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Karim Mosta : Je voulais aller sur les traces d’Ibn Battouta, qui était parti de Tanger jusqu’à Pékin

Sportif de l'extrême et féru d'aventure, du haut de ses 70 ans, Karim Mosta a relevé avec succès le pari de relier Casablanca à Pékin à vélo, sur une distance globale de 15.000 km. Au lendemain de son arrivée au Maroc, l'inusable aventurier s'est confié au «Matin», dévoilant les difficultés rencontrées en Asie ou encore les rencontres exceptionnelles en Chine. Mosta a également adressé un message aux jeunes Marocains, pour lesquels il espère constituer une source d'inspiration.

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Le Matin : Vous avez décidé de mener une aventure qui nécessite beaucoup de planification et d’efforts, mais comment est-ce que l’idée a-t-elle germé dans votre esprit déjà ?

Karim Mosta :
C’était dans la continuité des choses. J’avais déjà fait le parcours Casablanca-La Mecque, puis Amsterdam-Dakar. Après, j’avais un faible pour le vélo et les aventures dans de grands espaces, partir vers l’inconnu, très loin. Après avoir bien réfléchi, j’ai décidé de mettre le cap sur Pékin. Plusieurs aventuriers avaient effectué le trajet entre Paris et Pékin, j’ai donc essayé de faire mieux avec Casablanca-Pékin. Je voulais aussi aller sur les traces d’Ibn Battouta, qui était parti de Tanger jusqu’à Pékin.

Ce n’était donc pas votre première prouesse du genre, vous qui êtes un sportif de longue date. Comment avez-vous préparé ce périple, que ce soit sur le plan mental ou physique ?

J’avais commencé il y a très longtemps avec la natation, la boxe et la course à pied. Pour l’aventure vers Pékin, j’avais varié un peu les entraînements, à commencer par le vélo qui est devenu ma passion. Une fois que j’ai défini les axes de mon parcours, il fallait préparer le matériel : le vélo, l’itinéraire, les visas... J’ai essayé de prendre contact avec les différentes ambassades sur mon parcours, j’ai aussi pris contact avec l’ambassade de Chine, grâce à mes contacts dans l’Association d’amitié Maroc-Chine. Les responsables chinois, qui ne donnent d’habitude qu’un mois de visa, m’ont accordé une durée de huit mois, pour que je puisse aller au bout de mes plans... L’Azerbaïdjan, aussi, qui est un pays fermé. Je suis allé à leur rencontre à Rabat et ils m’ont aussi accordé le visa. J’ai expliqué mon idée et les gens ont finalement adhéré. Il fallait aussi trouver les partenaires qui allaient m’accompagner et me soutenir dans cette aventure. Tout cela, j’ai du le gérer tout seul. Ensuite, je me suis concentré sur l’aspect physique. Je faisais le trajet Casablanca-El Jadida à vélo, deux à trois fois par mois. J’ai fait aussi Marrakech, et j’ai essayé de changer de rythme à plusieurs reprises. Il fallait aussi faire des entraînements croisés. Je dois aussi préciser que je suis un grand habitué du vélo, je ne prend jamais la voiture à Casablanca, tout au long de l’année. Je me suis donc habitué au trafic, aux camions sur la route... car je devais traverser plusieurs capitales européennes et cela engendrait un stress additionnel. Il faut se préparer mentalement aussi, c’est capital.




Vous avez démarré l’aventure au Maroc, en Afrique, puis vous avez parcouru l’Europe et un bon bout du continent asiatique. Quels ont été les points culminants de cette aventure, les passages qui vous ont marqué le plus ?

Je suis parti le 7 février dernier et il y avait les inondations à l’époque, beaucoup de pluie... Ce n’était pas très dur quand même, car il y avait le soutien des gens, je connais bien le pays aussi. En quatre jours, j’ai réussi à atteindre l’Espagne. Dès le passage en Europe, les choses sont devenues plus compliquées avec plus d’altitude et de montagnes à traverser, en plus du brouillard et de la barrière de la langue. J’étais tout seul, la véritable aventure avait commencé et je ne pouvais plus faire demi-tour, je ne pouvais donc qu’avancer. Après c’était la France, la Côte d’Azur, que je connais assez bien. Là, le problème était le vent qui venait de face, à contre-sens. Il fallait faire plus d’effort pour contrer cet effet, c’est comme si je parcourais le double de la distance. Je suis ensuite arrivé en Slovénie et là il y avait vraiment beaucoup de difficultés. En plus de la montagne, il faisait -5 degrés. Je n’aime pas trop le froid et je commençais à me demander où est-ce que je m’étais laissé embarquer... Au Kirghizistan, aussi, c’était très dur : je suis monté jusqu’à 3.700 m et il n’y avait que de la montagne. Quand je suis arrivé près de la frontière chinoise, le climat m’a joué des tours. Il faisait beau au début, mais à un moment tout a basculé. Il y avait des grêlons et de fortes précipitations, des tornades, le froid avec 0 degrés et beaucoup de vent. J’ai eu la chance de trouver une plaque sur laquelle j’avais fixé le vélo, puis je me suis agrippé de toutes mes forces. Si je n’avais pas fait cela, le vent m’aurait emporté... c’était de la chance et je crois que ce genre d’aventures nécessite de la chance.

Le facteur mental était donc crucial sur ces sept mois... Comment avez-vous tenu le coup, qu’est-ce qui vous donnait la force de poursuivre l’aventure ?

Durant toute ma vie, j’ai essayé de tenir parole et d’honorer mes engagements, de faire tout ce que je promettais de faire ! Il ne faut jamais habituer notre cerveau à renoncer aux engagements. C’était ma motivation principale. Je voulais aussi rendre hommage à Ibn Battouta et cela m’a poussé à redoubler d’efforts. Il y a eu aussi des gens qui m’ont aidé et surtout les partenaires et les sponsors, qui ont cru en moi et qui m’ont toujours rappelé que je pouvais le faire.


Sur le plan humain aussi, vous avez fait de belles rencontres...

Tout à fait ! À titre d’exemple, dans le désert chinois, j’avais parcouru une très longue distance sans rencontrer personne. Ensuite, j’ai aperçu des vendeurs ambulants, qui vendaient des pastèques aux camions qui traversaient la route de la soie. J’avais besoin de nourriture et d’hébergement. Ils m’ont donné à manger et m’ont même cédé leur lit pour que je puisse me reposer, contre une modeste somme.

Un mot pour les gens qui vous ont suivi et pour les jeunes Marocains, pour lesquels vous pouvez être une source d’inspiration...

Je dédie ce voyage d’abord à Sa Majesté le Roi Mohammed VI et puis à toute la jeunesse marocaine. Je leur dit : allez toujours au bout de vos projets et rêves, faites toujours les choses à fond. Si vous ne savez pas des choses, cherchez ! Soyez modestes, apprenez et allez jusqu’au bout. Vous verrez qu’il y a toujours de la satisfaction au bout.
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