Le Matin : Vous avez occupé pendant de longues années le poste de directeur technique de l’Académie Mohammed VI, aujourd’hui vous êtes le DTN de la Fédération saoudienne de football. À quel point étiez-vous fier lors de la Coupe du monde, en voyant plusieurs joueurs de l’Académie participer à l’épopée des Lions de l’Atlas en Coupe du monde 2022 ?
Nasser Larguet : C’est vrai que c’était un bonheur de voir notre équipe nationale arriver à ce niveau-là. C’est vrai qu’on a démarré l’Académie grâce à S.M. le Roi Mohammed VI qui a été visionnaire pour tracer la feuille de route du football national, qui était un peu en difficulté malgré un passé de grande qualité. Voir cette Coupe du monde faire découvrir au monde entier que le football existe au Maroc avec beaucoup de qualité, ça nous fait rembobiner un peu l’histoire pour nous dire que cette Académie a pu participer à cet élan national avec quatre joueurs après seulement quelques années d’existence, dont trois titulaires et un joueur par ligne, et cela les gens ne le relèvent pas. Il y a Youssef En-Nesyri en tant qu’attaquant, Azzedine Ounahi, milieu de terrain, Nayef Aguerd, défenseur, et Mohamed Réda Tagnaouti, gardien de but. Des garçons qu’on a accompagnés dès l’âge de 12 ans, ce qui veut dire qu’au Maroc il y a du potentiel, des possibilités pour développer encore plus de joueurs. C’est vrai que ça été une bouffée d’oxygène et un énorme bonheur, d’abord parce que mon pays est arrivé à ce niveau-là.
Parlez-nous de l’histoire de Nayef Aguerd, lauréat de l’Académie Mohammed VI et l’un des cadres actuels des Lions de l’Atlas ?
L’histoire de Nayef Aguerd est une belle histoire et une histoire structurante. C’est un garçon que j’avais vu sur un tournoi à Témara, un numéro 10. Un garçon très frêle, longiligne comme il l’est toujours. Il avait une qualité technique qui m’a frappé dès le départ. Ce n’était pas un garçon qui allait vite, ce n’était pas un joueur marocain typique. C’est un garçon qui était capable de jouer à 50-60 mètres avec une superbe précision et un pied gauche en plus, ce qui est très élégant. Je me suis dit ce garçon a une bonne technique et il est capable de jouer long, parce que lorsque vous jouez long, vous devez savoir où vous allez déposer le ballon. Je l’ai recruté pour ça. Il avait à peine 12 ans. Sa maman était adorable parce qu’elle nous l’a confié. Elle nous a confié son bébé qui était de Kénitra pour vivre une aventure. Tous les garçons qui avaient 12-13 ans, c’est moi qui étais leur coach en tant que directeur de l’Académie pour leur donner les premières bases, avant qu’ils ne passent chez les autres entraîneurs. Souvent, je menaçais de ne pas le garder, quand il tombait dans la facilité et dans l’élégance, mais il avait une intelligence exceptionnelle qui lui permettait de lire le jeu à une vitesse incroyable. Je crois aujourd’hui que le football ne se joue pas seulement avec les pieds, mais aussi avec la tête et lui avait la tête, en plus d’un bon pied gauche. Il était capable d’anticiper les actions. C’est lui qui s’est inventé comme défenseur parce que le l’ai recruté comme numéro 10. Et pourquoi, il s’est mis comme défenseur ? Parce qu’il a eu l’intelligence de dire : «mais moi, je ne peux pas jouer attaquant». En milieu de terrain, il y a une concurrence féroce, parce que tous les Marocains aiment jouer milieu de terrain, car c’est là qu’on touche le plus de ballon. Il s’est alors positionné défenseur...
Contrairement à Aguerd, Azzedine Ounahi a été recruté par l’antenne annexe de Casablanca de l’Académie Mohammed VI.
Que pouvez-vous nous dire sur ce joueur qui a ébloui le Mondial de son talent ?
