Dans une interview à la MAP, à l’occasion des visites officielles qu’effectuera S.M. le Roi Mohammed VI, à partir de ce vendredi, dans trois pays africains, dont le Sénégal, Mme Bassène a indiqué que les échanges commerciaux entre le Maroc et le Sénégal ont connu un accroissement notable et les projets à caractère économique et financier ont également donné des résultats concrets, faisant savoir que la présence de sociétés marocaines au Sénégal, qu’elles officient dans le secteur bancaire, dans l’agroalimentaire, les BTP, la pharmacie, l’énergie, est devenue une réalité tangible.
Aujourd’hui, le partenariat sénégalo-marocain connait un nouvel essor, notamment après la réunion du comité de suivi de la coopération bilatérale qui a passé en revue l’état d’avancement des projets dans plusieurs secteurs, a-t-elle dit, rappelant à cet égard, les relations multiséculaires entre les deux pays, caractérisées par leur intensité tant aux niveaux social et humain que sur les plans économique et politique.
Pour Mme Bassène, l’axe Dakar-Rabat se renforce chaque jour davantage sous l’impulsion d’une volonté politique commune au plus haut niveau et grâce à un engagement sans faille des différents acteurs concernés. Elle a souligné que l’adoption de l’Accord sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements contribue à la consolidation du partenariat économique et commercial entre le Sénégal et le Maroc. «Nous sommes persuadés que la particularité de cette relation peut grandement contribuer au développement économique de nos deux États, à travers le déploiement d’un modèle de collaboration Sud-Sud qui pourrait également inspirer d’autres pays», a-t-elle dit.
Ce modèle, a-t-elle estimé, pourrait s’orienter vers la concentration de la coopération dans des secteurs où chacun des deux pays dispose d’avantages comparatifs, tels que l’énergie, les infrastructures, les mines, l’assainissement, et vers la consolidation des résultats gagnant-gagnant obtenus dans certains domaines, à l’image de l’enseignement supérieur, la jeunesse et la culture. La diplomate sénégalaise a par ailleurs souligné que la situation politique au Maroc est fortement marquée par la volonté de S.M. le Roi Mohammed VI de poursuivre la réforme vers la modernité et la démocratie, et ce, depuis l’accession du Souverain au Trône, rappelant dans ce sens que plusieurs initiatives ont été prises dans différents domaines de la vie politique, économique et sociale du Royaume, conformément aux Hautes Instructions royales. «Avec ces profondes réformes menées dans la stabilité et le consensus, le Maroc s’est érigé en modèle pour les autres pays de la sous-région», tout comme le Sénégal en Afrique de l’Ouest, a affirmé Mme Bassène, ajoutant que «nous ne pouvons donc que nous en féliciter et souhaiter des avancées encore plus bénéfiques à ce pays frère et à son peuple».
«Pour nos deux gouvernements, la coopération bilatérale dans son ensemble constitue une priorité», a indiqué la diplomate sénégalaise, soulignant toutefois que, compte tenu des mutations en cours sur le plan international, une convergence de vues encore plus étroite sur ces questions semble nécessaire, notamment par le dialogue politique, déjà très intense, entre les hautes autorités sénégalaise et marocaine.
Avis du spécialiste : Driss Grini, professeur de relations internationales
Le choix africain du Royaume
Le Maroc a fait le choix de s’ouvrir sur son environnement africain. C’est ainsi que Driss Grini, professeur des relations internationales à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, résume la nature de la relation entre le Royaume et les pays africains. L’analyste estime en fait que ce choix s’est raffermi il y a un peu plus d’une décennie par l’approche de S.M. le Roi Mohammed VI qui a donné un grand élan au dialogue Sud-Sud. Et ce, dans le sens de la consolidation des relations avec les États du continent. Ce qui s’est matérialisé, notamment, par l’effacement des dettes des pays en difficulté. Plus encore, l’approche royale se manifeste également par la multiplicité des voyages officiels du Souverain dans un certain nombre de pays. Quant à l’actuelle tournée, le professeur Grini relève que cela tend à consolider davantage les relations économiques et la promotion des échanges commerciaux entre le Maroc et les trois pays au programme des visites royales. Ce qui permettra à la fois de consolider les acquis et, à coup sûr, d’insuffler une nouvelle dynamique aux relations bilatérales qu’entretient le Maroc avec les trois États.
Le chercheur ne manque pas de rappeler que, depuis l’indépendance, la politique étrangère du Maroc a inscrit son ouverture sur l’Afrique comme l’une de ses priorités. Seulement, et jusqu’aux années 1990, on a eu une forte focalisation sur les aspects politiques de ces relations, au détriment de la dimension économique. En fait, autant cette ouverture traduisait la profondeur des liens historique, culturel et social, autant elle paraissait un peu étroite pour tout ce qui concerne les échanges commerciaux et les relations économiques. Du coup, on était dans une sorte d’«unijambisme», puisqu’entre le Maroc et ses partenaires sur le Continent, les liens d’ordre économique étaient en deçà des convergences politiques.
