Durant deux années de suite, en 2009 et 2010, le Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC) a effectué des études pour «le mesurage des indicateurs comportementaux des usagers de la route». Ces mesures ont porté sur les indicateurs tels que la vitesse réelle pratiquée, le port de la ceinture de sécurité et l’usage des casques par les usagers de deux roues à moteur. Il s’agissait également du respect des passages de feux au rouge, la fréquence de passage d’un signal-stop sans marquer l’arrêt et enfin le respect de la priorité. Si le site Internet du CNPAC ne fournit pas encore ces indicateurs, en revanche, Aziz Rabbah alors qu’il occupait le poste de ministre de l’Équipement et du transport est catégorique : «Je ne cesse de le rappeler, 80% des accidents de la route ont pour cause l’erreur humaine», a-t-il dit.
Selon les statistiques du ministère de l’Équipement et du transport, 94% des usagers de la route ne respectent pas le panneau de stop, 28% des conducteurs des véhicules légers en milieu urbain ne mettent pas la ceinture de sécurité, 29% des motocyclistes ne s’arrêtent pas au feu rouge. Le comportement incivique des conducteurs étant connu de tous, se pose alors la question de savoir pourquoi adopter de telles attitudes qui mènent à la mort ? «C’est un comportement qu’il n’y a pas lieu d’étiqueter comme inadapté, car il est parfaitement adapté, mais une adaptation qui laisse beaucoup à désirer et qui doit être reconsidérée dans sa portée normative et contextuelle», souligne Abdelkarim Belhaj, professeur de psychologie sociale à l’Université Mohammed V d’Agdal à Rabat.
Dans sa contribution intitulée «Les usages de la route et l’épineuse question du comportement» qu’on peut lire sur le site «psychologie-sociale.com», le professeur porte un regard des plus sévères sur le comportement des usagers de la route et le lie à un ensemble de phénomènes sociaux : «On parle de respect du Code de la route, mais en fait de quel respect s’agit-il ? et quel est le sens attribué au terme respect ? Le non-respect du Code n’est-il pas synonyme du non-respect de la loi en général, ou de l’ordre, c’est tout simplement le non-respect de l’autre». Il conclut que la manière de conduire n’est pas particulière à la route ou à la conduite, mais est socialement et culturellement caractéristique.
Le nouveau Code de la route a fait reculer, à en croire des statistiques du département de tutelle, le nombre des accidents mortels de 13,33% entre juillet 2013 et juillet 2014 et celui du nombre de morts de 17,24%. De même qu’un sondage réalisé par le cabinet TNS Maroc, du 1er au 30 novembre 2010, à la suite de l’entrée en vigueur du nouveau Code de la route, auprès de 700 conducteurs, dont 502 particuliers et 192 professionnels (petits taxis, grands taxis et camions), montre qu’au total, 78% de l’échantillon se disent favorables au texte, contre seulement 17% de réfractaires. C’est dire l’accueil dont jouit ce document qui «traduit la volonté collective de l’ensemble des acteurs concernés et des composantes de la société civile d’assurer les conditions favorables pour préserver la vie des citoyens lors de l’usage de la voie publique».
Cependant, Abdelkarim Belhaj s’interroge dans la même étude : «Il est clair que le comportement routier est un comportement défectueux et qui présente des anomalies, non pas de l’ordre de la pathologie (…), mais eu égard aux normes. Dès lors, comment veut-on qu’il y ait une régulation de ce comportement, alors que la personne qui en est l’acteur reproduit d’autres de même nature dans des situations relevant de l’espace public ? (…)
Ce sont les mêmes usages qui se retrouvent ailleurs, devant les guichets ou des tâches exigeant l’organisation en file d’attente, partout la tendance est au non-respect des priorités». Enfin, le professeur espère que les mesures prises afin de freiner l’hécatombe sur les routes suivront une démarche scientifique, dans une perspective globale.