Il jouait à Miro Foot sur la région de Casablanca. J’avais des recruteurs qui étaient aussi des forces de proposition et d’idées. C’est eux qui m’avaient donné l’idée d’avoir des petites structures annexes au Maroc. On en avait une à Casablanca, à Marrakech, à Fès et à Tanger. Cela nous a permis d’y mettre des enfants novices entre 10-12 ans. Ounahi, on l’a recruté à 10 ans dans l’annexe de l’Académie à Casablanca. Il était atypique effectivement. C’était un joueur d’instinct, d’inspiration. Il avait une technique de forte qualité. Il aimait le ballon. Il aimait dribler et il aimait jouer. On l’a pris pour cette fraîcheur. Lorsqu’il est entré à l’Académie, je quittais cette dernière pour aller à la Direction technique nationale. Il a poursuivi son cursus. Aujourd’hui, il est arrivé à Marseille. Il a montré de grosses qualités, même si parfois il est en difficulté. Je crois beaucoup en lui, parce qu’il a beaucoup de talent. Il l’a montré en Coupe du monde. Quand l’entraîneur disait, mais c’est quoi ce joueur-là ? C’est en soi un gage de la qualité de joueur.
On constate que les joueurs formés à l’Académie qui ont vraiment percé sont ceux qui rejoignent directement les clubs européens, exception faite d’Aguerd. Est-ce que les clubs marocains ne jouent pas le jeu ?
Je vais être honnête avec vous. L’idée qu’on avait eue au départ était de former les joueurs pour les équipes nationales et pour nos clubs avant de partir à l’étranger. Pour moi, partir à 18-19 ans, c’est trop tôt. Je suis agréablement surpris de voir que sur les 57 joueurs que j’ai pu accompagner sur les cinq années que j’ai passées à l’Académie, 47 joueurs jouent au football professionnel au Maroc, comme le petit Haimoud et Abou Soufiane. Je vais être très direct avec vous, certains éducateurs dans des clubs, pas tous évidemment, au début, ne souhaitaient pas prendre des joueurs de l’Académie pour ne pas montrer le fruit de son travail. C’était un petit peu un blocage.
Dans un récent entretien que vous avez accordé à un confrère en France, vous tirez la sonnette d’alarme contre des familles qui tuent leurs enfants pour le football. Est-ce le cas au Maroc ?
Je pense que c’est quelque chose d’assez répandu au niveau international. Ce n’est pas spécifique à la France ou au Maroc. Je pense que partout, il y a une envie de voir son fils être celui qu’on n’a pas été. Et parfois, on les pousse à l’extrême. Et le danger qu’il y a, c’est d’en faire un tiroir-caisse, c’est-à-dire quelqu’un qui va nourrir la famille. On a envie de dire que c’est naturel. Quand on est en difficulté socialement, on se dit que son fils, grâce au football, peut jouer les sauveurs grâce aux sommes faramineuses qui existent dans le football. Mais attention, les enfants évoluent par palier. Il y a des enfants qui réussissent à 18 ans et d’autres à 20 ans et d’autres encore à 25 ans... laissez les enfants s’épanouir. Il ne faut surtout pas mettre vos enfants entre les mains de charlatans du football. Les agents veulent parfois aller vite. Ils se disent : «il vaut mieux que j’en profite maintenant, parce que demain, je ne sais pas ce qui va arriver». Je dis aux parents, choisissez l’agent, éventuellement, mais pas à 15 ou 18 ans. Vous pouvez confier la vie de votre enfant à un agent quand il commencera à intégrer le monde professionnel. L’agent ne doit vous parler que du sportif et pas d’argent. Je pense que la réussite ou l’échec d’un joueur est lié à l’environnement qui l’entoure, mais pas à l’entraîneur ou au club. Combien de temps passe un joueur dans le club ? Au grand maximum, il passe 4 heures. Il fait quoi après dans une journée de 24 h. Il va dormir 8 heures. Il reste 12 h et durant ce temps, il est entre les mains de sa famille, de ses copains, de ses agents... et parfois les clubs ne maîtrisent pas cela. Une fois qu’il est en dehors du club, qu’est-ce qu’il devient ? C’est là où il y a l’échec et la réussite. Si on maîtrise cet environnement, c’est top. Pour revenir à votre question, il y a effectivement des familles capables de tuer leur enfant pour le football, parce qu’ils le confient à des gens qui ne sont pas très honnêtes, qui ne donnent pas les bons conseils au bon moment.
Combien coûte la formation d’un joueur depuis son entrée et jusqu’à sa sortie de l’Académie ?
