Dans cet entretien, Nelly Rabane explique l'abandon de certaines entreprises du modèle de gouvernance des sociétés anonymes (SA) avec directoire et conseil de surveillance, tout en précisant que ce choix est laissé, bien évidemment, à la libre discrétion des actionnaires.
Le Matin Eco : Abandonner le modèle de gouvernance des sociétés anonymes (SA) avec directoire et conseil de surveillance est devenue monnaie courante. pourquoi à votre avis ?
NELLY RABANE : Le choix du modèle de gouvernance est laissé à la libre discrétion des actionnaires qui par décision de l'assemblée générale extraordinaire peuvent opter pour le modèle moniste (conseil d'administration) ou dualiste (directoire et conseil de surveillance). Le choix n'est donc pas définitif, et selon le souhait des actionnaires et les différentes phases de développement de la société, un mode peut être privilégié par rapport à l'autre. L'important est que le mode de fonctionnement de l'entreprise soit en adéquation avec les attentes des actionnaires et la recherche de performance de l'entreprise. Il n'y a donc pas de règle en la matière.
Mais selon certaines études, le peu de succès que rencontre cette formule est dû au fait qu' « elle respecte les principes de bonne gouvernance en exigeant transparence et dualité du pouvoir et neutralité des membres du conseil de surveillance ». Que pensez-vous ?
Le modèle dualiste vient du modèle allemand conçu dans les années 1870. Il vise à dissocier les fonctions de contrôle et de direction, ce qui est en soit une très bonne règle, en ligne avec une bonne gouvernance. Il est en effet important que chacun des acteurs soit parfaitement dans son rôle, que ce soit dans le système moniste ou dans le système dualiste. Chacun doit agir dans sa sphère de compétence et doit respecter les missions et rôles dévolus par la loi à chacun des organes.
Maintenant, des considérations plus techniques, voire psychologiques, peuvent orienter le choix vers l'un ou l'autre des modes de gouvernance. En effet, le modèle dualiste peut être perçu comme une organisation lourde, voire compliquée, du fait notamment de la présence de deux organes, mettant en cause de nombreuses personnes (un conseil d'administration peut n'être composé que de trois personnes) et de la fréquence des réunions.
La nature collégiale de la direction peut être également perçue comme amoindrissant la cohésion des organes de direction, du fait notamment que le président du directoire n'intervient pas dans la nomination des autres membres du directoire qui sont désignés par le conseil de surveillance. Par ailleurs, le formalisme auquel est soumis le directoire pourrait paraître excessif du fait des nombreux rapports que doit établir le directoire. Il ne faut cependant pas minimiser le réel avantage que représente la séparation des pouvoirs de gestion et du contrôle, ni l'ouverture de la direction générale à une équipe de cadres dirigeants. Enfin, je pense que l'un des obstacles majeurs pour ce choix de gouvernance est d'ordre psychologique. La formule classique de société anonyme à Conseil d'administration est plus pratiquée et donc plus connue. Il est toujours plus facile de choisir ce qui est connu.
Que pensez-vous des modifications apportées par la nouvelle loi en matière de gouvernance ?
Les modifications prévues par la loi 20-05 me paraissent être une très bonne alternative aux modèles dualiste et moniste. En effet, cette nouvelle loi permet de répartir clairement les tâches entre le directeur général assisté d'un ou de plusieurs directeurs généraux délégués et le conseil d'administration avec à sa tête un président. Les modifications apportées par cette loi atténuent considérablement les différences entre les systèmes de gestion moniste et dualiste. On peut en effet rapprocher les rôles du directoire et celui du directeur général, en précisant toutefois que l'un est collégial et l'autre pas, ainsi que les rôles du conseil d'administration et ceux du conseil de surveillance.
La loi 20-05 précise, dans la formule du conseil d'administration avec un président, le rôle d'administration du conseil d'administration avec un souci pédagogique évident. Ce rôle s'articule autour de trois missions, à savoir la détermination des orientations stratégiques, surveillance et l'intervention sur des sujets pouvant impacter la bonne marche de l'entreprise. Toutefois, dans la marche courante des affaires, la distinction entre les décisions stratégiques et non ou moins stratégiques sera sans doute plus difficile à opérer (exemple : le déménagement d'une unité de production, la signature d'un contrat important….). Il me paraît important de souligner que ces modifications apportées par la loi 20-05 clarifient bien les rôles dévolus au conseil d'administration, au président du conseil et au directeur général. Le choix du mode de gouvernance se trouve élargi par cette loi et les actionnaires peuvent donc opter pour la forme la plus adaptée.
