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Vente de faux médicaments : la menace en ligne s’étend au Maroc

Derrière les clics et les livraisons express, un marché clandestin se dessine : celui des médicaments falsifiés. Si le Maroc reste, pour l’instant, relativement épargné, la progression des ventes illicites via les réseaux sociaux et certaines plateformes d’e-commerce inquiète.

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Séduisant par sa rapidité et sa facilité, le e-commerce devient aussi un terrain fertile pour la vente de médicaments falsifiés. Un danger discret, mais bien réel. En effet, le phénomène, propulsé par l’essor fulgurant des transactions sur internet, connaît une expansion inquiétante à l’échelle mondiale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte : ces produits, dont l’identité, la composition ou la provenance sont volontairement trompeuses, représentent une menace directe pour la santé publique et un enjeu économique colossal.



Si certains pays africains font face à une véritable explosion de ce fléau, le Maroc demeure, pour l’instant, relativement préservé. «Comme pour tout ce qui n’est pas formel, il est difficile d’obtenir des données fiables», souligne Abderrahim Derraji, docteur en pharmacie et fondateur du site Pharmacie.ma. «Au Maroc, ce phénomène reste exceptionnel par rapport à d’autres pays africains, même si certains médicaments franchissent nos frontières malgré les efforts des autorités. Depuis quelques années, on observe néanmoins l’apparition de médicaments vendus via les réseaux sociaux et certaines plateformes d’e-commerce. Tout produit qui ne transite pas par le circuit légal et dont la traçabilité n’est pas connue doit être considéré comme contrefait et présenter un risque pour les patients.»

Un suivi renforcé, mais un défi persistant en ligne

Les autorités marocaines, précise-t-il, «ne prennent pas ce problème à la légère» et interviennent pour mettre fin aux commerces illicites repérés sur le web. Mais, comme ailleurs, la surveillance des réseaux sociaux reste un défi de taille : «Elle nécessite une surveillance continue et l’implication de ressources humaines qualifiées.» Dr Derraji rappelle que certaines plateformes internationales, comme YouTube, n’acceptent que les plaintes émanant d’institutions officielles telles que le ministère de la Santé ou les conseils de l’Ordre, ce qui peut compliquer les démarches lorsqu’un particulier ou un professionnel agit seul.

Au Maroc, les saisies concernent surtout «la vente en ligne de médicaments d’origine inconnue». Il cite l’intervention récente de la Direction du médicament et de la pharmacie, déclenchée après un signalement de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM) : «Les responsables de ces trafics avaient en leur possession 20.000 boîtes de vitamine C, 500 boîtes d’un médicament à base de zinc, ainsi que d’autres produits d’origine inconnue.» La CSPM a, également, demandé à la plateforme Jumia de retirer des annonces pour de véritables médicaments tels que Différine, Minoxidil ou Clovate. D’autres produits circulent régulièrement en ligne, comme des traitements contre le dysfonctionnement érectile ou des médicaments utilisés pour provoquer un avortement.

Automédication et facteurs aggravants

Pour Dr Derraji, la culture de l’automédication joue également un rôle : «Au Maroc, tant que le reste à charge restera élevé, les patients continueront à tout faire pour éviter de consulter un médecin et à payer plus de la moitié du prix de la visite. Certaines croyances persistent, à l’image du proverbe : “Demande conseil à un patient plutôt qu’à un médecin”. Tant que les malades s’adressent à des professionnels de santé, la prise en charge se fait dans de bonnes conditions. Mais lorsqu’ils prennent conseil auprès du premier venu, il faut s’attendre au pire !»

Les dangers sont réels : «Ces médicaments peuvent être inefficaces, comme un antipaludéen falsifié qui laisse la maladie évoluer jusqu’à aggraver l’état du patient. Ils peuvent aussi être sur-dosés ou contenir des substances dangereuses.» Même lorsqu’un particulier revend un médicament qu’il avait acheté pour lui-même, les conditions de stockage ne sont pas garanties. «Il peut alors être utilisé pour une mauvaise indication, avec un risque d’intoxication. Il ne faut pas oublier que les médicaments sauvent des vies, mais peuvent également mettre en danger les patients s’ils sont mal pris».

Une coopération active entre acteurs

La lutte implique une coordination entre pharmaciens, ministère de la Santé et Forces de l’ordre. Dr Derraji souligne : «On ne peut pas nier que la nouvelle Agence des médicaments et des produits de santé (AMMPS) prenne ce sujet à bras-le-corps. Le Pr Samir Ahid, son directeur général, vient de publier un communiqué rappelant l’importance du respect du circuit légal et les efforts menés en collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés». Le Maroc est, également, signataire de la Convention Médicrime, un cadre juridique international contre la contrefaçon des produits médicaux.

Pour limiter la circulation de ces produits dangereux, Dr Derraji recommande la création d’un système de notification : «Une sorte de “Webvigilance” permettant aux usagers et aux professionnels de santé de signaler toute vente en ligne illégale, Conseil non professionnel ou publicité interdite.» Il suggère aussi la mise en place, au sein de l’AMMPS, d’un service dédié, doté de ressources qualifiées, capable de détecter rapidement les infractions. Enfin, il insiste sur la nécessité de poursuivre les campagnes de sensibilisation pour rappeler les risques liés aux médicaments d’origine inconnue.
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