On a fait le calcul avec Mohamed Zghari, qui avait cette compétence au niveau juridique et financier. Un enfant nous coûtait environ 240.000 DH par an. Globalement, il coûtait 1,8 million de DH en six années de formation. Ce montant est dérisoire, à l’échelle du football international. À titre d’exemple, le montant minimum d’indemnité par année de formation est de 90.000 euros par an. Entre 240.000 DH et 90.000 euros, le club fait déjà une grande plus-value. Et en plus, si vous avez le joueur sous contrat, vous aurez les indemnités du transfert. Aujourd’hui, la clause libératoire de Youssef En-Nesyri, s’il veut partir du FC Séville, est de 20 millions d’euros. Cela veut dire que quand vous faites de la bonne formation et quand vous prenez votre temps, vous êtes capable de générer l’économie du football.
Un retour au Maroc ne vous tente pas ?
Je suis un homme de challenge et de défi. Si demain mon pays, le Maroc, a de nouveaux défis et qu’il a besoin de mes compétences et s’il estime que j’ai des compétences, c’est mon pays. En toute honnêteté, ce que j’ai vécu au Maroc en tant que DTN de 2014 à 2019 -c’était ma première expérience en tant que DTN-, j’ai pris beaucoup de plaisir avec une seule personne, Fouzi Lekjaâ, pendant les quatre premières années. La cinquième était un peu difficile. Mais pendant quatre années, on a mis les bases, on a travaillé avec les Ligues, avec les clubs... C’est mon pays, demain si on fait appel à moi pour quelque chose de bien précis et quelque chose de constructif, bien sûr je serai là. Aujourd’hui, j’ai un super challenge XXL avec l’Arabie saoudite. Je me plais beaucoup. Et j’ai envie de terminer l’aventure avec eux.
Revenons aux Lions de l’Atlas, demi-finalistes de la dernière Coupe du monde. Est-ce que vous pensez qu’ils peuvent aller jusqu’au bout lors de la prochaine CAN ?
Pendant la Coupe du monde, souvent les gens se posaient la question : si le Maroc pouvait faire un bon parcours, est-ce qu’il allait s’arrêter encore une fois au premier tour ?... À l’époque, je le disais aux spécialistes du foot qui étaient autour de moi : si je mettais dans la balance, au niveau du groupe du Maroc au Mondial, les clubs dans lesquels évoluaient les joueurs marocains et ceux de la Croatie, de la Belgique ou du Canada, il n’y aurait pas de différence. On commençait à jouer dans des pays majeurs... Quand vous prenez par exemple Youssef En-Nesyri qui joue à Séville et qui joue la Coupe d’Europe, Achraf Hakimi qui joue au Paris Saint-Germain et qui a gagné des championnats... Quand vous mettez ç dans la balance, il n’y a pas de différence. Après, ce qui fait vraiment la différence, c’est toujours l’entraîneur. Quand on était avec Hervé Renard, il nous avait qualifiés alors qu’on n’avait pas disputé la Coupe du monde depuis 20 ans, avec des joueurs qui existaient avant. Donc l’entraîneur a fait quelque chose, son rôle était palpable. Walid Regragui aujourd’hui a construit quelque chose d’exceptionnel, il a décomplexé les joueurs, en tenant compte du fait qu’il y avait quand même des joueurs expérimentés, avec trois ou quatre Coupes d’Afrique et une Coupe du monde déjà !
Donc pour vous, gagner le titre de la Coupe d’Afrique est faisable ?
Franchement j’y crois, à la condition que tous les éléments soient imbriqués. Que les joueurs rentrent toujours avec cette faim, de dire qu’on est capable de démontrer qu’on n’a pas été en demi-finale par hasard. On est arrivé par notre expérience, par nos qualités, par notre savoir-faire. Quand je dis décomplexés, c’est parce qu’on a montré que le Maroc avait un savoir-faire, car il y a des joueurs qui ont été formés au pays. On parle des binationaux qui sont très présents, mais il y a quand même une ossature : Bounou a commencé le foot ici au Wydad, vous avez aussi Aguerd devant lui, puis Ounahi... l’épine dorsale, c’est un savoir-faire marocain ! Pour la Coupe d’Afrique, si on ne prend pas la grosse tête, on a les capacités pour le faire. On a deux joueurs par poste qui jouent dans des championnats majeurs, qui gagnent des titres. Pour moi, c’est tout à fait faisable !
