De part son exposition et sa forte sensibilité aux marchés étrangers, le secteur du textile et de l'habillement ne sera certainement pas épargné par le ralentissement de la croissance mondiale.
Les opérateurs marocains suivent de près les indices révélateurs d'un amoindrissement du pouvoir d'achat chez les ménages européens et américains.
A peine érigée au premier rang de nos clients, l'Espagne a dû observer, à fin août, une contraction de l'ordre de 2,4% de la consommation des articles d'habillement, comparativement à la même période en 2007. En France, le repli du même indicateur a atteint 9%, contrairement aux marchés britanniques et américains qui affichent, toujours jusqu'à fin août dernier, une croissance de demandes modérée entre 2007 et 2008. Il faut dire que l'incidence de la crise a été ressentie par les textiliens bien avant la faillite de Lehman Brothers.
Les membres de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith) ont déjà tiré la sonnette d'alarme en juillet à l'occasion de leur assemblée générale ordinaire. Les carnets de commandes d'un certain nombre d'entreprises sous-traitantes ont été significativement impactés. Une réalité que reflètent les statistiques à l'export du premier semestre, essentiellement dans le domaine des vêtements confectionnés et de la bonneterie. Naturellement, les prévisions tablent sur un tassement des exportations au titre de l'année 2008, l'Amith s'attend à un creusement de baisse qui devrait se situer entre 8 et 10%.
Quant à 2009, personne n'est capable d'anticiper une quelconque tendance, car on ne sait pas encore si cette crise allait ou non prendre des proportions énormes.
Faut-il comparer le contexte actuel à celui de la crise de 1987 ? Le monde avait connu, à cette date, une très forte crise boursière, mais comme les Etats avaient injecté des liquidités énormes, les économies mondiales ont finalement enregistré des niveaux de croissance qui dépassent les prévisions établies bien avant même l'anticipation du krach boursier d'octobre 1987.
Il est possible que le même scénario se reproduise comme il est aussi possible qu'il soit inversé.
Cependant, les capacités de résistance et d'adaptation du textile marocain s'appuient cette fois sur un argument de taille.
«Malgré la crise, nous sauvegardons nos parts de marché mieux que nos concurrents», tient à rassurer Mohamed Tamer, président de l'Amith. Le positionnement actuel du Maroc témoigne d'un comportement positif. Décidemment, sur le marché français à titre d'exemple, le Maroc est le seul pays, aux côtés de la Chine, qui a su maintenir un bon niveau de croissance de ses exportations. Il est à signaler aussi que le secteur a amélioré ses prix, tout en perdant au niveau du tonnage. Chose qui traduit un bon positionnement dans des créneaux à très haute valeur ajoutée, en particulier celui «féminin» réputé pour sa forte sensibilité à la variation de la demande des ménages.
La réactivité dont a fait preuve la profession depuis le 1er janvier 2005, soit la date effective du démantèlement de l'Accord multifibre (AMF) sert de modèle pour d'autres secteurs exposés à l'export. Comme prévu, la déferlante chinoise a bien eu lieu mais elle n'a surtout pas empêché l'industrie marocaine d'améliorer ses performances.
D'ailleurs, les records à l'export ont été enregistrés en 2006 et en 2007 avec respectivement 30 et 31,3 milliards DH. Tenant compte de la nouvelle donne, les entreprises marocaines ont resserré leurs relations avec les donneurs d'ordres dans l'esprit d'un nouveau pacte gagnant-gagnant. Elles ont compris que si elles ne sont pas capables de s'adapter, elles disparaîtront. La stratégie de la diversification des commandes a été par la suite payante. En démontrant leurs capacités d'offres sur des séries courtes en pleine saison, les textiliens ont fait preuve d'une flexibilité et d'une réactivité tant recherchées par les donneurs d'ordres, permettant ainsi au Maroc d'améliorer sa position sur le créneau du réassort, notamment au niveau du pôle de la mode féminine. C'est l'un des atouts qui devrait profiter au secteur même dans le contexte actuel de crise, étant donné que les enseignes internationales seront acculées à fonctionner en flux tendus. Sans omettre bien évidemment l'avantage de la proximité.