N'y a-t-il pas de risques d'inadéquation ?
Il ne peut y avoir d'inadéquation puisque la loi encadre bien chaque modèle de gouvernance en prenant en compte les obligations d'information et de transparence vis-à-vis des minoritaires et du marché. Le dispositif législatif s'adapte bien à l'évolution des contextes économiques de façon à répondre au plus près aux attentes et préoccupations des différents acteurs de l'économie.
Selon cette loi, opter pour l'un ou l'autre mode est décidé par le conseil d'administration, ce qui va à l'encontre de la logique du corporate gouvernance supposant que les détenteurs du capital disposent du pouvoir de choix du mode selon lequel la société sera dirigée. Est-ce vrai ?
Je rappelle que la loi 20-05 prévoit que le conseil choisira le mode de gouvernance mais il ne pourra faire ce choix que pour autant que les statuts le prévoient. Et les statuts ne pouvant être modifiés que par décision de l'assemblée générale extraordinaire. Ce sont bien les actionnaires qui ont le pouvoir de décision. Rien n'empêche que les statuts fixent de façon stricte le mode de gestion sans choix
possible.
Par ailleurs, il faut rappeler que ce sont les actionnaires qui choisissent les membres du conseil. Les actionnaires peuvent donc, effectivement et en connaissance de cause, permettre aux administrateurs d'opter pour le mode conseil d'administration, président et directeur général ou conseil d'administration et président directeur général.
Le nouveau texte comporte des exceptions au principe selon lequel les dirigeants des SA sont révocables ad nutum. Cette nouveauté aura-t-elle des effets positifs ou négatifs sur la bonne gouvernance ?
La loi 20-05 confirme le principe de la révocation ad nutum des administrateurs. Par contre, s'agissant du directeur général, ce dernier ne peut être désormais révoqué que pour de justes motifs. A défaut, il peut obtenir des dommages et intérêts pour la révocation de son mandat social, sauf s'il s'agit d'un directeur général cumulant les fonctions de président du conseil d'administration. Dans le cas d'un directeur général salarié, il est expressément prévu que son contrat de travail se poursuit dans le respect des dispositions du code de travail.
La loi fixe donc de façon claire les règles de révocation du directeur général, ce qui en soi va dans le sens d'une bonne gouvernance.
Le Matin Eco : Abandonner le modèle de gouvernance des sociétés anonymes (SA) avec directoire et conseil de surveillance est devenue monnaie courante. pourquoi à votre avis ?
NELLY RABANE : Le choix du modèle de gouvernance est laissé à la libre discrétion des actionnaires qui par décision de l'assemblée générale extraordinaire peuvent opter pour le modèle moniste (conseil d'administration) ou dualiste (directoire et conseil de surveillance). Le choix n'est donc pas définitif, et selon le souhait des actionnaires et les différentes phases de développement de la société, un mode peut être privilégié par rapport à l'autre. L'important est que le mode de fonctionnement de l'entreprise soit en adéquation avec les attentes des actionnaires et la recherche de performance de l'entreprise. Il n'y a donc pas de règle en la matière.
Mais selon certaines études, le peu de succès que rencontre cette formule est dû au fait qu' « elle respecte les principes de bonne gouvernance en exigeant transparence et dualité du pouvoir et neutralité des membres du conseil de surveillance ». Que pensez-vous ?
Le modèle dualiste vient du modèle allemand conçu dans les années 1870. Il vise à dissocier les fonctions de contrôle et de direction, ce qui est en soit une très bonne règle, en ligne avec une bonne gouvernance. Il est en effet important que chacun des acteurs soit parfaitement dans son rôle, que ce soit dans le système moniste ou dans le système dualiste. Chacun doit agir dans sa sphère de compétence et doit respecter les missions et rôles dévolus par la loi à chacun des organes.
Maintenant, des considérations plus techniques, voire psychologiques, peuvent orienter le choix vers l'un ou l'autre des modes de gouvernance. En effet, le modèle dualiste peut être perçu comme une organisation lourde, voire compliquée, du fait notamment de la présence de deux organes, mettant en cause de nombreuses personnes (un conseil d'administration peut n'être composé que de trois personnes) et de la fréquence des réunions.
