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«Le ministère doit réguler le secteur»

Jacques Knafo, Président délégué de la Conférence des grandes écoles au Maroc

«Le ministère doit réguler le secteur»
Alors que l'accord signé en 2007 entre l'Etat et les professionnels est resté toujours lettre morte, le secteur de l'enseignement supérieur privé bouillonne. Après la sortie d'un des décrets d'application de la loi régissant le secteur, le cahier des charges est en cours de finalisation, au moment où une grande polémique éclate au grand jour. Il s'agit de l'utilisation jugée illégale de la dénomination «université privée» par certains professionnels, notamment les nouveaux arrivants. Interview avec Jacques Knafo, président délégué de la Conférence des grandes écoles au Maroc.

LE MATIN : Le décret d'application fixant les modalités d'autorisation d'ouverture, d'extension et de modification des établissements d'enseignement supérieur privé et qui a fait l'objet de plusieurs remarques des professionnels a été adopté. Quelle est votre réaction à ce sujet ?

Jacques Knafo :
Ce décret est maintenant une réalité. Par contre, le cahier des charges (CC) qui en définit les détails est en cours de finalisation. A ce sujet, nous avons eu une réunion le 26 mai dernier avec le secrétaire général du ministère de tutelle, au cours de laquelle nous avons passé en revue ce cahier des charges. Ce document est pratiquement finalisé, il ne reste que quelques détails avec le service juridique. Et dès qu'il sera finalisé, le ministre publiera une note pour le promulguer. A ce moment, on pourra dire qu'on rentre dans la phase d'homologation des diplômes. Les écoles devront se conformer, non seulement au texte d'application de la loi sur la reconnaissance des diplômes, mais également à ce cahier des charges qui en précise les détails. Sur ce point, nous sommes d'accord avec le ministère et nous travaillons ensemble.

Une fois ce cahier des charges finalisé, les écoles pourront déposer leurs demandes. Toute école qui remplira les conditions de ce CC deviendra éligible, mais pour une filière et pas pour toutes les filières, car on raisonne en termes de filière de formation. Une fois que toutes les filières de l'école sont homologuées, celle-ci décroche la reconnaissance.

Récemment, la profession a été secouée par une polémique liée à la légalité de l'utilisation de la dénomination «université privée». C'est quoi le fond du problème ?

L'article 41 de la loi spécifie que pour pouvoir prendre l'appellation de l'université privée, il faut d'abord que le décret d'application de cette loi sorte, en plus du cahier des charges, comme pour les diplômes. Tant que ce décret d'application n'est pas sorti avec le CC, on n'a aucun droit d'utiliser la dénomination d'université privée. Nous sommes justement en train de préparer un autre communiqué que nous adresserons au ministre, car on n'est pas d'accord avec sa réaction par rapport à cette question. On ne peut même pas étudier un dossier tant que le décret n'est pas sorti. Comment on veut autoriser un établissement qui vient de débarquer et qui n'a jamais exercé au Maroc. Même s'il a des gros investisseurs avec lui, ce n'est pas une raison. Ce n'est pas une question d'argent, mais de règlement. Je peux vous affirmer que les écoles qui opèrent déjà dans le domaine de l'enseignement privé depuis longtemps ont réalisé d'importants investissements et pourtant, ils n'ont pas outrepassé ce décret, mais ils l'attendent pour déposer leurs dossiers afin d'avoir droit à l'utilisation de l'appellation université privée. Ils ont le personnel, les écoles, et tout est autorisé, y compris les filières. Nous avons investi, construit, mais nous n'avons pas la dénomination université privée, alors que ces nouveaux arrivants n'ont même pas encore construit, n'ont pas de corps professoral, ni d'autorisation d'exercer et ils ont déjà cette appellation et commencent même les inscriptions. On est dans un Etat de droit. Nous ne comprenons pas l'attitude du ministère à ce sujet. Pourquoi faire deux poids, deux mesures ?

Et comment le ministère justifie cette situation ?

Le ministère dit qu'il est en train d'étudier ce dossier, mais on ne peut rien étudier tant qu'on n'a pas encore un cadre réglementaire. De même, le ministre nous a dit : si vous n'êtes pas d'accord, vous avez des recours, y compris la justice. Mais ce n'est pas notre rôle ; nous sommes des élus. C'est au ministère de réguler et appliquer la loi, pas nous. Cela fait 25 ans que nous exerçons et chaque fois que quelqu'un n'a pas respecté la loi, il est sanctionné. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas signé une convention avec l'Etat qu'on peut avoir le droit d'être hors la loi. Une convention est assortie d'un cahier des charges, avec des facilités, mais également des obligations.

Plus de trois ans se sont écoulés après la signature entre l'Etat et les professionnels pour promouvoir l'enseignement privé d'un accord-cadre qui prévoit que plus de 20% des enfants du pays s'inscriront dans des écoles privées d'ici 2015. Quel bilan en faites-vous ?

Voila un accord-cadre qui n'a jamais été appliqué. Le gouvernement n'a pas tenu ses engagements. Cet accord devait régulariser une situation qui dure depuis plus d'un demi-siècle. Le secteur ne peut pas être régi par des textes qui sont complètement dépassés. Cet accord devait régulariser tout cela. C'était une bonne chose pour tout le monde. On ne comprend pas que cet accord est resté sans application, alors que les autres programmes sectoriels (concernant le tourisme, l'agriculture…) ont été suivis d'action. Et chaque fois que nous nous revendiquons l'application de cet accord-cadre, en ce qui concerne par exemple le volet fiscal, on nous répond qu'il faut une loi pour nous conformer au cahier des charges qui a été fait dans le cadre de la convention-cadre. Oui, mais c'est au gouvernement de faire des lois et non pas à nous, pour appliquer l'accord que ce soit au niveau de la fiscalité, du foncier, de l'investissement, de la réglementation…

Des appréhensions et des revendications

Lors d'une rencontre qu'ils ont organisée il y a quelques semaines, les fondateurs des écoles de l'Enseignement supérieur privé et leurs élus représentants du secteur au niveau des différentes instances légales (COCESP, CNACES, CSE), ont exprimé «une grande crainte sur le devenir du secteur» et ont adopté plusieurs recommandations à ce sujet. Ils ont appelé notamment à la création d'une direction de l'Enseignement supérieur privé (ESP) au sein du ministère et prévoient de proposer des projets de cahiers des charges sectoriels à soumettre au ministère. De même, ils ont appelé le ministère de tutelle à créer des filières de formation de formateurs dédiées au secteur et demandé une phase de transition pour les accréditations. Les opérateurs de l'Enseignement supérieur privé ont également proposé l'organisation d'un colloque sur le secteur et ont souhaité la médiatisation de la problématique de l'accréditation des filières et de l'équivalence des diplômes.
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