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«L'Administration se confirme dans son rôle de stratège»

Interview avec Anis Birou, Secrétaire d'Etat chargé de l'Artisanat.

«L'Administration se confirme dans son rôle de stratège»
La mise en œuvre de la stratégie de l'artisanat va bon train. Le secrétariat d'Etat chargé de l'Artisanat met tous les atouts de son côté (organisation, formation, promotion…) pour accélérer la concrétisation des chantiers prévus par cette feuille de route. Dans cette interview, Anis Birou, secrétaire d'Etat chargé de l'Artisanat, revient sur les principaux projets de son département, en affichant sa satisfaction quant aux réalisations.

Eco Plus : Quel est l'état d'avancement d'une manière générale de la mise en œuvre de la stratégie de l'artisanat ?

Anis Birou : Aujourd'hui, il est possible de se prononcer objectivement sur l'évolution du secteur de l'artisanat à fort contenu culturel au Maroc avec des chiffres et tendances à l'appui. Ces données sont issues d'enquêtes et investigations sur le terrain, et là réside la première réalisation dans le cadre de la nouvelle stratégie de l'artisanat, chose qui n'a jamais été possible par le passé.

L'observatoire de l'artisanat a pu effectivement durant moins de deux années, et pour la première fois dans notre pays, rendre disponible des indicateurs stratégiques du secteur et ce, en s'appuyant sur des bureaux d'études internationaux et nationaux qui ont travaillé ensemble dans le cadre de conventions de partenariat. Un premier panorama de l'artisanat a déjà été publié et les indicateurs des années 2006, 2007 et 2008 sont disponibles et permettent de dégager les premières conclusions concernant les caractéristiques du secteur et son évolution. Il ressort des premières données de l'observatoire de l'artisanat, une augmentation de 6,5% du chiffre d'affaire global en 2007, première année de mise en œuvre de la stratégie, et une augmentation encore plus importante qui a atteint 17,9% durant la deuxième année de mise en œuvre, en l'occurrence 2008.
Pour les chiffres de l'année 2009, le département vient de sélectionner le Cabinet d'études qui va l'accompagner pour le calcul des indicateurs stratégiques, du fait que les enquêtes des indicateurs de l'année (n) ne peuvent se faire qu'après 2 à 3 mois du début de l'année (n+1).

Cette dynamique que connaît le secteur a rendu la détermination du gouvernement encore plus importante pour accélérer la cadence de réalisation de la stratégie. L'indicateur le plus significatif et le plus parlant à ce titre est le budget d'investissement alloué au secteur qui est passé de 74,8 MDH en 2008 à 167,6 MDH en 2009 et à 310 MDH en 2010. La transition de l'administration marocaine est ainsi confirmée vers un rôle de stratège qui conçoit les programmes de développement et en assure le suivi et l'évaluation, et à celui d'entraîneur qui choisit des axes de développement, oriente et encadre les acteurs privés pour la mise en œuvre de ces axes et la création de nouveaux emplois. Dans ce cadre de contractualisation entre le gouvernement et les représentants des professionnels, 45 des 47 articles du contrat-programme signé sous la présidence effective de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ont déjà été activés. Les trois grands axes pour l'action gouvernementale dans ce sens ont déjà connu des réalisations dans un délai relativement court (…).

Et qu'en est-il du projet de la création d'un label Maroc pour bâtir l'image de marque marocaine auprès des consommateurs ?

Le département de l'Artisanat s'est engagé dans un programme normatif des produits et services afin de généraliser les différents outils que propose le système normatif national et les outils de la propriété industrielle : certification, normes d'application obligatoire, labellisation, marque collective de certification, indications géographiques etc.

La flexibilité de ces outils permet à tous les artisans ayant une volonté d'amélioration de la qualité, de se regrouper librement et de fédérer leurs efforts pour améliorer leurs produits, se protéger contre la contrefaçon et promouvoir leurs signes distinctifs.

C'est pourquoi nous avons mis en place un programme de normalisation concernant les différentes filières du secteur à travers la création de plusieurs comités techniques. Ce travail a permis l'homologation d'environ une centaine de normes relatives aux filières du tissage, du cuir, de la dinanderie, de la poterie céramique, de la bijouterie, des bougies et de la coiffure.

Un plan d'actions annuel est élaboré afin de répondre aux différents besoins des filières en matière de normes. L'application des normes et leur utilisation pour l'élaboration de chartes qualité sont des étapes décisives pour l'amélioration de la qualité des produits et des services du secteur et pour l'introduction de la démarche qualité collective au sein des milieux professionnels.

