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Accueil next Un travail de titan à gérer

Crise et désinformation

Abstraction faite à sa légitimité civilisationnelle ou législative, la grève des transporteurs a paralysé la machine économique du pays. L'économie a dû fonctionner pendant plus d'une semaine au rythme des stocks.

Crise et désinformation
Livrer sa production à la clientèle, c'est comme si on se livrait à l'aventure et à un risque aux retombées incertaines. Les consommateurs épuisent leurs stocks au moment où les fournisseurs gonflent les leurs.

On n'avait plus le choix, les grévistes ont décidé de bloquer les circuits de transmission et c'est tout ! Pourquoi ? Ils veulent circuler sur la route sans qu'on les oblige à respecter un code de bonne conduite. Voilà comment on peut résumer la tension régnante suite au comportement « irresponsable » d'une bonne partie des grévistes qui tantôt tombent dans le piège de la personnification d'un texte législatif, en réclamant la démission du ministre de tutelle, tantôt optent pour le chantage irraisonnable d'une reprise de volant contre une annulation pure et simple d'un projet déjà approuvé par les parlementaires. On comprend aujourd'hui les raisons qui auraient incité le patronat à se retirer du processus du dialogue social, notamment celles en liaison avec l'absence d'une réglementation claire et responsable du droit à la grève. « Lorsque j'arrive le matin et on me dit qu'il y a grève, je demande pourquoi? Personne ne le sait. On ne vous prévient pas et on ne vous donne pas un cahier de doléances », a déclaré il y a quelques mois le président de la CGEM. Ce dernier ne mâche pas ses mots face aux développements récents du mouvement des chauffeurs routiers.

Interrogé à ce sujet lors d'une conférence de presse consacrée à la présentation du baromètre de conjoncture, mardi dernier, My Hafid Elalamy estime qu'« il faut arrêter le folklore. Veulent-ils faire du cinéma ou bien régler les problèmes ?», se demande-t-il. Le patron des patrons n'omet pas de souligner l'insuffisance de l'information sur la nouvelle version du Code de la route, telle qu'elle a été présentée aux Conseillers de la deuxième chambre. Il avoue, lui-même, avoir été induit en erreur au sujet de la peine d'emprisonnement causée par un simple certificat médical d'arrêt de travail (six jours au minimum) découlant d'un accident de circulation. Ce genre de rumeurs, on en a entendu assez ces derniers jours. C'est le cas aussi des montants record d'amendes avancés par les grévistes. Le ministre de tutelle, lui, ne cessait de rappeler que l'amende la plus élevée ne dépasse guère les 900 dirhams. Certes les détails d'une loi ne peuvent être rendus publics qu'une fois amendés, votés et publiés au Bulletin officiel. Mais face à l'intox, il fallait communiquer à grande échelle ne serait-ce que pour donner à la légitimité « populaire » de la grève sa juste mesure.

A maintes reprises, le ministre des Transports dit avoir suffisamment ouvert le dialogue. Il faut savoir que la chaîne des responsabilités dans un système de circulation routière est à la fois large et complexe. Entre autres, elle implique les patrons des entreprises de transport, les propriétaires des camions et autocars et aussi les chauffeurs. La tâche de réunir tout ce beau monde n'est pas du tout facile. Encore plus celle de répondre à l'ensemble de leurs doléances.

Il fallait à un moment donné trancher le débat, sauf que dans ce cas précis, celui du code, la seule mesure-phare corrigée par le ministère réside dans l'alignement des amendes adressées aux conducteurs professionnels sur les niveaux imposés aux particuliers (la première mouture prévoyait un doublement de l'amende pour les infractions commises par les chauffeurs professionnels). D'autres promesses engagées semblent avoir été reportées à une date indéterminée, notamment celles en relation avec la couverture sociale, l'accès au crédit, aux lots de terrain, etc.). Si les syndicats avaient construit leur cahier revendicatif sur la base de ces doléances à caractère purement social, la grève aurait dû avoir du sens. Par contre, en refusant l'existence même d'un Code de la route, les syndicats veulent non seulement vider le projet de son sens noble, mais pire, ils tentent vainement de remettre en cause la souveraineté des appareils législatif et exécutif du Royaume.

Maintenant, l'idéal serait de se diriger, dans un esprit de responsabilité et de solidarité nationale, vers un scénario où il n'y aura ni gagnant ni perdant. Malgré tout, la crise des transports est pleine d'enseignements. De son côté, le ministère de tutelle n'a pas le droit de reproduire les erreurs du passé. Surtout si l'on sait que le projet de libéralisation du transport de voyageurs est en cours de finalisation, toujours en catimini, d'après certains opérateurs. Touchons du bois !
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Se dirigera-t-on vers une commission paritaire ?

Suite à la suspension du débat sur le projet du Code de la route au niveau de la Chambre des conseillers, l'on se demande sur l'issue probable de la procédure législative au cas où les syndicats persistent à privilégier l'axe du non dialogue et de l'irresponsabilité, l'un des scénarios, conformément aux pouvoirs mis à la disposition du gouvernement par les textes législatifs, consiste à créer une commission mixte paritaire composée des membres des deux chambres.

Article 136
Lorsqu'un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque Chambre ou, si le gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chaque Chambre, le gouvernement peut provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire, conformément aux dispositions de l'article 58 de la Constitution.

Article 137
La décision du gouvernement de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire est communiquée au président de la Chambre des représentants, qui la notifie immédiatement à la Chambre. Toute discussion en cours du texte en question est immédiatement interrompue.

