Lundi en soirée, tous les regards étaient braqués sur le Palais des congrès de Marrakech, où s’agglutinaient plusieurs légendes du continent africain, une constellation de stars et les dirigeants de plusieurs instances mondiales, notamment celui de la FIFA, Gianni Infantino. Tout ce beau monde avait rendez-vous avec la cérémonie des CAF Awards, un événement qui se veut une occasion de célébrer le développement du football en Afrique, aussi bien masculin que féminin, à travers une série de distinctions.
Quelques heures avant l’annonce de l’identité du vainqueur du trophée majeur de la soirée, celui du Meilleur joueur de l’année, la nouvelle de la consécration d’Achraf Hakimi s’est répandue comme une traînée de poudre à Marrakech. Le public présent au Palais des congrès était donc bouillonnant et très enthousiaste à l’idée de voir un Marocain soulever le trophée, après 26 ans d’attente (Mustapha Hadji est le dernier Lion de l’Atlas primé, en 1998). Ces attentes étaient nourries et légitimées par les performances exceptionnelles du défenseur marocain, considéré par plusieurs experts mondiaux comme le meilleur arrière latéral droit au monde, surtout après la baisse de régime des autres tauliers sur ce poste (Trent Alexander-Arnold, Kyle Walker, Dani Carvajal...).
En ce début de saison, Hakimi a été célébré par la presse hexagonale comme nouveau leader du vestiaire du Paris Saint-Germain, quelques mois après avoir éclaboussé la capitale française de son talent à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024. Tout cela, combiné à sa justesse défensive et à son explosivité sur le plan offensif, en faisait un candidat très sérieux au titre de meilleur joueur africain de l’année, mais la CAF en a encore décidé autrement ! Après Victor Osimhen, qui a été préféré au Lion de l’Atlas l’année dernière, un autre attaquant nigérian a été primé cette année : Ademola Lookman. Le fer de lance de l’Atalanta Bergame a signé une saison monstrueuse en club, conclue par une masterclass en finale de l’Europa League face au Bayer Leverkusen (hat-trick). On ne peut pas dire que Hakimi ait été «volé» lundi, car le mérite de Lookman est indiscutable, mais les autres résultats dévoilés lors de cette soirée ont ajouté de l’huile sur le feu des critiques, des résultats qui ont parfois frôlé l’irrationalité.
La raison a encore laissé place à l’irrationalité
La CAF a choisi le portier du Mamelodi Sundowns et de l’Afrique du Sud, Ronwen Williams, comme meilleur gardien de but africain puis meilleur joueur africain interclubs. Ces deux distinctions très significative n’ont cependant pas suffit au portier pour figurer dans le Onze type de l’année 2024, où il a été remplacé par André Onana. Pire encore, l'attaquant international guinéen du Borussia Dortmund, Serhou Guirassy, n’a pas non plus été retenu dans le Onze type de l’année, malgré sa saison phénoménale avec le BVB (12 buts en 17 matchs). Comment est-ce qu’un joueur nommé parmi les cinq meilleurs du continent peut-il être absent de l’équipe type, sachant que la CAF a préféré insérer Victor Osimhen dans son Onze ?
Les polémiques se sont ensuite poursuivies lors de l’annonce du meilleur but de l’année, un titre octroyé à l’Angolais Mabululu alors que les buts de Yassine Benzia, d’Ibrahim Adel, ou encore d’Aboubakary Koita étaient nettement plus spectaculaires. Le Prix du meilleur jeune joueur africain a également fait jaser, avec les supporters ivoiriens qui criaient au scandale en voyant leur joueur Karim Konaté (RB Salzbourg) écarté au profit du Sénégalais Lamine Camara. Les résultats de cette catégorie étaient particulièrement surprenants, à commencer par l’annonce de la short-list où le Marocain Eliesse Ben Seghir a été snobé. Coéquipier de Lamine Camara à l’AS Monaco, le Marocain a disputé davantage de minutes, marqué plus de buts, délivré plus de passes décisives, raflé plus de distinctions individuelles (joueur du mois, MVP...) que le Sénégalais, sans parler de ses apparitions en qualifications de la CAN 2025 et lors des JO de Paris 2024. Tout cela n’était apparemment pas du goût des décideurs à la CAF.
L’insatisfaction et l’angoisse engendrées par les choix de la CAF sont en partie dues à l’incompréhension du mode de désignation des vainqueurs et au manque de transparence post-décision. Officiellement, les lauréats de chaque catégorie sont désignés par les votes du comité technique de la CAF, des professionnels des médias, des entraîneurs principaux et capitaines des associations membres, ainsi que des clubs participant aux phases de groupes des compétitions interclubs. Toutefois, la CAF n’a pas pris la peine de dévoiler l’identité des experts composant ce collège, ni les détails des votes opérés, comme c’est le cas pour le Ballon d’or par exemple. Certes, Achraf Hakimi n’est pas reparti avec les honneurs de la distinction lundi, mais le redoutable latéral pourrait soulever le trophée sans la moindre concurrence l’année prochaine s’il parvient à contribuer à la consécration du Maroc lors de la CAN 2025. Néanmoins, la CAF devrait sérieusement songer à faire montre de plus de transparence et de rationalité lors des prochaines éditions, pour éviter de continuer à déclencher l’avalanche de critiques qui s’abat après chaque cérémonie des CAF Awards.