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Un deuxième contrat-programme en gestation

INTERVIEW Bouchaïb Benhamida, président de la FNBTP

Un deuxième contrat-programme en gestation
LE MATIN : Pourquoi une démarche "nouvelle" pour ce deuxième contrat ?

Bouchaïb Benhamida :
Le secteur du BTP connaît une conjoncture exceptionnelle. Et ce qui reste à venir est encore plus prometteur : 232 milliards d'investissements pour les cinq années à venir ! Certes, le premier contrat-programme de 2004 a permis de grandes avancées : participation plus marquée des entreprises nationales aux grands projets, réforme de l'environnement réglementaire du secteur… Mais nous avons estimé qu'il fallait aller plus loin dans la "construction" des entreprises nationales. Nous avons là une occasion historique pour doter notre pays d'entreprises dignes du développement qu'il connaît, capables de constituer une véritable "force de frappe".

Et ce n'est pas un rêve ! Pour ce nouveau contrat, nous avons pensé qu'il était primordial d'effectuer d'abord un travail d'anticipation et de prospective. L'étude de cadrage stratégique nous a permis de constater une forte perception chez nos chefs d'entreprises du décalage qui existe entre la volonté de partenariat chez les politiques et la réalité du terrain… Il était nécessaire d'associer l'ensemble des intervenants à tous les niveaux et les entreprises pour réussir dans cette approche. Il est primordial de se livrer à ce travail de mise à plat dans un débat franc et responsable.
Nous avons senti qu'à l'issue du séminaire organisé à Rabat jeudi dernier que l'adhésion à la démarche était fortement partagée par nos invités.

Quels étaient les objectifs de l'étude sur les enjeux stratégiques du secteur ?

L'étude de cadrage est la première phase d'une étude de prospective qui doit analyser les forces et les faiblesses de nos entreprises, les défis qui les attendent, et définir leur stratégie de développement. L'élaboration du prochain contrat avec le gouvernement reposera alors sur une vision étayée. L'étude de cadrage a comporté une enquête réalisée auprès d'un échantillon d'entreprises pour mettre en évidence leur analyse de la conjoncture, leur évaluation du 1er contrat-programme, leurs espoirs et leurs inquiétudes quant au futur et leurs propositions pour s'y préparer. Une étude similaire devra être menée auprès de nos partenaires maîtres d'ouvrage. La troisième phase sera la définition de l'offre des entreprises nationales : leurs atouts face aux entreprises étrangères sur le marché national et international et les mesures que devra prendre le gouvernement pour accompagner cette offre.

Quel bilan faites-vous du premier contrat-programme ?

Le 1er contrat-programme a permis des progrès
incontestables :
- une volonté politique forte pour mette en œuvre une stratégie de développement du secteur du BTP.
- la participation des entreprises marocaines à la réalisation des grands projets.
- la réforme de l'environnement réglementaire qui a vu aboutir un nouveau décret des marchés publics comportant des avancées considérables en matière de transparence, d'équité et de concurrence loyale.
- Nous avons constaté également la persistance de déséquilibres dans les relations entre maîtres d'ouvrage et entreprises.
Nous constatons aussi que le boom du secteur a provoqué un afflux d'entreprises étrangères dont les pratiques de dumping déstructurent le marché et déstabilisent nos entreprises. Or, ce secteur est stratégique pour l'économie nationale, par sa contribution au PIB, à la formation brute de capital fixe et surtout par sa participation à l'emploi.

Qu'avez-vous concrètement retenu de l'étude de cadrage?