Ce n’est donc, insiste M. Grini, qu’à partir de la dernière décennie du siècle dernier que cette prise de conscience a émergé. D’où l’extension des représentations diplomatiques du Royaume sur la scène continentale, doublée de l’ambition de hisser le partenariat économique au niveau des relations politiques. La démarche marocaine allait revêtir une dimension stratégique depuis quelques années, allant dans le sens du renforcement du dialogue et du partenariat Sud-Sud sous le règne de S.M. le Roi Mohammed VI. Non seulement le Maroc, sous la conduite du Souverain, a redoublé d’efforts pour le soutien aux pays en difficulté, mais s’est impliqué, de manière conséquente, dans la résolution des tensions qui secouaient le Continent. Et ce, que ce soit par ses propres moyens diplomatiques ou dans le cadre des instances internationales.
L’analyste rappelle, à ce propos, les efforts consentis par le Maroc pour la résolution des conflits que connaissent certains points chauds du Continent. Et d’en conclure que ce sont là les raisons objectives qui poussent les pays africains à appeler au renforcement de leurs relations avec le Royaume. Sachant surtout le positionnement stratégique du Maroc, son rayonnement et les acquis qu’il met à leur disposition. M. Grini, tout en égrenant les forces du Maroc, ne manque pas de signaler qu’il y a encore des efforts à faire pour capitaliser sur les acquis. Et la diplomatie parallèle pourrait prêter main-forte à la diplomatie officielle dans ce sens.
Avis du spécialiste : Yahya Abou El Farah, professeur de relations internationales
Les relations Maroc-Afrique : une dynamique sans précédent
Les relations qu’entretient le Royaume avec les pays africains ont connu, ces dernières années, une dynamique sans précédent. En effet, les différents déplacements de Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans plusieurs capitales du continent en ont été le moteur qui a insufflé ce nouveau dynamisme auxdites relations. C’est dans ces termes que le directeur de l’Institut des études africaines qualifie la qualité des liens entre le Maroc et sa profondeur africaine. Yahya Abou El Farah étaie son propos en rappelant que le Souverain a effectué plus d’une vingtaine de visites à environ 13 pays, en plus de l’actuelle tournée. Un état de fait qui traduit l’importance qu’accorde le Royaume à son ancrage continental. Même si c’est par une évidence, mais qui reste toujours bonne à rappeler, que Yahya Abou El Farah réponde aux questions de nos confrères
d’«Al Maghribia» lorsqu’ils l’interrogent sur la nature des relations qu’entretient le Maroc avec les pays africains, il n’en demeure pas moins qu’il jette un regard lucide sur ces relations. En effet, le directeur de l’Institut des études africaines rappelle la profondeur de ces liens et leur ancrage historique.
Pour le chercheur le Royaume et les pays du continent sont liés historiquement, culturellement et humainement depuis des siècles. En effet, malgré les aléas de la géographie, le grand Sahara n’a jamais constitué un obstacle au maintien et au développement de leur relation. Bien au contraire, estime l’interviewé. Pour M. Abou El Farah, ce grand Sahara a même été «une sorte de lien entre le Maroc et sa profondeur africaine. Naturellement, culturellement, socialement, voire politiquement.»
Le chercheur note, par ailleurs que, nonobstant l’ouverture du Royaume sur l’Occident, cela ne l’a jamais empêché de demeurer très proche du continent africain avec, en arrière-plan, des relations privilégiées qui n’ont de cesse de se développer. Il cite, pour argument, le choix du Maroc de développer une stratégie claire Sud-Sud. Une stratégie qu’il qualifie de «choix stratégique» dans sa politique étrangère. Une option due, notamment, au fait que l’Afrique constitue pour le Royaume un espace vital pour le présent et pour le futur. Aussi, l’approche adoptée, en vue du renforcement de ces liens, découle de la mise en œuvre même de la nouvelle loi fondamentale du pays qui insiste sur la dimension africaine du Royaume, puisqu’elle figure parmi les confluents de l’identité marocaine.
L’interlocuteur d’«Al Maghribia» rappelle, par la même occasion, que les pays africains, notamment le Sénégal et le Mali, comptent une diaspora marocaine établie depuis le 19e siècle. Mais aussi en Côte d’Ivoire depuis les années 1960 du siècle dernier. Maintenant, le fait que le Maroc ne fasse pas partie de l’Union africaine, relève-t-il, ne l’empêche pas d’entretenir des liens avec cet espace. C’est Rabat qui a opté pour le renforcement des relations bilatérales et multilatérales, par le truchement des groupements régionaux du continent. De même, note M. Abou El Farah, le Maroc se fait remarquer par sa participation à des opérations de maintien de la paix et de consolidation de la sécurité et de la stabilité dans la région.
C’est donc tout ce capital que le Maroc est en train de bonifier à travers ses relations à la fois politique et économique avec les pays africains, estime M. Abou El Farah. Maintenant, s’il est vrai que le Royaume s’est focalisé sur l’Afrique de l’Ouest et francophone, il n’en demeure pas moins qu’il commence à s’ouvrir de plus en plus sur l’Afrique anglophone et hispanophone, note-t-il. Et ce, à travers l’extension de la couverture diplomatique du continent, ainsi qu’à travers la multiplication d’accords et de conventions avec différents États.
