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La saga d'une poupée nommée Aïcha

Vastes ateliers, grosses machines et une cinquantaine d'ouvriers, essentiellement des femmes, debout ou bien assises, les unes à côté des autres, travaillant avec entrain.

La saga d'une poupée nommée Aïcha
Reportage photos ahmed mechouary
Des boîtes métalliques et des pots en verre de différentes formes sortent à grande vitesse de la bouche des machines et poursuivent leur course sous l'œil vigilant des contrôleurs. Un peu plus loin, une quinzaine de femmes s'activent à «traiter» les derniers fruits qu'elles viennent de réceptionner ce matin même, et sur le compte desquelles le directeur de production ne tarit pas d'éloges: «de belles grosses fraises à croquer à pleines dents», ne cesse-t-il de répéter. Aucun fruit pourri ne doit échapper au coup d'œil expérimenté de ces femmes. Une seule chose semble manquer à cette orchestration qui semble sortir tout directement d'un ancien spot publicitaire et qui ne manque pas de rappeler de bons souvenirs à bien de personnes: «la la, la la, la la lla la… Ach dak chi ya Aïcha…mahla lconfiture bttout…», la mélodie presque mythique qui a bercé notre enfance.

Nous sommes dans la zone industrielle de Aïn Sloughi à Meknès. Plus précisément dans le site des Conserves de Meknès (LCM), l'entreprise productrice de la célèbre marque Aïcha.
Etalées sur une superficie globale de 70.000 m2 dont 35.000 m2 couverts, trois grandes composantes se partagent cet immense espace: La conserverie destinée à la fabrication de la confiture et du concentré de tomates; l'huilerie pour les huiles d'olive ainsi que le dernier-né du groupe: la raffinerie.
Réalisant, lors des trois derniers exercices, un chiffre d'affaires global variant entre 400 et 500 millions de DH, selon l'importance de la campagne d'huile d'olive, l'entreprise emploie de 300 à 400 salariés en fonction de l'abondance de la matière première.

Partagé entre le concentré de tomates (30%), les huiles d'olive (30%), la confiture (20%), les huiles de table, l'huile d'argan, les champignons Terfess et autres (20%), la part des exportations dans ce chiffre d'affaires se situe entre 20 et 40%.
Confiture, concentré de tomates ou huile d'olive et, plus récemment, huiles raffinées, les produits portant le label Aïcha se sont, au fil des années, imposés comme des références sur le marché national. En effet, l'entreprise a réussi à se tailler une place de choix sur le marché local tout en ayant également réussi à se forger une notoriété à l'étranger.
Raisons du succès ? «La famille Devico», reconnaît plus d'un.
La saga commença en 1962, lorsque Devico père (Mardochée) rachète une conserverie existante depuis 1929.

Cette dernière destinait la majorité de sa production à l'export vers les marchés américains et européens, avec des produits phares comme la truffe blanche, les fruits au sirop et les légumes en conserves.
Après son rachat, l'unité va connaître une nouvelle impulsion, suite à une restructuration et à la décision d'investir le marché local. «L'usine a été ainsi agrandie et la production diversifiée pour mieux répondre aux besoins locaux avec notamment l'élargissement de la gamme de confiture et le lancement du concentré de tomates à partir des années 1970», raconte David Devico, fils cadet de la famille et directeur général de LCM.
La production de l'huile d'olive vierge par l'entreprise avait démarré en 1976. Cette année a connu également l'un des faits les plus marquants de l'histoire de LCM. Il s'agit de la création, par Gosciny et Uderzo, deux grands dessinateurs de renommée internationale, de la mascotte Aïcha. Cette dernière deviendra la figure emblématique de la marque.

D'autres grands événements d'envergure nationale suivent, notamment l'introduction et le développement, en 1977, de la culture de la fraise dans la région de Moulay Bousselham, par la mise en place d'une parcelle de démonstration de 7 ha. Aujourd'hui, ce périmètre produit près de 100.000 t de fraises sur une superficie avoisinant les 3.000 ha.
En 2000, LCM investit dans une nouvelle activité : le raffinage des huiles végétales. Pour cela, l'entreprise s'est dotée d'une des «raffinerie les plus modernes au monde», indique le management, non sans grande fierté.
En effet, et même après près d'une dizaine d'années, les locaux sont toujours très propres. Seule une poignée d'ouvriers y travaille et une ambiance de laboratoire pharmaceutique s'y dégage tellement les lieux sont bien entretenus.

Entièrement automatisée, la technologie utilisée dans cette raffinerie permet de préserver les qualités organoleptiques du produit mieux que tous les autres procédés industriels existants, note un responsable. «Tout concourt à obtenir une huile d'une qualité exceptionnelle qui a été gratifiée du grand Prix du jury et prix des huiles au Salon agroalimentaire du Maroc en 2000», apprend-on auprès du management.
Leader national du concentré de tomates, LCM revendique les deux tiers du marché qui compte une quinzaine d'usines réparties sur l'axe Casablanca-Agadir. Les chiffres sur les quantités produites sont jalousement tus, «pour des raisons de concurrence», diront les responsables.