Par ailleurs, le communiqué publié par l'Amith, le 11 octobre, à l'issue de la réunion de son conseil d'administration, n'hésite pas à exprimer des craintes face à ce climat commercial morose et incertain et aussi dans la perspective des restrictions sur les crédits accordés aux enseignes de mode et de distribution. L'association appelle les acteurs du textile et de l'habillement à plus de vigilance dans le suivi de leurs crédits-clients et des recouvrements. On comprend le sens de ce message au regard du nombre quotidien d'entreprises déclarant leur insolvabilité aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis.
L'Amith appelle aussi ses membres à rester «lucides mais sereins», tout en poursuivant l'effort de modernisation vers «un service de flexibilité et de réactivité maximum». Entre alarmisme et optimisme, les textiliens se montrent aujourd'hui conscients que même en pleine crise, les opportunités ne manqueront pas de se présenter sur le marché. C'est déjà un début de sortie de crise.
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Le monde a changé, l'Amith aussi
Les opérateurs marocains suivent de près les indices révélateurs d'un amoindrissement du pouvoir d'achat chez les ménages européens et américains.
A peine érigée au premier rang de nos clients, l'Espagne a dû observer, à fin août, une contraction de l'ordre de 2,4% de la consommation des articles d'habillement, comparativement à la même période en 2007. En France, le repli du même indicateur a atteint 9%, contrairement aux marchés britanniques et américains qui affichent, toujours jusqu'à fin août dernier, une croissance de demandes modérée entre 2007 et 2008. Il faut dire que l'incidence de la crise a été ressentie par les textiliens bien avant la faillite de Lehman Brothers.
Les membres de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith) ont déjà tiré la sonnette d'alarme en juillet à l'occasion de leur assemblée générale ordinaire. Les carnets de commandes d'un certain nombre d'entreprises sous-traitantes ont été significativement impactés. Une réalité que reflètent les statistiques à l'export du premier semestre, essentiellement dans le domaine des vêtements confectionnés et de la bonneterie. Naturellement, les prévisions tablent sur un tassement des exportations au titre de l'année 2008, l'Amith s'attend à un creusement de baisse qui devrait se situer entre 8 et 10%.
Quant à 2009, personne n'est capable d'anticiper une quelconque tendance, car on ne sait pas encore si cette crise allait ou non prendre des proportions énormes.
Faut-il comparer le contexte actuel à celui de la crise de 1987 ? Le monde avait connu, à cette date, une très forte crise boursière, mais comme les Etats avaient injecté des liquidités énormes, les économies mondiales ont finalement enregistré des niveaux de croissance qui dépassent les prévisions établies bien avant même l'anticipation du krach boursier d'octobre 1987.
Il est possible que le même scénario se reproduise comme il est aussi possible qu'il soit inversé.
Cependant, les capacités de résistance et d'adaptation du textile marocain s'appuient cette fois sur un argument de taille.
«Malgré la crise, nous sauvegardons nos parts de marché mieux que nos concurrents», tient à rassurer Mohamed Tamer, président de l'Amith. Le positionnement actuel du Maroc témoigne d'un comportement positif. Décidemment, sur le marché français à titre d'exemple, le Maroc est le seul pays, aux côtés de la Chine, qui a su maintenir un bon niveau de croissance de ses exportations. Il est à signaler aussi que le secteur a amélioré ses prix, tout en perdant au niveau du tonnage. Chose qui traduit un bon positionnement dans des créneaux à très haute valeur ajoutée, en particulier celui «féminin» réputé pour sa forte sensibilité à la variation de la demande des ménages.
