénéficient, depuis octobre dernier, d’une aide mensuelle d’une valeur de 2.500 DH pour couvrir leurs besoins pendant 12 mois. Le gouvernement leur a également attribué des fonds pour rénover ou reconstruire les habitations. Les montants accordés vont de 80.000 DH pour des maisons partiellement détruites à 140.000 DH pour celles entièrement effondrées, sous forme d’une série de tranches qui a commencé par une première somme de 20.000 DH. Mais si «en théorie» cela a l’air parfait, en réalité, les populations se plaignent, car de nombreuses familles attendent toujours les fonds d’aide alloués par le gouvernement. «Dans mon village, seule une minorité a reçu les aides du gouvernement. Nous avons présenté une nouvelle demande et nous attendons de voir si cette fois cela va marcher», déplore Abderrahmane, habitant d’un village proche d’Amizmiz.

Les dons se font de plus en plus rares

De leur côté, les associations qui continuent d’apporter leurs aides aux populations sinistrées affirment que les conditions de vie dans les villages touchés par le séisme sont très dures en cette période de l’année, d’autant que les dons pour cette population se font de plus en plus rares. «Le séisme qui a secoué tout le pays a impacté plus de 6.300 douars, provoquant la destruction de plus 59.000 habitations, dont plus de 20.000 ont été totalement démolis. Avec un état des lieux aussi lourd, nous nous retrouvons avec 1,3 million de sinistrés pour qui il faut assurer la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable, l’hygiène corporelle et un logement adéquat qui les protégera de la dureté du climat dans les hautes montagnes», déclare au journal «Le Matin» Hind Laïdi, présidente de l’association Jood. Et d’ajouter que «cette mission n’est pas du tout facile, d’autant plus que les donateurs ne sont plus aussi généreux que durant les premières semaines. Il faut savoir aussi que les habitants de certains douars difficiles d’accès sont complètement livrés à eux même. Des associations nationales et étrangères se sont déplacées sur les lieux et ont fourni de l’aide les premiers jours puis sont parties. Même pour les aides du gouvernement, il existe toujours un nombre considérable de familles qui n’ont rien reçu parce qu’elles n’étaient pas enregistrées sur les listes». La présidente de l’association Jood insiste sur l’urgence d’apporter des solutions efficaces pour aider ces populations à lutter contre le froid hivernal qui est de plus en plus dur à supporter. «Ils vivent pratiquement tous dans des tentes ou des abris de fortune. Les vents sont très violents en altitude et la pluie s’incruste très facilement à l’intérieur pour endommager le peu de denrées dont ils disposent. Pour nous, il s’agit d’une course contre la montre ! Nous avons mobilisé tous nos moyens et ressources afin de sauver ce que nous pouvons sauver», indique Mme Laïdi. Elle rappelle que pour soutenir les victimes du séisme, Jood a vite lancé des chantiers dans le cadre de son plan d’aide d’urgence. À ce jour, l’association a livré 74 mobil-home et 24 unités sanitaires pour assurer un abri sûr à ces populations. «Plusieurs autres chantiers sont ouverts pour livrer plus de familles dans plus de douars. Jood a également distribué 2.333 tonnes de denrées aux sinistrés. Et nous continuons cette action dans le but d’assurer un hiver sans faim à cette population avec un objectif de distribution de 48.000 kits alimentaires de 89 kg accompagnés de couvertures et kits d’hygiène». L’Association a, par ailleurs, déployé son camion douche qui a permis à 4.680 personnes de prendre une douche chaude et bénéficier de différents services d’hygiène et de santé. «Le camion continue à sillonner les villages dans les hautes montagnes d’Al Haouz, dans le but d’éviter la propagation des maladies par manque d’hygiène. Cette unité mobile est aménagée et équipée pour offrir à 90 sinistrés par jour une douche chaude et leur permettre l’accès à l’hygiène corporelle et aux soins médicaux, et un pack vêtements et 2 autres camions douches sont en cours de production», explique Hind Laïdi. Elle rappelle, en outre, que l’association a commencé les démarches pour réhabiliter quatre puits détruits pour permettre l’accès à l’eau potable à plus de 400 familles.
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