La Fédération marocaine des droits du consommateur rassure
Contacté par nos soins, Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), estime que l’ONSSA dispose des outils réglementaires nécessaires pour garantir la sécurité et la qualité des viandes importées. «La Fédération assure le consommateur sur la qualité et la salubrité des viandes rouges importées si l’ONSSA fait correctement son travail. Le Maroc dispose de textes législatifs et réglementaires qui encadrent bien ce genre d’opérations, et les vétérinaires marocains ont acquis une grande expérience dans ce domaine», souligne-t-il.Kherrati va même plus loin en affirmant que, dans certains cas, ces viandes importées pourraient être plus salubres que celles provenant de certaines tueries urbaines et rurales, échappant souvent au contrôle vétérinaire. «Les procédures d’importation doivent être strictement suivies, et le contrôle sanitaire des viandes importées ne doit souffrir d’aucune faille», insiste-t-il.L’importation, une solution temporaire...
Toutefois, la Fédération marocaine des droits du consommateur rappelle que cette solution doit rester temporaire. «Le gouvernement doit d’urgence revoir sa politique en matière d’élevage, car ce secteur permet non seulement la stabilité des agriculteurs dans les zones rurales, mais il assure aussi l’approvisionnement en viande et en produits dérivés comme le lait», avertit le président de la FMDC. Il met en garde contre une dépendance excessive aux importations, qui pourrait fragiliser davantage l’écosystème rural et favoriser l’exode vers les villes.Pour équilibrer cette démarche, il propose une répartition adaptée des viandes importées. «Les viandes congelées devraient être réservées à la restauration collective, tandis que les viandes fraîches devraient être vendues dans les grandes surfaces, pour alléger la pression sur le marché du bétail et espérer une baisse des prix à terme».
En réaction à cette décision d’importer de la viande jugée «judicieuse et sage» par la FMDC, Kherrati a tenu à saluer les mesures du gouvernement, tout en soulignant la nécessité de renforcer la coordination entre l’ONSSA et les autorités pour surmonter efficacement cette crise. «La protection des consommateurs reste une priorité et les normes sanitaires strictes imposées garantissent la salubrité des produits importés. Cependant, il est nécessaire de mettre en place une approche globale pour traiter la crise de la viande, en mettant en avant une meilleure implication des différents acteurs concernés», affirme notre interlocuteur. Il appelle également à une mise en œuvre rapide de la décision d’importation, et suggère même de la lier à l’importation d’animaux vivants destinés à l’abattage, sur une période de trois mois maximum. Kherrati préconise, également, l’exemption des droits de douane ou de la TVA pour éviter une pression supplémentaire sur les consommateurs, tout en réclamant des sanctions sévères pour les contrevenants aux normes imposées.
La sécurité alimentaire, un enjeu crucial au Maroc
Sur le plan médical, Dr Ayman Aït Haj Kaddour, médecin-conférencier, partage avec nous ses préoccupations concernant la sécurité alimentaire au Maroc. «Au Maroc, la question de la sécurité alimentaire est cruciale, surtout avec l’augmentation des importations de produits alimentaires, y compris la viande. Il est normal que les consommateurs se posent des questions, notamment sur la viande importée, compte tenu des récents débats sur les réseaux sociaux».Selon lui, plusieurs facteurs alimentent ces inquiétudes, dont les scandales alimentaires passés, qui ont marqué la conscience collective, ainsi que le manque de transparence dans les procédures de contrôle des viandes importées. «Même si le Maroc dispose de lois strictes en matière de sécurité sanitaire des aliments, les consommateurs ne sont pas toujours informés des processus d’inspection et de contrôle, que ce soit dans les médias ou dans la presse écrite. Des institutions telles que l’ONSSA jouent un rôle clé dans le contrôle de la viande importée, mais le manque de transparence dans certains cas peut provoquer des doutes chez les citoyens», explique-t-il.
