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Les débuts ratés du 50 ppm

En décidant de diviser par 200 la teneur limite de son gasoil, de 10.000 à 50 ppm, le Maroc a de fortes chances d'être listé parmi les rares pays où il fait bon vivre dans le monde. La qualité de l'air sera nettement améliorée à compter du 1er avril prochain.
La surenchère médiatique ayant marqué la transition vers les nouvelles normes environnementales du carburant est quelque part justifiée.

Les débuts ratés du 50 ppm
Une carence de communication a caractérisé cette étape décisive non seulement du côté des autorités de tutelle, mais aussi auprès des distributeurs des produits pétroliers. Comme cela a coïncidé avec les jours fériés des nouvelles années 1430 et 2009, le message du communiqué conjoint du ministère des Affaires générales et du département de l'Energie a pris du temps avant d'être compris par les usagers de la route. On a appris donc avec un peu de retard que la mise en place définitive du nouveau gasoil ne sera effective qu'à partir du 1er avril prochain mais rien ne filtre encore quant aux causes du décalage d'approvisionnement observé au sein de la communauté des distributeurs. D'où la panique presque généralisée des consommateurs le jour de la migration, à tel point qu'on a pu recenser autant de points de vente perturbés par la pénurie de leurs stocks. La Samir, l'unique raffinerie de la place, ne serait apparemment pas encore prête à subvenir aux besoins de l'ensemble du marché en gasoil 50 ppm. Le projet de modernisation de ses installations, lequel aura nécessité la bagatelle de 9,2 milliards de DH, a été certes bien avancé, mais les travaux sont loin d'être achevés.

Et même si elle arrive à faire fonctionner sa pleine capacité de raffinage, le Maroc restera structurellement dépendant de l'importation du gasoil à l'instar des autres produits pétroliers. Les distributeurs sont désormais libres de s'approvisionner soit auprès de la Samir soit auprès des raffineries étrangères. L'importation du gasoil n'est soumise ni au certificat d'importation ni aux droits de douane. Aucune barrière à l'importation n'est adossée aux produits pétroliers.
La dépendance à l'extérieur est l'une des principales caractéristiques du bilan énergétique national. Il faut savoir que quatre produits seulement représentent 95% de la consommation au Maroc (21% pour le GPL importé à hauteur de 90%, 52% pour le gasoil ainsi que le jet -carburant avion- importés à hauteur de 35%, enfin 22% pour le fuel. S'agissant du fuel, la situation s'annonce encore délicate dans la mesure où juste après la fermeture de la raffinerie de Sidi Kacem prévue cette année, le Maroc deviendra déficitaire sur ce créneau et se verra dans l'obligation d'importer ce produit pour pouvoir subvenir aux besoins. Il est aussi nécessaire d'augmenter la capacité de raffinage actuelle rien que pour résorber le déficit potentiel en fuel et atténuer au passage les importations en gasoil.

Ces axes font d'ailleurs partie de la stratégie nationale à l'horizon 2030 et qui prévoit une suffisance des capacités de stockages actuelles et celles en cours de construction à partir de l'année 2020. L'objectif étant de garantir 90 jours de stocks de sécurité tout en réduisant la part des produits pétroliers dans le bilan énergétique. Parmi les actions préconisées à cette fin, il s'agit de les remplacer par des énergies renouvelables dans le secteur industriel et d'améliorer l'efficacité de l'utilisation des carburants dans les activités de transport. La stratégie énergétique accorde par ailleurs une attention particulière à la tarification des produits pétroliers qui sera orientée vers une administration des prix des produits dits sensibles, notamment le gasoil et le butane conditionné. Quant aux autres produits, on assistera à une libéralisation progressive de leurs prix.
La carence de communication caractérisant le passage vers le gasoil 50 ppm concerne deux volets essentiels. L'un d'ordre tarifaire; l'autre d'ordre environnemental, voire sanitaire. Du côté des prix, avant la publication du communiqué du gouvernement, le public a été victime d'une manipulation à grande échelle. En cherchant le scoop, certains médias sont tombés, Unes à l'appui, dans le piège de la désinformation.