Avec une ligne de fabrication d'une capacité de 3.000 tonnes/jour et un partenariat avec les agriculteurs, la production du concentré de tomates a été multipliée par 20 en 10 ans, selon les responsables. En effet, l'entreprise a mis en place un plan de formation et de suivi des producteurs agréés dans le cadre d'une convention partenariat Université/Entreprise. «Des résultats remarquables ont été atteints», souligne le directeur général. «Durant la campagne 2005 par exemple, la production moyenne a été de 80 tonnes par hectare et des pics de 137 tonnes/ha», s'enorgueillit-il.
Côté confiture, l'entreprise compte une large gamme de produits déclinés en 14 parfums. L'unité de production actuelle peut traiter 120 tonnes/jour en flux continu. L'entreprise règne en seigneur avec 35% de parts de marché en volume et plus de 50% en valeur.

Les Conserves de Meknès sont considérées comme la référence en la matière pour un marché comptant plus d'une trentaine de producteurs toutes catégories confondues (formels et informels).
Premier exportateur d'huile d'olive au Maroc, LCM dispose d'une huilerie avec une capacité de traitement de 500 t/j. La majorité des ventes, entre 7.000 et 10.000 tonnes par an, sont réalisées à l'export. Secteur dans lequel l'entreprise détient également la position de leader.
Avec une capacité de traitement de 150 t/j, les huiles raffinées produites par LCM sont également destinées à l'export.
«Nos produits sont en moyenne 50% plus cher que la concurrence», reconnaît un responsable de l'entreprise. «Mais, le consommateur trouve son compte dans le rapport qualité/prix», ajoute-t-il. En effet, la qualité du produit est au centre de toute la stratégie de LCM. Selon ce même responsable, l'attention particulière portée à la qualité des matières première représente l'une des clefs du succès de l'entreprise.

Certifiées Iso 9001 version 2000 et Haccp, Les Conserves de Meknès ont mis en place un service qualité pour assurer le suivi du système de production et de sa gestion. «L'entreprise procède annuellement à une sélection rigoureuse des fournisseurs agréés et à un suivi des cultures jusqu'à maturité et récolte des fruits», affirment les responsables. Selon ces derniers, elle assure également la traçabilité de tous ses produits depuis la production, l'approvisionnement en matières premières jusqu'à la livraison du produit fini. Elle dispose également de deux laboratoires intégrés (conserverie et raffinerie), pilotés par un laboratoire central accrédité aux normes Iso 17.025 permettant de délivrer des bulletins d'analyses officiels. «Ce qui nous a valu plusieurs prix et distinctions notamment le Prix national de la qualité 2006, décerné par le ministère de l'Industrie», indique un responsable.
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Leçon de marketing

«Aïcha a été le premier annonceur national à la télévision et à la radio, et a mis en place le premier site Internet privé marocain», souligne, avec beaucoup de fierté, le management de l'entreprise. Et d'ajouter: «Dans les années 70, seules de grandes marques internationales, notamment Tide, Omo ou Coca Cola, faisaient leur publicité sur le petit écran qui venait de faire son entrée dans les foyers marocains».
En effet, la notoriété actuelle de Aïcha est le résultat d'une politique de marketing réellement avant-gardiste. Figure emblématique de la marque, la poupée Aïcha a été dessinée par les créateurs d'Astérix (Studio Idéefix). Les enfants avaient alors un rendez-vous quotidien à 20h30 avec cette poupée et son orchestre à travers l'émission «Bonsoir les enfants».

Au fil des années, le capital sympathie à l'égard de cette mascotte a pris des proportions très importantes qui lui ont valu une place de choix dans le paysage publicitaire marocain ainsi qu'un lien affectif très profond avec les consommateurs, petits et grands.
Pour rester en phase avec son public, Aïcha est également apparue aux côtés de la star du raï Cheb Khaled en 1997, dans un film rythmé par la célèbre chanson portant son nom. En 2006, c'est le célèbre mannequin Adriana Karembeu qui vantait avec beaucoup de charme les qualités des confitures Aïcha Light. Aïcha a d'autre part remporté avec son spot «without you» le prix spécial du jury dans sa catégorie au premier festival du film publicitaire au Maroc.
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Le Groupe

Les Conserves de Meknès font partie d'un groupe de sociétés ayant des activités complémentaires dans le secteur de l'agro-industrie. Il s'agit notamment de MCC le Lion, le plus ancien fabricant de concentré de tomates avec la marque Le Lion et dont les ventes sont exclusivement locales. Le groupe compte également les Conserves Nora, qui font partie du groupe depuis 1976. Leader sur le marché marocain de conserves de petits pois et de pruneaux secs (premier producteur), son activité s'est diversifiée avec de nouveaux produits, tels que les conserves d'olives et d'abricots au sirop. Elle réalise aujourd'hui 50% de son chiffre d'affaires à l'exportation.

Marocapres, premier producteur mondial de câpres ainsi que Consaf, producteur des conserves d'olives font également partie de ce groupe. Leur chiffre d'affaires est exclusivement réalisé à l'exportation. Le groupe compte également une société de distribution tant pour l'import que pour l'export (Copram), une usine de fabrication d'emballage métallique (Global Can) ainsi qu'une agence de communication (Arrow communication).
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