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Réforme monétaire

INTERVIEW: Aziz Lahlou, professeur d'analyse économique à l'E.N.A. de Rabat

Réforme monétaire
Du point de vue de la gestion quotidienne, la seule question qui compte est de savoir si le marché peut à lui seul assurer la stabilité : l'allocation optimale des ressources et la distribution équitable des richesses. D'où la question: l'idée de la convertibilité du dirham n'est-elle pas d'ajuster les taux de change aux taux d'inflation ?

La réforme monétaire implique effectivement des rapports d'échanges stables entre le dirham et les devises étrangères. Mais de tels rapports ne pourront exister tant que l'inflation sévira dans les pays industriels. Les variations entre les différents indices d'inflation devront être compensées par des réajustements des taux de change…

Pouvez-vous donner un exemple pratique de cette question ?

L'expérience marocaine en offre un bon exemple. Depuis plusieurs décennies, les Marocains ont eu beaucoup de mal à payer les factures de leurs importations de produits alimentaires et de matières premières et également à payer les intérêts de leur dette. D'autant plus que le coût élevé de nos produits est très défavorable face à la concurrence étrangère, notamment espagnole. Avant que la baisse du dirham des dernières années ait pu porter ses fruits en stimulant les exportations, elle avait fait monter le prix des produits importés et aggravé le coût de la vie. Notre pays contracta de gros emprunts auprès du Fonds monétaire international. Comme vous le savez, pour satisfaire aux conditions du F.M.I., le Maroc dut alors procéder à des réductions sévères dans son programme de dépenses publiques.

Le freinage de la progression des salaires et des prix fut l'amorce du redressement. Les exportations équilibrèrent petit à petit les importations, des portefeuille de devises étrangères s'accumulèrent à Bank Al-Maghrib et il devint possible de rembourser les emprunts.
Vous le savez bien, une chose est sûre, c'est que le F.M.I. n'offre pas de traitement contre l'instabilité du marché des changes. Il faut en chercher le remède dans la maîtrise des principaux partenaires économiques du Maroc.

Le Maroc suit sa propre voie pour sortir de la crise. Mais tant que des disparités subsisteront entre nous et nos partenaires économiques, peut-on d'après votre analyse, espérer une amélioration de la situation ?

Oui et non, car l'instabilité des changes persistera. Le cours de l'euro, c'est-à-dire la monnaie de notre premier partenaire (l'Europe) à faible taux d'inflation continuera à monter. Et le dirham harcelé par l'inflation, ou la mise en œuvre de la politique d'ensemble des revenus et des prix, rencontrera de plus en plus d'obstacles, assistera vis-à-vis de l'euro et du dollar, impuissant, au dérapage de sa valeur.
Oui, sans aucun doute, le Maghreb se porterait beaucoup mieux si notre région forte et véritablement unie était capable de mettre au point et d'appliquer une politique efficace commune en matière de prix et d'emploi. Il est toujours préférable d'avoir le contre-pieds d'un autre pôle d'influence. Nous sommes lucides ici, pour aujourd'hui, c'est l'Europe, qui est notre locomotive.

En attendant, il y a un degré minimal de coopération indispensable.

Malgré les bonnes intentions, le Maghreb est loin d'avoir réalisé son unité. L'unité implique pour moi une politique fiscale monétaire commune, et des mesures de contrôles identiques sur les prix, les salaires et les revenus. C'est seulement une fois que toutes ces conditions seront réunies qu'il sera possible de créer une monnaie maghrébine. Mais nous en sommes encore très loin.

Les prix imposés par l'Europe ne constituent-ils pas une source d'instabilité permanente ?

Oui, mais la prééminence de l'Europe ne doit pas donner au Maghreb un alibi pour baisser les bras. Je m'explique : par exemple, la politique d'un ensemble des revenus et des prix serait plus aisément réalisable si tous les pays du Maghreb comprenaient son enjeu et harmonisaient leurs efforts pour en appliquer les dispositions. Ainsi, chacun de nous pourrait mieux se protéger des effets des mouvements de prix en dehors de ses frontières.

Aurions-nous pu nous prémunir contre cette situation ?

Bien sûr que c'est une situation fâcheuse mais pas désespérée. On parlera d'extension de délai, de report, de refinancement, de moratoire, etc. Et l'esprit d'entreprendre chez nous démontrera de nouveau sa merveilleuse souplesse. C'est une précaution élémentaire si nous voulons sauvegarder notre indépendance économique et être prêts à affronter les défis du troisième millénaire !
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Le dilemme spéculation/stabilité

La spéculation sur les transactions des devises présente un trait caractéristique de la spéculation financière. Celle-ci résulte de la surproductivité de la capacité des acteurs économiques dans les conditions de l'économie du marché capitaliste. Elle est souvent déclencheur des perturbations et des crises sur le marché financier international. Elle apporte des chocs catastrophiques aux pays concernés et menace un développement régulier et normal de l'économie mondiale.

La question du choix du régime de change constitue une préoccupation majeure de la politique économique. Le choix influence le processus de libéralisation à travers le mode et la vitesse des transmissions des prix mondiaux sur les marchés locaux. Il influence également le processus de stabilisation puisque le régime de change contribue à la détermination des équilibres macro-économiques interne et externe.
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