Plusieurs enseignements. Le premier est qu'il était urgent d'ouvrir un débat responsable et objectif sur la rentabilité ou non de réaliser les projets du BTP par les entreprises nationales, loin de tout calcul corporatiste. La majorité des entreprises étrangères cassent les prix en espérant se rattraper par la suite. Aussi, les marchés confiés à ces entreprises se terminent souvent, pour ne pas dire toujours, par des litiges, des réclamations, des surcoûts.… Ces entreprises n'apportent aucun investissement. Au contraire, elles exportent une part en devises de la valeur de chaque marché réalisé par elles, de l'ordre de 30%. Par contre, nos entreprises nationales réinjectent toute la valeur ajoutée dans l'économie nationale. Elles permettent aussi une capitalisation du savoir-faire. Nous sommes convaincus qu'il est important pour un pays de faire preuve de "patriotisme économique" et d'avoir son autosuffisance. Ce sont les entreprises nationales qui accourent pour sauver un ouvrage, participer à une cause nationale… Le calcul de la rentabilité doit être économique et tenir compte de tous ces paramètres.

Que proposez-vous, alors ?

L'étude du futur est intéressante. Entre l'inéluctable et l'impensable, plusieurs futurs scénarios sont possibles. Nous en avons retenu deux:
- L'ouverture du marché sans soutien à l'entreprise nationale,
- Les projets des promoteurs privés de l'habitat restent fermés à l'entreprise structurée,
- L'entreprise nationale reste exclue du marché des gestions déléguées des services publics,
- Manque d'évolution dans la modernisation et la structuration de nos entreprises,
- Les pratiques sur le terrain restent en décalage par rapport à la volonté politique et aux avancées de la réglementation.
Puis un scénario optimiste dans lequel le développement des entreprises devient une priorité pour le gouvernement.
- Une expression affirmée du patriotisme économique avec une protection intelligente de l'entreprise nationale,
- La qualité et la sécurité dans l'immobilier,
- L'éthique, la transparence le professionnalisme et le partenariat maître d'ouvrage - entreprise deviennent effectifs sur le terrain,
- L'accès des entreprises nationales aux nouveaux métiers,
- Le mode de gestion des entreprises évolue vers plus de modernisation, d'organisation et de rationalisation,
- L'Offre de la formation professionnelle devient plus adaptée avec une implication plus marquée de nos entreprises dans la mise à niveau de leurs ressources humaines,
- La pérennisation des entreprises du secteur devient une priorité.

Nous avons perçu une grande convergence entre les idées avancées par les cinq ministres présents et celles de la FNBTP. Vous avez néanmoins tenu à entendre les témoignages des entreprises mais surtout des hauts responsables de l'administration et des établissements publics, qu'en avez-vous tiré comme conclusions ?

Je pense que tous ont été sensibles aux témoignages qui ont relevé la contribution de la FNBTP à la défense des valeurs de l'éthique de la concurrence loyale et de la responsabilité sociale et citoyenne de l'entreprise du BTP.
Trois concepts ont dominé les interventions :
- L'obligation d'être ambitieux dans le prochain contrat-programme;
- L'obligation de fédérer tous les intervenants et à tous les niveaux,
- Une forte exigence de qualité, de transparence, d'éthique et de responsabilité citoyenne.
Maintenant, nous allons discuter avec tous ces responsables pour concevoir ensemble la stratégie de développement de ce secteur vital pour
l'économie.

Quels sont les enjeux du 2e contrat-programme qui serait signé avant l'automne prochain ?

1. Traduire par des mesures gouvernementales concrètes la stratégie de développement et de pérennisation des entreprises du BTP,
2. Décliner dans des engagements ambitieux, réalistes et précis l'effort que devront entreprendre nos entreprises.
3. Mettre en place des mécanismes de veille et d'évaluation.

Comment l'entreprise doit-elle se préparer en interne ?

L'entreprise est un patrimoine collectif. Aussi, un pan entier du prochain contrat-programme devra préciser les dispositions concrètes de modernisation de gestion et de mise à niveau que devront engager les entreprises.

Cinq ministres et non des moindres ont participé à votre séminaire, quelles conclusions en tirez-vous ?

Les entreprises du BTP ont perçu et pris acte de l'engagement politique du gouvernement. Elles ont constaté que l'embellie de la conjoncture s'inscrit dans la durée.
Nous nous sentons parfaitement en phase avec la détermination des ministres quant à la volonté politique, le partenariat, mais également sur la nécessité de plus de professionnalisation, de qualité, de performance, d'éthique et d'entreprise citoyenne…
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