La réactivité dont a fait preuve la profession depuis le 1er janvier 2005, soit la date effective du démantèlement de l'Accord multifibre (AMF) sert de modèle pour d'autres secteurs exposés à l'export. Comme prévu, la déferlante chinoise a bien eu lieu mais elle n'a surtout pas empêché l'industrie marocaine d'améliorer ses performances.
D'ailleurs, les records à l'export ont été enregistrés en 2006 et en 2007 avec respectivement 30 et 31,3 milliards DH. Tenant compte de la nouvelle donne, les entreprises marocaines ont resserré leurs relations avec les donneurs d'ordres dans l'esprit d'un nouveau pacte gagnant-gagnant. Elles ont compris que si elles ne sont pas capables de s'adapter, elles disparaîtront. La stratégie de la diversification des commandes a été par la suite payante. En démontrant leurs capacités d'offres sur des séries courtes en pleine saison, les textiliens ont fait preuve d'une flexibilité et d'une réactivité tant recherchées par les donneurs d'ordres, permettant ainsi au Maroc d'améliorer sa position sur le créneau du réassort, notamment au niveau du pôle de la mode féminine. C'est l'un des atouts qui devrait profiter au secteur même dans le contexte actuel de crise, étant donné que les enseignes internationales seront acculées à fonctionner en flux tendus. Sans omettre bien évidemment l'avantage de la proximité.
Par ailleurs, le communiqué publié par l'Amith, le 11 octobre, à l'issue de la réunion de son conseil d'administration, n'hésite pas à exprimer des craintes face à ce climat commercial morose et incertain et aussi dans la perspective des restrictions sur les crédits accordés aux enseignes de mode et de distribution. L'association appelle les acteurs du textile et de l'habillement à plus de vigilance dans le suivi de leurs crédits-clients et des recouvrements. On comprend le sens de ce message au regard du nombre quotidien d'entreprises déclarant leur insolvabilité aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis.
L'Amith appelle aussi ses membres à rester «lucides mais sereins», tout en poursuivant l'effort de modernisation vers «un service de flexibilité et de réactivité maximum». Entre alarmisme et optimisme, les textiliens se montrent aujourd'hui conscients que même en pleine crise, les opportunités ne manqueront pas de se présenter sur le marché. C'est déjà un début de sortie de crise.
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Le monde a changé, l'Amith aussi D'une crise à l'autre, l'industrie du textile et de l'habillement a su tirer assez suffisamment d'enseignements et s'est toujours montrée prête à relever le défi de la restructuration. Le chemin est encore long mais les avancées sont bien réelles malgré le coût social que ce genre de mutations auraient supporté en cours de route (fermetures de sites, licenciements…).
Entre l'Amith des années 90 et celle d'aujourd'hui, les méthodes de mobilisation ont complètement changé.
D'une approche purement revendicative appuyée par un certain nombre de doléances mal placées ou parfois peu estimées (la dévaluation du dirham entre autres), l'association des textiliens est passée à une approche plus «fashion». Sans panique, malgré la crise de la demande qui secoue les économies, l'Amith appelle à la vigilance mais insiste à ce que ses membres gardent leur sérénité à l'image de son conseil d'administration.
Que demande aujourd'hui la profession ? Un : accompagner le secteur vers une industrie au service de la mode. Deux: améliorer l'accès aux intrants et les conditions de financement des stocks. Trois : agir sur les rigidités qui peuvent entraver les flux des marchandises tant à l'import qu'à l'export. Quatre : soutenir les acteurs marocains dans leur prise de risque-clients. Cinq : assouplir les règles sociales inhérentes au temps du travail. Ces doléances, une fois déchiffrées, impliquent ce que l'association considère comme « partenaires ». Elles impliquent les banques, les assureurs à l'export et bien évidemment l'Etat à travers notamment le levier fiscal. L'Amith profite aussi de son appartenance à la CGEM pour renforcer le lobbying de toutes les branches exportatrices de l'économie nationale. A ce titre, elle sollicite le gouvernement d'étendre le statut d'exportateur aux fournisseurs directs des entreprises exportatrices.