La nature collégiale de la direction peut être également perçue comme amoindrissant la cohésion des organes de direction, du fait notamment que le président du directoire n'intervient pas dans la nomination des autres membres du directoire qui sont désignés par le conseil de surveillance. Par ailleurs, le formalisme auquel est soumis le directoire pourrait paraître excessif du fait des nombreux rapports que doit établir le directoire. Il ne faut cependant pas minimiser le réel avantage que représente la séparation des pouvoirs de gestion et du contrôle, ni l'ouverture de la direction générale à une équipe de cadres dirigeants. Enfin, je pense que l'un des obstacles majeurs pour ce choix de gouvernance est d'ordre psychologique. La formule classique de société anonyme à Conseil d'administration est plus pratiquée et donc plus connue. Il est toujours plus facile de choisir ce qui est connu.
Que pensez-vous des modifications apportées par la nouvelle loi en matière de gouvernance ?
Les modifications prévues par la loi 20-05 me paraissent être une très bonne alternative aux modèles dualiste et moniste. En effet, cette nouvelle loi permet de répartir clairement les tâches entre le directeur général assisté d'un ou de plusieurs directeurs généraux délégués et le conseil d'administration avec à sa tête un président. Les modifications apportées par cette loi atténuent considérablement les différences entre les systèmes de gestion moniste et dualiste. On peut en effet rapprocher les rôles du directoire et celui du directeur général, en précisant toutefois que l'un est collégial et l'autre pas, ainsi que les rôles du conseil d'administration et ceux du conseil de surveillance.
La loi 20-05 précise, dans la formule du conseil d'administration avec un président, le rôle d'administration du conseil d'administration avec un souci pédagogique évident. Ce rôle s'articule autour de trois missions, à savoir la détermination des orientations stratégiques, surveillance et l'intervention sur des sujets pouvant impacter la bonne marche de l'entreprise. Toutefois, dans la marche courante des affaires, la distinction entre les décisions stratégiques et non ou moins stratégiques sera sans doute plus difficile à opérer (exemple : le déménagement d'une unité de production, la signature d'un contrat important….). Il me paraît important de souligner que ces modifications apportées par la loi 20-05 clarifient bien les rôles dévolus au conseil d'administration, au président du conseil et au directeur général. Le choix du mode de gouvernance se trouve élargi par cette loi et les actionnaires peuvent donc opter pour la forme la plus adaptée.
N'y a-t-il pas de risques d'inadéquation ?
Il ne peut y avoir d'inadéquation puisque la loi encadre bien chaque modèle de gouvernance en prenant en compte les obligations d'information et de transparence vis-à-vis des minoritaires et du marché. Le dispositif législatif s'adapte bien à l'évolution des contextes économiques de façon à répondre au plus près aux attentes et préoccupations des différents acteurs de l'économie.
Selon cette loi, opter pour l'un ou l'autre mode est décidé par le conseil d'administration, ce qui va à l'encontre de la logique du corporate gouvernance supposant que les détenteurs du capital disposent du pouvoir de choix du mode selon lequel la société sera dirigée. Est-ce vrai ?
Je rappelle que la loi 20-05 prévoit que le conseil choisira le mode de gouvernance mais il ne pourra faire ce choix que pour autant que les statuts le prévoient. Et les statuts ne pouvant être modifiés que par décision de l'assemblée générale extraordinaire. Ce sont bien les actionnaires qui ont le pouvoir de décision. Rien n'empêche que les statuts fixent de façon stricte le mode de gestion sans choix
possible.
Par ailleurs, il faut rappeler que ce sont les actionnaires qui choisissent les membres du conseil. Les actionnaires peuvent donc, effectivement et en connaissance de cause, permettre aux administrateurs d'opter pour le mode conseil d'administration, président et directeur général ou conseil d'administration et président directeur général.
Le nouveau texte comporte des exceptions au principe selon lequel les dirigeants des SA sont révocables ad nutum. Cette nouveauté aura-t-elle des effets positifs ou négatifs sur la bonne gouvernance ?
La loi 20-05 confirme le principe de la révocation ad nutum des administrateurs. Par contre, s'agissant du directeur général, ce dernier ne peut être désormais révoqué que pour de justes motifs. A défaut, il peut obtenir des dommages et intérêts pour la révocation de son mandat social, sauf s'il s'agit d'un directeur général cumulant les fonctions de président du conseil d'administration. Dans le cas d'un directeur général salarié, il est expressément prévu que son contrat de travail se poursuit dans le respect des dispositions du code de travail.
La loi fixe donc de façon claire les règles de révocation du directeur général, ce qui en soi va dans le sens d'une bonne gouvernance.