On a vite oublié que l'annonce de la structure des prix obéit à une procédure stricte renouvelable tous les quinze jours et que tout le monde, surtout les commerçants du carburant afin d'éviter les pratiques spéculatives, doivent avoir accès aux nouveaux tarifs, si nouveaux il y en a, au même moment. Il se trouve que cette fois-ci, la particularité de la nouvelle structure des prix émane du passage du 10.000 vers le 50 ppm. Contrairement à ce que certains ont dû penser, une migration pareille ne se fait pas en temps réel. Maintenant, la décision prise par le gouvernement paraît clairement rationnelle. Tant que le gasoil 10.000 ppm est encore disponible sur le marché, il n'y a pas de mal à maintenir le tarif à son cours normal, soit 7,22 dirhams le litre. Par contre, pour les consommateurs du 350 ppm (ce gasoil est considéré jusque-là comme un bien de luxe au sens du système de compensation), tant qu'ils pourront s'approvisionner d'ores et déjà en 50 ppm, le prix de ce dernier a été arrimé sur celui du « défunt » 350 ppm, soit 10,13 dirhams le litre. Autrement dit, les prix n'ont finalement connu aucune augmentation mais juste pendant cette période transitoire. D'ici le 1er avril, date de disparition du 10.000 ppm, le gouvernement est appelé à trancher sur la tarification du 50 ppm qui sera l'unique gasoil commercialisé sur le marché. Mardi dernier, en réponse à une question orale à la Chambre des conseillers, le ministre des Affaires générales, Nizar Baraka, a rassuré que le nouveau gasoil « ne restera pas à son cours actuel après sa généralisation en avril », et que le nouveau prix « ne peut s'établir qu'à un niveau qui préserve le pouvoir d'achat du citoyen ».

La baisse des prix de produits pétroliers, réclamée ces derniers temps par les syndicats et les citoyens d'une manière générale, déplace le débat, loin des normes ppm, vers un autre terrain. Celui du principe d'indexation qui consiste à varier les prix à la pompe, à la hausse ou à la baisse, selon la conjoncture internationale. Le gouvernement, rappelons-le, a dû geler l'application de ce principe pendant longtemps rien que pour préserver les citoyens des répercussions directes et aussi indirectes du choc pétrolier de l'année 2008.
On imagine mal les niveaux d'inflation qu'aurait dû atteindre l'économie marocaine au cas où ce principe fut appliqué durant l'exercice de 2008 qui, malgré tout, a fini avec un taux d'inflation proche de 4% et près de 6,8% du côté de l'indice des prix des produits alimentaires. Sachant que l'augmentation des prix des carburants, remontant au 1er juillet 2008, n'a surtout pas touché le gasoil normal et le gaz butane qui absorbent pourtant plus de 80% des subventions globales et qui représentent plus de 76% de la consommation nationale en produits pétroliers, et ce malgré le renchérissement continu, à cette époque, de leurs cours sur le marché international.

La donne a certes changé depuis cette date, les cours du baril se situent ces derniers jours autour de 40 dollars et tout plaide pour un réajustement à la baisse des prix à la pompe. Ce n'est pas le gouvernement qui dira le contraire. On est déjà rassuré sur ce registre. Selon Nizar Baraka, une révision des prix aura lieu dans les prochains jours en marge de l'annonce de la prochaine nouvelle structure des tarifs. Au-delà de sa tarification, l'impact du nouveau gasoil sur l'environnement est indéniable. Jusqu'à ce jour, avouons-le, on a l'impression que cette dimension n'est pas suffisamment mise en valeur (sensibilisations à travers les médias, notamment la radio et la télévision). Il faut savoir que l'introduction du gasoil 50 ppm, conjuguée à la suppression de l'essence plombée, permettra au Maroc de réduire respectivement 54.000 tonnes de souffre et 760 tonnes de plomb chaque année. L'impact sur la santé humaine est indiscutable. Les maladies respiratoires recensées essentiellement dans les centres urbains sont liées fortement à la pollution atmosphérique des produits pétroliers. Voilà pourquoi la lutte contre une haute teneur en soufre a été érigée sous d'autres cieux en priorité de santé publique. En Europe par exemple, cette thématique est réglementée par une directive spécifique. Une diminution en deux étapes a été programmée sur 4 ans: d'abord à travers le passage vers un carburant de bas soufre 50 ppm depuis le 1er janvier 2005. Puis, une introduction progressive de carburants dits «sans soufre» à 10 ppm dès le début 2005, pour une généralisation à partir du 1er janvier 2009.

Par anticipation de cette directive européenne, la France a introduit progressivement du gazole à 10 ppm, et ce depuis mi-2005. Plus de 400 stations-service, choisies en concertation avec les autorités publiques, commercialisaient déjà du gazole sans soufre. La migration s'est donc faite sur quatre ans. Le cabinet de consultant International Fuel Quality Center (IFQC) s'attend à ce que le carburant diesel 10 ppm pénètre la quasi-totalité de l'Union européenne en 2009. Sachant que les pays de l'UE font partie du top 50 du classement mondial des 100 premiers pays ayant réduit la teneur en soufre dans leur gasoil. De nombreux pays de l'Asie figurent près du sommet du classement, dont la Corée du Sud (35e) et Hong Kong (36e), tout juste après le Canada (33e) et les Etats-Unis (34e). La Chine, elle, a réalisé d'importants progrès avant les Jeux olympiques de Beijing, ce qui lui a permis de se classer au 65e rang du classement de l'IFQC. En décidant de diviser par 200 (de 10.000 à 50) la teneur limite de son gasoil, le Maroc a ainsi de fortes chances d'être listé parmi les rares pays où il fait bon vivre dans le monde.
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Questions pratiques

Est-ce qu'on peut mélanger les carburants sans soufre et les carburants classiques ?