P.S : L'actuel ministre des Finances n'est autre que celui qui a présidé aux destinées de l'Amith depuis son élection en juin 2002 jusqu'à sa désignation en juin 2004 à la tête du département de l'Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l'économie.
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«La question de l'IR est essentielle»
Quels sont les atouts dont dispose le Maroc et qui permettraient au secteur du textile de faire face aux effets de la crise internationale ?
Le Maroc est doté d'un secteur industriel structuré qui a pris l'habitude de la concertation et de la coopération. Le secteur a connu une mutation d'ordre stratégique vers un meilleur positionnement sur le marché international. Les investissements opérés en amont, particulièrement dans le domaine de la fabrication du tissu de jean (denim), peuvent être un facteur entraînant pour la croissance des exportations.
Le Maroc est favorisé aussi par l'apprentissage accumulé dans le domaine des ressources humaines. Certes, ce constat n'est pas partagé par toutes les entreprises. Beaucoup d'entre-elles ont fermé, d'autres ont reculé. En tout cas, celles qui ont su se réajuster se sont maintenues grâce justement à la mise à niveau.
La question du change est-elle toujours stratégique pour le secteur ?
La question du change est complexe. C'est difficile de manipuler cette question à court terme, parce qu'on doit avoir une stabilité des prix permettant aux acteurs économiques d'avoir confiance et de faire des calculs efficients. Par contre, la question de la valeur de la monnaie est déterminante dans une perspective de long terme.
La stratégie de la valeur de la monnaie nationale (haute ou basse) dépend des dispositions des entreprises en matière de modernisation mais aussi de la situation du marché du travail.
Il vaut mieux, de mon point de vue, parier sur la réduction du chômage et l'amélioration du rendement. Il faut éviter d'atteindre un seuil de survalorisation de la monnaie nationale qui pourrait casser la croissance des exportations et qui obligerait les entreprises les plus productives à être de plus en plus productives en éliminant les anciennes.
Le taux de change est aussi un instrument qui permet d'accélérer une mise à niveau. Cela rejoint l'idée des branches mortes à casser…Mais le fait d'aller très fort dans ce jeu risque de produire un mouvement migratoire incontrôlé et de déstabiliser le marché intérieur (conflits sociaux…). Jouer sur le taux de change est très délicat pour plusieurs raisons, mais ignorer cette variable dans certains contextes est dangereux.
Au Maroc, sur les dix dernières années, la croissance n'a pas été tirée par les exportations. Elle a été tirée plutôt par le marché intérieur. Le rôle des exportations reste essentiel. Il y a d'ailleurs d'autres exportations, moins dépendantes du prix de la main-d'œuvre, et qui ont porté l'économie (acide phosphorique).
Le taux de change est parfois surévalué quand on taxe trop la main-d'œuvre qualifiée. Donner un encouragement de très bonne qualité consisterait à réduire le prix du revient de la “matière grise''. Ce sera une manière de contrebalancer la politique de change actuelle en réduisant l'Impôt sur le revenu (IR). Je pense que la question de cet impôt est tout à fait essentielle pour l'emploi des jeunes affectés dans des secteurs concurrencés sur le marché mondial.
Les secteurs exportateurs bénéficient déjà d'une taxation avantageuse en termes de l'IS: 17,5% au lieu de 30%...
Je ne pense pas que l'IS est tellement le véritable incitateur à l'export. C'est le prix de revient qui incite le plus. On ne peut pas être compétitif avec une main-d'œuvre très fortement taxée en termes d'assurance sociale.
Une main-d'œuvre jeune n'a pas les mêmes contreparties qu'une main-d'œuvre plus âgée. Si vous regardez la structure des secteurs exportateurs par âge, la main-d'œuvre est majoritairement jeune. Cette population paie un salaire indirect. Il faut repenser l'impact de certaines mesures redistributives. Le Conseil économique et social devrait, à mon avis, s'engager dans une réflexion sur ces questions et proposer des solutions.