Nasser Larguet : C’est vrai que c’était un bonheur de voir notre équipe nationale arriver à ce niveau-là. C’est vrai qu’on a démarré l’Académie grâce à S.M. le Roi Mohammed VI qui a été visionnaire pour tracer la feuille de route du football national, qui était un peu en difficulté malgré un passé de grande qualité. Voir cette Coupe du monde faire découvrir au monde entier que le football existe au Maroc avec beaucoup de qualité, ça nous fait rembobiner un peu l’histoire pour nous dire que cette Académie a pu participer à cet élan national avec quatre joueurs après seulement quelques années d’existence, dont trois titulaires et un joueur par ligne, et cela les gens ne le relèvent pas. Il y a Youssef En-Nesyri en tant qu’attaquant, Azzedine Ounahi, milieu de terrain, Nayef Aguerd, défenseur, et Mohamed Réda Tagnaouti, gardien de but. Des garçons qu’on a accompagnés dès l’âge de 12 ans, ce qui veut dire qu’au Maroc il y a du potentiel, des possibilités pour développer encore plus de joueurs. C’est vrai que ça été une bouffée d’oxygène et un énorme bonheur, d’abord parce que mon pays est arrivé à ce niveau-là.
Parlez-nous de l’histoire de Nayef Aguerd, lauréat de l’Académie Mohammed VI et l’un des cadres actuels des Lions de l’Atlas ?
L’histoire de Nayef Aguerd est une belle histoire et une histoire structurante. C’est un garçon que j’avais vu sur un tournoi à Témara, un numéro 10. Un garçon très frêle, longiligne comme il l’est toujours. Il avait une qualité technique qui m’a frappé dès le départ. Ce n’était pas un garçon qui allait vite, ce n’était pas un joueur marocain typique. C’est un garçon qui était capable de jouer à 50-60 mètres avec une superbe précision et un pied gauche en plus, ce qui est très élégant. Je me suis dit ce garçon a une bonne technique et il est capable de jouer long, parce que lorsque vous jouez long, vous devez savoir où vous allez déposer le ballon. Je l’ai recruté pour ça. Il avait à peine 12 ans. Sa maman était adorable parce qu’elle nous l’a confié. Elle nous a confié son bébé qui était de Kénitra pour vivre une aventure. Tous les garçons qui avaient 12-13 ans, c’est moi qui étais leur coach en tant que directeur de l’Académie pour leur donner les premières bases, avant qu’ils ne passent chez les autres entraîneurs. Souvent, je menaçais de ne pas le garder, quand il tombait dans la facilité et dans l’élégance, mais il avait une intelligence exceptionnelle qui lui permettait de lire le jeu à une vitesse incroyable. Je crois aujourd’hui que le football ne se joue pas seulement avec les pieds, mais aussi avec la tête et lui avait la tête, en plus d’un bon pied gauche. Il était capable d’anticiper les actions. C’est lui qui s’est inventé comme défenseur parce que le l’ai recruté comme numéro 10. Et pourquoi, il s’est mis comme défenseur ? Parce qu’il a eu l’intelligence de dire : «mais moi, je ne peux pas jouer attaquant». En milieu de terrain, il y a une concurrence féroce, parce que tous les Marocains aiment jouer milieu de terrain, car c’est là qu’on touche le plus de ballon. Il s’est alors positionné défenseur...
Contrairement à Aguerd, Azzedine Ounahi a été recruté par l’antenne annexe de Casablanca de l’Académie Mohammed VI.
Que pouvez-vous nous dire sur ce joueur qui a ébloui le Mondial de son talent ?