Durant les périodes de transition, plusieurs qualités de carburant sont susceptibles de cohabiter. Ils seront utilisables en mélange sans aucun problème. Les manuels constructeurs spécifieront très clairement les exigences carburants en termes de soufre pour les véhicules à venir.

Pourquoi ne pas retirer la totalité du soufre ?

La teneur naturelle en soufre est de l'ordre de 1% pour le gazole et de 0,2% pour les essences. Avec le 10ppm (en vigueur en Europe depuis le 1er janvier 2009), 99,9% du soufre est éliminé. Supprimer le restant impliquerait, au niveau du raffinage, un surcroît considérable d'émissions de CO2 qui cette fois-ci ne seraient pas compensées par les gains d'émissions du transport routier.

Que devient le soufre extrait du carburant lors du raffinage ?

Une fois isolé, le soufre entre, en qualité de matière première, dans la fabrication d'engrais, de l'acide sulfurique et d'autres produits chimiques.

Quelles sont les conséquences pour les véhicules fabriquées avant 1990 qui n'ont pas de pot catalytique ?

Aucune. Ces véhicules peuvent fonctionner quelle que soit la teneur en soufre des carburants.

Quelle incidence pour les voitures diesel plus récentes équipées de pot catalytique ?

Grâce à l'additif lubrifiant incorporé au gazole sans soufre, les systèmes d'injection verront leur fiabilité préservée. Aucune incidence sur les diesels modernes à haut rendement qui fonctionnent avec des pressions d'injection élevées, qu'ils fassent appel à une rampe commune ou à des injecteurs pompe.

Pourquoi la consommation moyenne de carburant va-t-elle baisser ?

Sur les nouvelles motorisations, l'injection diesel haute pression, l'injection directe essence, la diminution de la cylindrée…seront autant d'éléments qui contribueront à la baisse de la consommation.
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«Nous sommes dans un système compensé»*

« Les prévisions établies à l'international restent disparates. Pour le pétrole, certains parlent d'une fourchette allant de 60 à 120 dollars le baril. D'autres prévoient des variations de 80 à 140 dollars. Cela veut dire que personne ne maîtrise les prix. Si on reste dans une logique d'offre et de demande, le baril devrait rester à moins de 80 dollars. Mais si les fonds spéculatifs reviennent sur le marché, on peut se retrouver à 120 ou à 130 dollars comme on l'a vécu en 2008. Le projet de Loi de finances 2009 a été construit sur la base d'une moyenne de 100 dollars le baril. Autrement dit, si les prix augmentent, on est couvert sur le plan budgétaire. Mais au cas où les prix baisseraient, cela créera plus de ressources et moins d'endettement ou de déficit budgétaire. Nous avons préféré être prudents sur le baril du pétrole et sur le gaz, chose qui nous permet d'éviter l'expérience qu'on a vécue en 2008 lorsqu'on a été obligé d'injecter 14 milliards DH pour faire face à l'augmentation de la facture pétrolière…

Nous sommes dans un système compensé. La vérité des prix se pratique quand on est dans un système totalement décompensé. Aujourd'hui, l'offre disponible sur le marché est faite sur la base d'un baril à 110, voire 120 dollars et non pas à 60 dollars. Ensuite, nous continuons à compenser le gasoil (2,80 DH) et la bouteille de gaz (59 DH). Nous sommes dans une logique qui fait qu'on résiste. Il y a toujours des réactions à l'augmentation. Tout le monde suppose qu'il est naturel de baisser aussi les prix. Quand on peut le faire, on n'hésite pas. On va observer ce qui va se passer en 2009 et rien n'interdit qu'on aille dans cette logique si les choses se stabilisent et qu'on sent véritablement qu'on ne va pas rentrer dans des volatilités ingérables. Maintenant, les prix ne se sont pas encore stabilisés. Il est difficile de faire une projection parce que personne ne maîtrise l'évolution des cours. Certes, aujourd'hui, il y a moins de pression sur l'Etat.

Quand on prend la moyenne constatée cette année, on est encore à 105 dollars le baril, alors que le budget de 2008 avait retenu une moyenne de 75 dollars, soit un additionnel de 40 dollars le baril. En plus, en 2009, on va introduire le gasoil 50 ppm (particule par million en soufre). C'est une bonne chose pour l'environnement et pour la santé des citoyens. Le gasoil 10.000 ppm et le 350 ppm vont disparaître. Le 50ppm engendre un coût supplémentaire de 80 centimes. Intrinsèquement, le 50 ppm est plus cher que le 10.000 ppm. C'est une équation qu'il faut intégrer dans la projection. Donc, lorsqu'on est dans un système compensé, il n'y a pas d'automaticité qu'on peut retrouver dans d'autres pays. »

*Extraits d'un entretien accordé par le ministre de l'Economie et des Finances au Matin Eco, début novembre 2008. A ce moment-là, le prix du baril oscillait autour de 60 dollars. Aujourd'hui, il flotte tout près de 40 dollars.
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