Les ALE engagés par le Maroc seraient-ils bénéfiques pour le secteur ?
Ces ALE impliquent une évolution plus rapide de la réduction des droits de douane que celle induite par les engagements du Maroc vis-à-vis de l'OMC. D'un côté, ces accords réduisent les risques que courent les exportateurs en matière d'Admission temporaire (AT). D'un autre côté, il y a d'autres secteurs pénalisés, notamment la filature. Cela repose le débat de la protection de tout notre secteur artisanal (artisanat de la laine, filature, tissage, design, intégration du secteur de l'élevage ovin). Ce potentiel n'est malheureusement pas encore exploité. Il y a eu même une régression très importante au niveau de l'exportation des tapis. On ne s'est pas sérieusement posé la question de savoir pourquoi l'aval n'a pas soutenu le développement de l'amont.
C'est parce qu'en aval, l'industrie du tapis, elle-même, ne s'était pas mise à niveau.
Si on commence à exporter des produits industriels banalisés, on n'aura aucune chance de gagner la bataille face à des pays comme l'Italie, la Belgique ou l'Egypte.
Il faut penser à exporter un label marocain en tirant profit de la diversité culturelle qui caractérise le secteur du textile artisanal marocain.
Entre l'Amith des années 90 et celle d'aujourd'hui, les méthodes de mobilisation ont complètement changé.
D'une approche purement revendicative appuyée par un certain nombre de doléances mal placées ou parfois peu estimées (la dévaluation du dirham entre autres), l'association des textiliens est passée à une approche plus «fashion». Sans panique, malgré la crise de la demande qui secoue les économies, l'Amith appelle à la vigilance mais insiste à ce que ses membres gardent leur sérénité à l'image de son conseil d'administration.
Que demande aujourd'hui la profession ? Un : accompagner le secteur vers une industrie au service de la mode. Deux: améliorer l'accès aux intrants et les conditions de financement des stocks. Trois : agir sur les rigidités qui peuvent entraver les flux des marchandises tant à l'import qu'à l'export. Quatre : soutenir les acteurs marocains dans leur prise de risque-clients. Cinq : assouplir les règles sociales inhérentes au temps du travail. Ces doléances, une fois déchiffrées, impliquent ce que l'association considère comme « partenaires ». Elles impliquent les banques, les assureurs à l'export et bien évidemment l'Etat à travers notamment le levier fiscal. L'Amith profite aussi de son appartenance à la CGEM pour renforcer le lobbying de toutes les branches exportatrices de l'économie nationale. A ce titre, elle sollicite le gouvernement d'étendre le statut d'exportateur aux fournisseurs directs des entreprises exportatrices.
P.S : L'actuel ministre des Finances n'est autre que celui qui a présidé aux destinées de l'Amith depuis son élection en juin 2002 jusqu'à sa désignation en juin 2004 à la tête du département de l'Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l'économie.
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«La question de l'IR est essentielle»
Quels sont les atouts dont dispose le Maroc et qui permettraient au secteur du textile de faire face aux effets de la crise internationale ?
Le Maroc est doté d'un secteur industriel structuré qui a pris l'habitude de la concertation et de la coopération. Le secteur a connu une mutation d'ordre stratégique vers un meilleur positionnement sur le marché international. Les investissements opérés en amont, particulièrement dans le domaine de la fabrication du tissu de jean (denim), peuvent être un facteur entraînant pour la croissance des exportations.
Le Maroc est favorisé aussi par l'apprentissage accumulé dans le domaine des ressources humaines. Certes, ce constat n'est pas partagé par toutes les entreprises. Beaucoup d'entre-elles ont fermé, d'autres ont reculé. En tout cas, celles qui ont su se réajuster se sont maintenues grâce justement à la mise à niveau.
La question du change est-elle toujours stratégique pour le secteur ?