Il jouait à Miro Foot sur la région de Casablanca. J’avais des recruteurs qui étaient aussi des forces de proposition et d’idées. C’est eux qui m’avaient donné l’idée d’avoir des petites structures annexes au Maroc. On en avait une à Casablanca, à Marrakech, à Fès et à Tanger. Cela nous a permis d’y mettre des enfants novices entre 10-12 ans. Ounahi, on l’a recruté à 10 ans dans l’annexe de l’Académie à Casablanca. Il était atypique effectivement. C’était un joueur d’instinct, d’inspiration. Il avait une technique de forte qualité. Il aimait le ballon. Il aimait dribler et il aimait jouer. On l’a pris pour cette fraîcheur. Lorsqu’il est entré à l’Académie, je quittais cette dernière pour aller à la Direction technique nationale. Il a poursuivi son cursus. Aujourd’hui, il est arrivé à Marseille. Il a montré de grosses qualités, même si parfois il est en difficulté. Je crois beaucoup en lui, parce qu’il a beaucoup de talent. Il l’a montré en Coupe du monde. Quand l’entraîneur disait, mais c’est quoi ce joueur-là ? C’est en soi un gage de la qualité de joueur.
On constate que les joueurs formés à l’Académie qui ont vraiment percé sont ceux qui rejoignent directement les clubs européens, exception faite d’Aguerd. Est-ce que les clubs marocains ne jouent pas le jeu ?
Je vais être honnête avec vous. L’idée qu’on avait eue au départ était de former les joueurs pour les équipes nationales et pour nos clubs avant de partir à l’étranger. Pour moi, partir à 18-19 ans, c’est trop tôt. Je suis agréablement surpris de voir que sur les 57 joueurs que j’ai pu accompagner sur les cinq années que j’ai passées à l’Académie, 47 joueurs jouent au football professionnel au Maroc, comme le petit Haimoud et Abou Soufiane. Je vais être très direct avec vous, certains éducateurs dans des clubs, pas tous évidemment, au début, ne souhaitaient pas prendre des joueurs de l’Académie pour ne pas montrer le fruit de son travail. C’était un petit peu un blocage.
Dans un récent entretien que vous avez accordé à un confrère en France, vous tirez la sonnette d’alarme contre des familles qui tuent leurs enfants pour le football. Est-ce le cas au Maroc ?
Je pense que c’est quelque chose d’assez répandu au niveau international. Ce n’est pas spécifique à la France ou au Maroc. Je pense que partout, il y a une envie de voir son fils être celui qu’on n’a pas été. Et parfois, on les pousse à l’extrême. Et le danger qu’il y a, c’est d’en faire un tiroir-caisse, c’est-à-dire quelqu’un qui va nourrir la famille. On a envie de dire que c’est naturel. Quand on est en difficulté socialement, on se dit que son fils, grâce au football, peut jouer les sauveurs grâce aux sommes faramineuses qui existent dans le football. Mais attention, les enfants évoluent par palier. Il y a des enfants qui réussissent à 18 ans et d’autres à 20 ans et d’autres encore à 25 ans... laissez les enfants s’épanouir. Il ne faut surtout pas mettre vos enfants entre les mains de charlatans du football. Les agents veulent parfois aller vite. Ils se disent : «il vaut mieux que j’en profite maintenant, parce que demain, je ne sais pas ce qui va arriver». Je dis aux parents, choisissez l’agent, éventuellement, mais pas à 15 ou 18 ans. Vous pouvez confier la vie de votre enfant à un agent quand il commencera à intégrer le monde professionnel. L’agent ne doit vous parler que du sportif et pas d’argent. Je pense que la réussite ou l’échec d’un joueur est lié à l’environnement qui l’entoure, mais pas à l’entraîneur ou au club. Combien de temps passe un joueur dans le club ? Au grand maximum, il passe 4 heures. Il fait quoi après dans une journée de 24 h. Il va dormir 8 heures. Il reste 12 h et durant ce temps, il est entre les mains de sa famille, de ses copains, de ses agents... et parfois les clubs ne maîtrisent pas cela. Une fois qu’il est en dehors du club, qu’est-ce qu’il devient ? C’est là où il y a l’échec et la réussite. Si on maîtrise cet environnement, c’est top. Pour revenir à votre question, il y a effectivement des familles capables de tuer leur enfant pour le football, parce qu’ils le confient à des gens qui ne sont pas très honnêtes, qui ne donnent pas les bons conseils au bon moment.
Combien coûte la formation d’un joueur depuis son entrée et jusqu’à sa sortie de l’Académie ?