Article 138
La commission mixte paritaire se compose, en accord entre les deux Chambres, de six (6) membres, trois de la Chambre des représentants, nommés par le président de la Chambre en consultation avec le président de la commission concernée, et trois de la Chambre des conseillers. La commission se réunit au siège de la Chambre où le texte a été initialement déposé pour discussion. Elle élit son bureau de sorte que le président et le rapporteur suppléant soient de la Chambre qui abrite la réunion, et le vice-président et le rapporteur de l'autre Chambre.
La commission examine les dispositions objets du désaccord dont elle est saisie suivant la procédure ordinaire des commissions prévue par le règlement intérieur de la Chambre qui abrite la réunion.

Article 139
La commission mixte paritaire est chargée de proposer un texte sur les dispositions objet du désaccord. Le gouvernement peut soumettre le texte proposé par la commission aux deux Chambres pour adoption. Dans ce cas, aucun amendement n'est recevable sauf accord du gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 58 de la Constitution. La commission doit, lorsqu'il s'agit du projet de loi de finances, achever ses travaux et établir son rapport dans un délai n'excédant pas sept jours à compter de la date à laquelle le gouvernement l'a saisie, conformément aux dispositions de l'article 34 de la loi organique relative aux finances. Les travaux de la commission mixte paritaire s'achèvent avec l'élaboration de son rapport sur les dispositions objet du désaccord.

Article 140
Si la commission mixte paritaire ne parvient pas à proposer un texte commun au gouvernement en vue de sa présentation à la Chambre, ou si le texte proposé n'est pas adopté par les deux Chambres, le gouvernement soumet à la Chambre des représentants le projet ou la proposition de loi, modifié, le cas échéant, par les amendements résultant de la discussion parlementaire et adopté par le gouvernement. Dans ce cas, la Chambre des représentants ne peut adopter définitivement le texte qui lui est présenté qu'à la majorité absolue des membres la composant, conformément aux dispositions de l'article 58 de la Constitution.
Source : règlement intérieur du Parlement.
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«Les grèves donnent du contenu aux mots crus»


Entretier avec Karim Ghallab, ministre de l'Équipement et du Transport.

Il y a deux ans, selon vous, la réaction suscitée par le projet du code était le fruit d'une «manipulation et d'une surenchère politique». Le risque de reproduire le même scénario ne se pose-t-il pas pour la suite ?

Depuis la période à laquelle vous faites allusion, un dialogue social a été institué. Au contraire, dans leur grande majorité, sinon à leur unanimité, les syndicats font confiance au dialogue mis en place par le gouvernement. Au mois de Ramadan, on a tenu ensemble des rounds de négociations et de discussions qui se sont passés dans de bonnes conditions.

Le «long marathon» du nouveau code de la route consomme du temps et de l'énergie, surtout de votre département, et ce depuis le dépôt du projet au Parlement, le 15 janvier 2007. Quand sera-t-il entériné une fois pour toutes?

Il faut poser cette question aux parlementaires. Le gouvernement a une obligation de moyens, celle de pousser le débat et d'apporter les éléments de réponse aux parlementaires.

Quelles leçons peut-on retenir de l'échec du projet au tout début de la procédure législative ?

Ce n'est pas un échec. C'est un processus de dialogue. Il faut accepter d'avoir des débats nationaux. On doit « choisir un Maroc voulu ». Les réformes nécessaires impliquent des changements qui ne sont pas forcément perceptibles. Il faut que tout le monde se rende compte qu'il y a eu un changement. Les grèves, les débats, la mise en œuvre de la démocratie opérationnelle, tout cela donne du contenu aux mots crus «gouvernance, changement, réforme». Il aurait été anormal qu'un changement qui touche 30 millions de Marocains se passe sans qu'il y ait suffisamment de débats et d'échanges. C'est un processus positif d'une jeune démocratie. On a le droit de préserver les intérêts corporatistes mais sans laisser de côté l'intérêt général. Si on veut que le Maroc évolue, c'est au prix des changements qui passent par l'implication de la population.

Quitte à ce que ce soit au prix de votre popularité…

Ce prix n'a aucune commune mesure avec le prix de 10 tués par jour et de 4.000 morts par an.

Face aux grèves déclenchées autour de votre projet et à la décision récente du Conseil constitutionnel, n'avez-vous pas le sentiment d'être un ministre malchanceux ?

Je n'estime pas être un ministre malchanceux. Je suis un ministre qui a un programme et qui essaie d'avancer les questions dont il a la charge, dans le cadre de la loi et à la mesure des moyens dont il dispose. Il y a deux manières de gérer un portefeuille ministériel. Une qui consiste à maintenir les équilibres en vigueur avec tous les effets négatifs que cela génère. Lorsque vous passez en revue les différents secteurs, vous vous rendez compte que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de problèmes qu'il n'y en a pas. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de grèves qu'il n'y a pas de conflits. Malheureusement, dans notre pays, dans tous les secteurs, dans tous les ministères, il y a énormément de difficultés. Le gouvernement est là pour améliorer les choses et supprimer les problèmes existants. Ces changements, il faut les conduire de la manière la plus acceptable, de manière concertée, en intelligence avec les acteurs. Il ne faut pas les conduire d'une manière technique, mais plutôt politique. Que cela se traduit par des perturbations, des ralentissements ou par des succès, il faut s'adapter à la météorologie politique et essayer d'avancer, tout en gardant le cap. S'agissant du code de la route, le cap que nous nous sommes fixés est toujours le même. Cela dit, le ministre a un rôle mais il n'est pas tout-puissant dans son secteur comme vient de le montrer la décision du Conseil constitutionnel. Le ministre a un rôle de leadership qui dynamise l'action, mais l'ensemble des acteurs doit prendre ses responsabilités. Si la chaîne de transport est une chaîne où il y a différentes responsabilités, moi je ne suis que le chauffeur du code de la route. A charge aux autres de prendre leurs responsabilités.
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