La question du change est complexe. C'est difficile de manipuler cette question à court terme, parce qu'on doit avoir une stabilité des prix permettant aux acteurs économiques d'avoir confiance et de faire des calculs efficients. Par contre, la question de la valeur de la monnaie est déterminante dans une perspective de long terme.
La stratégie de la valeur de la monnaie nationale (haute ou basse) dépend des dispositions des entreprises en matière de modernisation mais aussi de la situation du marché du travail.
Il vaut mieux, de mon point de vue, parier sur la réduction du chômage et l'amélioration du rendement. Il faut éviter d'atteindre un seuil de survalorisation de la monnaie nationale qui pourrait casser la croissance des exportations et qui obligerait les entreprises les plus productives à être de plus en plus productives en éliminant les anciennes.
Le taux de change est aussi un instrument qui permet d'accélérer une mise à niveau. Cela rejoint l'idée des branches mortes à casser…Mais le fait d'aller très fort dans ce jeu risque de produire un mouvement migratoire incontrôlé et de déstabiliser le marché intérieur (conflits sociaux…). Jouer sur le taux de change est très délicat pour plusieurs raisons, mais ignorer cette variable dans certains contextes est dangereux.
Au Maroc, sur les dix dernières années, la croissance n'a pas été tirée par les exportations. Elle a été tirée plutôt par le marché intérieur. Le rôle des exportations reste essentiel. Il y a d'ailleurs d'autres exportations, moins dépendantes du prix de la main-d'œuvre, et qui ont porté l'économie (acide phosphorique).
Le taux de change est parfois surévalué quand on taxe trop la main-d'œuvre qualifiée. Donner un encouragement de très bonne qualité consisterait à réduire le prix du revient de la “matière grise''. Ce sera une manière de contrebalancer la politique de change actuelle en réduisant l'Impôt sur le revenu (IR). Je pense que la question de cet impôt est tout à fait essentielle pour l'emploi des jeunes affectés dans des secteurs concurrencés sur le marché mondial.
Les secteurs exportateurs bénéficient déjà d'une taxation avantageuse en termes de l'IS: 17,5% au lieu de 30%...
Je ne pense pas que l'IS est tellement le véritable incitateur à l'export. C'est le prix de revient qui incite le plus. On ne peut pas être compétitif avec une main-d'œuvre très fortement taxée en termes d'assurance sociale.
Une main-d'œuvre jeune n'a pas les mêmes contreparties qu'une main-d'œuvre plus âgée. Si vous regardez la structure des secteurs exportateurs par âge, la main-d'œuvre est majoritairement jeune. Cette population paie un salaire indirect. Il faut repenser l'impact de certaines mesures redistributives. Le Conseil économique et social devrait, à mon avis, s'engager dans une réflexion sur ces questions et proposer des solutions.
Les ALE engagés par le Maroc seraient-ils bénéfiques pour le secteur ?
Ces ALE impliquent une évolution plus rapide de la réduction des droits de douane que celle induite par les engagements du Maroc vis-à-vis de l'OMC. D'un côté, ces accords réduisent les risques que courent les exportateurs en matière d'Admission temporaire (AT). D'un autre côté, il y a d'autres secteurs pénalisés, notamment la filature. Cela repose le débat de la protection de tout notre secteur artisanal (artisanat de la laine, filature, tissage, design, intégration du secteur de l'élevage ovin). Ce potentiel n'est malheureusement pas encore exploité. Il y a eu même une régression très importante au niveau de l'exportation des tapis. On ne s'est pas sérieusement posé la question de savoir pourquoi l'aval n'a pas soutenu le développement de l'amont.
C'est parce qu'en aval, l'industrie du tapis, elle-même, ne s'était pas mise à niveau.
Si on commence à exporter des produits industriels banalisés, on n'aura aucune chance de gagner la bataille face à des pays comme l'Italie, la Belgique ou l'Egypte.
Il faut penser à exporter un label marocain en tirant profit de la diversité culturelle qui caractérise le secteur du textile artisanal marocain.