La chaîne de froid, un maillon essentiel pour éviter les infections alimentaires
Du point de vue médical, le Dr Aït Haj Kaddour confirme que les préoccupations liées à la viande importée sont légitimes, notamment en ce qui concerne la chaîne du froid. «Des études montrent que la viande peut être un vecteur de zoonoses (maladies transmises des animaux à l’homme), si les normes d’hygiène ne sont pas respectées. La contamination par des pathogènes comme Listeria monocytogenes ou E. coli peut avoir des conséquences graves sur la santé, en particulier pour les personnes immunodéprimées ou atteintes de maladies chroniques».Il précise également que le non-respect de la chaîne du froid lors de l’importation présente des risques significatifs pour la santé des consommateurs, notamment la prolifération bactérienne. «Les bactéries pathogènes, comme Salmonella, Clostridium perfringens et Campylobacter, se multiplient rapidement lorsque la viande est maintenue à des températures inappropriées. Cela peut mener à des infections graves, telles que le syndrome hémolytique et urémique (SHU), une complication potentiellement mortelle causée par certaines souches de E. coli.»
Dr Aït Haj Kaddour insiste aussi sur l’importance d’une surveillance rigoureuse de la chaîne de conservation des viandes importées, surtout dans un pays comme le Maroc, où les températures sont élevées pendant une grande partie de l’année.En somme, si l’importation de viande rouge semble apporter une solution immédiate à la flambée des prix, elle soulève également des questions essentielles sur la sécurité alimentaire, la transparence des contrôles et l’avenir du secteur de l’élevage marocain. Il appartient désormais aux autorités et aux acteurs du secteur de trouver des solutions pérennes à cette crise qui risque de peser durablement sur le panier alimentaire des ménages marocains.
Conseil de Dr Ayman Aït Haj Kaddour, médecin conférencier
Il existe plusieurs moyens pour un consommateur de s’assurer que la viande achetée est sûre et de bonne qualité, surtout dans un contexte où les inquiétudes sont amplifiées par les réseaux sociaux :
•Achetez auprès de sources fiables : je recommande aux consommateurs marocains de privilégier les points de vente formels et réputés, comme les supermarchés certifiés par les autorités sanitaires marocaines. Ces établissements sont généralement soumis à des contrôles rigoureux par l’ONSSA, qui veille au respect des normes de sécurité sanitaire.
• Étiquette et certification : Il est impératif de vérifier les informations sur l’emballage. La viande importée doit porter des étiquettes indiquant son origine, la date d’emballage et la date de péremption. L’ONSSA et d’autres organismes de contrôle marocains vérifient régulièrement que ces informations sont correctes et que la viande respecte les normes marocaines et internationales.
• Inspection sensorielle : Comme mentionné précédemment, les consommateurs peuvent également s’appuyer sur leurs sens pour évaluer la qualité de la viande. Une couleur rouge vif, une odeur neutre, et une texture ferme sont des indicateurs de fraîcheur. Toute déviation, comme une couleur grise ou verte, une odeur désagréable, ou une texture visqueuse, doit alerter le consommateur.
En tant que médecin, je conseille aux consommateurs de prendre des mesures de précaution lorsqu’ils manipulent et cuisent la viande, pour réduire le risque d’intoxication alimentaire.
• Cuisson complète : La cuisson complète est l’un des moyens les plus efficaces pour éliminer les bactéries pathogènes. La viande rouge doit être cuite à une température interne d’au moins 70 °C, mesurée à l’aide d’un thermomètre alimentaire. Cela est particulièrement important dans un pays comme le Maroc, où des méthodes de cuisson traditionnelles, comme les grillades, peuvent parfois ne pas atteindre des températures suffisantes pour tuer les bactéries.
• Conservation à domicile : Une fois la viande achetée, elle doit être conservée au réfrigérateur (à moins de 4 °C) ou congelée immédiatement si elle n’est pas utilisée dans les 48 heures. Il est également crucial d’éviter la décongélation à température ambiante, car cela favorise la prolifération des bactéries. La viande doit être décongelée au réfrigérateur ou utilisée directement après décongélation au micro-ondes.
• Séparation des aliments : La contamination croisée est un danger souvent négligé. Il est essentiel de séparer la viande crue des autres aliments, en utilisant des planches à découper, des ustensiles et des récipients différents pour éviter la propagation des bactéries vers d’autres aliments, notamment les légumes crus.
• Sensibilisation et éducation : Il est aussi important de sensibiliser les consommateurs marocains sur l’importance de suivre de bonnes pratiques alimentaires et de rester informés des actualités concernant les produits importés. Une vigilance accrue des autorités sanitaires marocaines et une communication plus transparente pourraient contribuer à apaiser les inquiétudes.