LE MATIN ÉCO : En octobre 2007, le Premier ministre français, François Fillon, a demandé au Conseil économique que vous présidez de préparer un rapport sur la crise financière actuelle. Pouvez-vous nous parler des grandes conclusions de ce rapport?
Christian de Boissieu : On a effectivement fini ce rapport mais on ne l'a pas encore présenté au Premier ministre. On a fait un certain nombre de recommandations. Les sujets sont à des niveaux différents. Certains dépendent de la France, d'autres relèvent de l'Union européenne. Puis, il y a des sujets qui dépendent de ce qu'on peut faire à l'échelle mondiale. Prenons l'exemple des agences de notation. Clairement, celles-ci n'ont pas bien anticipé la crise. Il faut améliorer la transparence des modèles qu'elles utilisent. Il faut aussi réduire les conflits d'intérêt parce que, par définition, elles sont payées par les émetteurs qui veulent obtenir des notes. Puis, sans doute aussi, il faut améliorer la concurrence entre ces agences. Le marché mondial de la notation est extrêmement concentré. Les trois premières grandes agences font 90% du marché mondial, dont deux américaines, à savoir Standard & Poor's et Moody's, ainsi que Fitch en Europe qui est une agence à capitaux français. On ne peut rien faire sans les Américains, compte tenu de leur poids sur le marché. Ensuite, il n'y a aucun organisme mondial habilité à prendre des mesures réglementaires pour améliorer le fonctionnement de ces agences. La solution envisagée sur laquelle nous revenons dans notre rapport serait ce qu'on appelle ‘'le code de bonne conduite''. Ce code existe depuis 2004 dans le cadre de l'Organisation internationale des commissions en valeurs mobilières (OICV). Il faut aujourd'hui le durcir et le renforcer. Je vous donne un deuxième exemple qui concerne le problème de la liquidité des banques parce que la crise financière actuelle est une crise de confiance entre les banques. Les banques ne se prêtent plus d'argent, même à court terme. C'est la raison pour laquelle les Banques centrales sont intervenues massivement pour fournir des liquidités aux banques qui en ont besoin. Est-ce qu'il faut mettre en place des standards internationaux de la liquidité des banques ? Cela n'existe pas aujourd'hui. Dans notre rapport, on a proposé d'approfondir cette idée. Cela ne peut être fait qu'à un niveau international dans le cadre des Comités de Bâle.
Le rapport a traité aussi la question des fonds souverains. Qu'avez-vous recommandé à ce sujet ?
Compte tenu des pertes subies suite à la crise des subprimes, un certain nombre de banques internationales ont besoin de capitaux propres. Les fonds souverains sont là, ce qui est une bonne chose. A court terme, pour aider les banques à se recapitaliser, nous insistons à mettre en place des codes de bonne conduite concernant la transparence de ces fonds dans leurs politiques d'investissement.
Nous insistons aussi sur le principe de la réciprocité. Si on ouvre nos banques aux fonds souverains chinois par exemple, il faut que la Chine soit également ouverte à nos fonds. Là encore, comme pour les agences de notation, On doit passer par un code de bonne conduite. Par contre, au niveau du ratio de liquidité, il faudra passer par une réglementation. Le débat sur la réforme du FMI est posé.
Quel regard portez-vous sur l'adaptation du système bancaire marocain dans le sillage de cette crise internationale?
Ce qui m'impressionne, favorablement, c'est que le Maroc est totalement dans le débat et dans les standards internationaux. Le Maroc se donne les moyens de limiter les crises et les effets de contamination. La crise actuelle est une crise bancaire des pays développés. Ce n'est pas principalement une crise des marchés financiers. Un pays comme le Maroc n'est pas à l'abri de ses répercussions.
Heureusement, il est touché indirectement. Même s'il reste peu touché par cette crise, il doit faire comme tout le monde. Ce qui compte, c'est la qualité des systèmes bancaire et financier. Et derrière cette qualité, il y a le problème de la sécurité de ces deux systèmes. Tout ce qui est fait au Maroc et ce qui a été fait en Europe, c'est d'essayer de limiter les risques, de resserrer les boulons et de forcer les procédures de contrôle interne dans les banques. Ce sera impossible d'éliminer tous les risques. Les crises financières, c'est un peu comme “les maladies''.
Une fois qu'on aura trouvé le vaccin contre le sida, il y aura d'autres maladies qui vont se développer. Une fois qu'on soigne un type de crise financière, il y aura d'autres crises financières qui peuvent apparaître. Il faut simplement renforcer la coopération internationale et donner un rôle accru au FMI par rapport à la prévention des crises financières, même si dans le domaine de la supervision bancaire, les compétences vont rester principalement d'ordre national.
Votre concitoyen français, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Khan, aura-t-il la chance de mener à bon port la grande réforme du FMI?
J'ai rencontré Dominique Strauss-Khan (DSK) en juillet 2007 quand il faisait sa campagne. Je lui fais confiance pour introduire plus de pragmatisme et plus de réalisme afin de faire évoluer cette institution “qui se cherche…''. Cela fait dix ans qu'on parle de la réforme des organismes de Bretton Woods. On n'a pas vraiment avancé sur ce sujet. Je pense que la crise financière n'est pas, en soi, un élément favorable. Elle aura au moins cette conséquence d'accélérer l'évolution du FMI vers plus d'attention portée à la santé des systèmes bancaires et financiers.
Sachant qu'il ne va pas se substituer aux superviseurs nationaux, le FMI peut exercer une fonction de coordination. Je suis résolument optimiste sur la capacité du nouveau directeur général d'apporter un nouveau souffle à l'institution. M. Dominique a une vision économique : tirer assez rapidement la leçon de ce qu'on vit depuis le mois d'août pour faire évoluer le FMI, et de ce fait, améliorer ce qu'on appelle la gouvernance mondiale.