On a fait le calcul avec Mohamed Zghari, qui avait cette compétence au niveau juridique et financier. Un enfant nous coûtait environ 240.000 DH par an. Globalement, il coûtait 1,8 million de DH en six années de formation. Ce montant est dérisoire, à l’échelle du football international. À titre d’exemple, le montant minimum d’indemnité par année de formation est de 90.000 euros par an. Entre 240.000 DH et 90.000 euros, le club fait déjà une grande plus-value. Et en plus, si vous avez le joueur sous contrat, vous aurez les indemnités du transfert. Aujourd’hui, la clause libératoire de Youssef En-Nesyri, s’il veut partir du FC Séville, est de 20 millions d’euros. Cela veut dire que quand vous faites de la bonne formation et quand vous prenez votre temps, vous êtes capable de générer l’économie du football.
Un retour au Maroc ne vous tente pas ?
Je suis un homme de challenge et de défi. Si demain mon pays, le Maroc, a de nouveaux défis et qu’il a besoin de mes compétences et s’il estime que j’ai des compétences, c’est mon pays. En toute honnêteté, ce que j’ai vécu au Maroc en tant que DTN de 2014 à 2019 -c’était ma première expérience en tant que DTN-, j’ai pris beaucoup de plaisir avec une seule personne, Fouzi Lekjaâ, pendant les quatre premières années. La cinquième était un peu difficile. Mais pendant quatre années, on a mis les bases, on a travaillé avec les Ligues, avec les clubs... C’est mon pays, demain si on fait appel à moi pour quelque chose de bien précis et quelque chose de constructif, bien sûr je serai là. Aujourd’hui, j’ai un super challenge XXL avec l’Arabie saoudite. Je me plais beaucoup. Et j’ai envie de terminer l’aventure avec eux.
Revenons aux Lions de l’Atlas, demi-finalistes de la dernière Coupe du monde. Est-ce que vous pensez qu’ils peuvent aller jusqu’au bout lors de la prochaine CAN ?
Pendant la Coupe du monde, souvent les gens se posaient la question : si le Maroc pouvait faire un bon parcours, est-ce qu’il allait s’arrêter encore une fois au premier tour ?... À l’époque, je le disais aux spécialistes du foot qui étaient autour de moi : si je mettais dans la balance, au niveau du groupe du Maroc au Mondial, les clubs dans lesquels évoluaient les joueurs marocains et ceux de la Croatie, de la Belgique ou du Canada, il n’y aurait pas de différence. On commençait à jouer dans des pays majeurs... Quand vous prenez par exemple Youssef En-Nesyri qui joue à Séville et qui joue la Coupe d’Europe, Achraf Hakimi qui joue au Paris Saint-Germain et qui a gagné des championnats... Quand vous mettez ç dans la balance, il n’y a pas de différence. Après, ce qui fait vraiment la différence, c’est toujours l’entraîneur. Quand on était avec Hervé Renard, il nous avait qualifiés alors qu’on n’avait pas disputé la Coupe du monde depuis 20 ans, avec des joueurs qui existaient avant. Donc l’entraîneur a fait quelque chose, son rôle était palpable. Walid Regragui aujourd’hui a construit quelque chose d’exceptionnel, il a décomplexé les joueurs, en tenant compte du fait qu’il y avait quand même des joueurs expérimentés, avec trois ou quatre Coupes d’Afrique et une Coupe du monde déjà !
Donc pour vous, gagner le titre de la Coupe d’Afrique est faisable ?
Franchement j’y crois, à la condition que tous les éléments soient imbriqués. Que les joueurs rentrent toujours avec cette faim, de dire qu’on est capable de démontrer qu’on n’a pas été en demi-finale par hasard. On est arrivé par notre expérience, par nos qualités, par notre savoir-faire. Quand je dis décomplexés, c’est parce qu’on a montré que le Maroc avait un savoir-faire, car il y a des joueurs qui ont été formés au pays. On parle des binationaux qui sont très présents, mais il y a quand même une ossature : Bounou a commencé le foot ici au Wydad, vous avez aussi Aguerd devant lui, puis Ounahi... l’épine dorsale, c’est un savoir-faire marocain ! Pour la Coupe d’Afrique, si on ne prend pas la grosse tête, on a les capacités pour le faire. On a deux joueurs par poste qui jouent dans des championnats majeurs, qui gagnent des titres. Pour moi, c’est tout à fait faisable !