Christian de Boissieu : On a effectivement fini ce rapport mais on ne l'a pas encore présenté au Premier ministre. On a fait un certain nombre de recommandations. Les sujets sont à des niveaux différents. Certains dépendent de la France, d'autres relèvent de l'Union européenne. Puis, il y a des sujets qui dépendent de ce qu'on peut faire à l'échelle mondiale. Prenons l'exemple des agences de notation. Clairement, celles-ci n'ont pas bien anticipé la crise. Il faut améliorer la transparence des modèles qu'elles utilisent. Il faut aussi réduire les conflits d'intérêt parce que, par définition, elles sont payées par les émetteurs qui veulent obtenir des notes. Puis, sans doute aussi, il faut améliorer la concurrence entre ces agences. Le marché mondial de la notation est extrêmement concentré. Les trois premières grandes agences font 90% du marché mondial, dont deux américaines, à savoir Standard & Poor's et Moody's, ainsi que Fitch en Europe qui est une agence à capitaux français. On ne peut rien faire sans les Américains, compte tenu de leur poids sur le marché. Ensuite, il n'y a aucun organisme mondial habilité à prendre des mesures réglementaires pour améliorer le fonctionnement de ces agences. La solution envisagée sur laquelle nous revenons dans notre rapport serait ce qu'on appelle ‘'le code de bonne conduite''. Ce code existe depuis 2004 dans le cadre de l'Organisation internationale des commissions en valeurs mobilières (OICV). Il faut aujourd'hui le durcir et le renforcer. Je vous donne un deuxième exemple qui concerne le problème de la liquidité des banques parce que la crise financière actuelle est une crise de confiance entre les banques. Les banques ne se prêtent plus d'argent, même à court terme. C'est la raison pour laquelle les Banques centrales sont intervenues massivement pour fournir des liquidités aux banques qui en ont besoin. Est-ce qu'il faut mettre en place des standards internationaux de la liquidité des banques ? Cela n'existe pas aujourd'hui. Dans notre rapport, on a proposé d'approfondir cette idée. Cela ne peut être fait qu'à un niveau international dans le cadre des Comités de Bâle.
Le rapport a traité aussi la question des fonds souverains. Qu'avez-vous recommandé à ce sujet ?
Compte tenu des pertes subies suite à la crise des subprimes, un certain nombre de banques internationales ont besoin de capitaux propres. Les fonds souverains sont là, ce qui est une bonne chose. A court terme, pour aider les banques à se recapitaliser, nous insistons à mettre en place des codes de bonne conduite concernant la transparence de ces fonds dans leurs politiques d'investissement.
Nous insistons aussi sur le principe de la réciprocité. Si on ouvre nos banques aux fonds souverains chinois par exemple, il faut que la Chine soit également ouverte à nos fonds. Là encore, comme pour les agences de notation, On doit passer par un code de bonne conduite. Par contre, au niveau du ratio de liquidité, il faudra passer par une réglementation. Le débat sur la réforme du FMI est posé.
Quel regard portez-vous sur l'adaptation du système bancaire marocain dans le sillage de cette crise internationale?
Ce qui m'impressionne, favorablement, c'est que le Maroc est totalement dans le débat et dans les standards internationaux. Le Maroc se donne les moyens de limiter les crises et les effets de contamination. La crise actuelle est une crise bancaire des pays développés. Ce n'est pas principalement une crise des marchés financiers. Un pays comme le Maroc n'est pas à l'abri de ses répercussions.
Heureusement, il est touché indirectement. Même s'il reste peu touché par cette crise, il doit faire comme tout le monde. Ce qui compte, c'est la qualité des systèmes bancaire et financier. Et derrière cette qualité, il y a le problème de la sécurité de ces deux systèmes. Tout ce qui est fait au Maroc et ce qui a été fait en Europe, c'est d'essayer de limiter les risques, de resserrer les boulons et de forcer les procédures de contrôle interne dans les banques. Ce sera impossible d'éliminer tous les risques. Les crises financières, c'est un peu comme “les maladies''.
Une fois qu'on aura trouvé le vaccin contre le sida, il y aura d'autres maladies qui vont se développer. Une fois qu'on soigne un type de crise financière, il y aura d'autres crises financières qui peuvent apparaître. Il faut simplement renforcer la coopération internationale et donner un rôle accru au FMI par rapport à la prévention des crises financières, même si dans le domaine de la supervision bancaire, les compétences vont rester principalement d'ordre national.
Votre concitoyen français, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Khan, aura-t-il la chance de mener à bon port la grande réforme du FMI?
J'ai rencontré Dominique Strauss-Khan (DSK) en juillet 2007 quand il faisait sa campagne. Je lui fais confiance pour introduire plus de pragmatisme et plus de réalisme afin de faire évoluer cette institution “qui se cherche…''. Cela fait dix ans qu'on parle de la réforme des organismes de Bretton Woods. On n'a pas vraiment avancé sur ce sujet. Je pense que la crise financière n'est pas, en soi, un élément favorable. Elle aura au moins cette conséquence d'accélérer l'évolution du FMI vers plus d'attention portée à la santé des systèmes bancaires et financiers.
Sachant qu'il ne va pas se substituer aux superviseurs nationaux, le FMI peut exercer une fonction de coordination. Je suis résolument optimiste sur la capacité du nouveau directeur général d'apporter un nouveau souffle à l'institution. M. Dominique a une vision économique : tirer assez rapidement la leçon de ce qu'on vit depuis le mois d'août pour faire évoluer le FMI, et de ce fait, améliorer ce qu'on appelle la gouvernance mondiale.