Cette étape nécessite l'identification de laboratoires et centres d'essais agréés, pour pouvoir faire bénéficier les unités de production artisanales des marques collectives de certification, des indications géographiques et autres labels.
Dans ce cadre, le département de l'Artisanat a contractualisé avec des laboratoires et centres d'essais spécialisés dans les différentes activités du secteur pour l'ensemble des marques de certifications en cours d'exécution et celles programmées ultérieurement.

L'expérience en matière de contrefaçon de quelques produits de l'artisanat marocain a mis en évidence l'intérêt de mettre en place des actions ciblées de protection qui ont démontré leur efficacité sur le territoire national : contrôles douaniers, mention du pays d'origine, normes obligatoires, etc.

Il est à signaler que d'autres actions sont déjà entreprises par le département de l'Artisanat. Il s'agit de la marque de certification MADMOUN pour la poterie culinaire, du projet de décret relatif aux indications géographiques, du projet de marques de certification pour le tapis Rbati et pour la Babouche. D'autre part, dans l'objectif de préserver et protéger le patrimoine de l'artisanat et de promouvoir le développement des métiers, le département de l'Artisanat a lancé une étude pour répondre à cette problématique.

La promotion du secteur à l'étranger a-t-elle pu jouer un rôle dans ce sens ?

La promotion a joué un rôle capital dans le développement de la présence des produits de l'artisanat marocain à l'étranger et la connaissance de l'offre MAROC. En effet, elle a permis aux différents intervenants étrangers de s'informer sur les produits de l'artisanat marocain et sur leur qualité, ce qui s'est traduit par le nombre de commandes réalisées par nos opérateurs lors des différents salons professionnels, ainsi que par le nombre d'acheteurs potentiels contactés, ou par les achats effectués lors des foires commerciales.

La promotion à l'étranger a aussi permis de développer d'autres filières. Ainsi, jusqu'aux années 80, 80% des exportations étaient des exportations de tapis contre 14% en 2008. Ainsi, d'autres filières ont acquis leurs parts dans les exportations comme la poterie ou le fer forgé (18%), les articles en bois (11%), la vannerie ou la maroquinerie ou les vêtements (6%), et ce grâce à la promotion à l'étranger qui a permis aux opérateurs de s'aligner aux goûts des consommateurs des pays de destination.

C'est grâce aussi à la présence dans les salons professionnels et dans les manifestations commerciales que plusieurs opérateurs ont vu leurs structures s'améliorer et ont pu atteindre un rythme de croissance important.
Une grande majorité de ces opérateurs constituent le noyau de la FEA (Fédération des entreprises de l'artisanat).

D'autre part, la promotion à travers les semaines marocaines ou la présence dans les réseaux de distributions importants (Kadewe, Galeries Lafayette) a aussi permis à d'autres catégories de personnes dans les pays ciblés de voir de près les produits de l'artisanat et la qualité de l'offre, ce qui a donné des idées de partenariats avec des producteurs marocains. Les demandes de mises en relation et les visites qu'on reçoit au cours de l'année témoignent du rôle de l'effort de promotion effectué à l'étranger.

Enfin, la communication, à travers les compagnes publicitaires, dans les supports media et hors media étrangers, ainsi que les voyages de presse et les publications dans les revues spécialisées ont aussi joué un rôle important dans la promotion du secteur. On peut dire que la promotion de l'artisanat à l'étranger a atteint, en partie, son rôle. Cependant, le chantier demeure ouvert et il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Et comment se comporte le secteur à l'export ?

Les exportations du secteur ont accusé en 2007 et 2008 des baisses respectivement de 8 et de 19%. Bien qu'il soit très important de suivre l'évolution des exportations, l'impact de ces dernières sur le niveau d'activité global reste très limité dans la mesure où elles ne représentent que 4% du chiffre d'affaires global du secteur.

Conscient de l'importance d'accompagner les opérateurs exportateurs du secteur surtout durant la période de crise, le Secrétariat d'Etat a mis en place une cellule de veille et a établi un plan d'actions spécifique dont certaines mesures sont déjà engagées notamment en matière de promotion.

Quant au système de calcul des exportations en lui-même, il présente quelques difficultés puisqu'il est basé sur le principe déclaratif auprès des délégations de l'artisanat et qu'une grande partie des produits de l'artisanat traverse le territoire national sans être enregistrée dans le registre des exportations.

Cela s'explique notamment par l'absence d'une nomenclature spécifique au secteur de l'artisanat et par le fait que les produits de l'artisanat sont transportés parfois en dehors du territoire national sans être déclarés en raison des valeurs ou quantités de ces produits qui sont faibles, ce qui reste une caractéristique du produit artisanal à l'inverse d'autres produits à l'export.

Pour remédier à cette situation, nous travaillons sur deux volets. Le premier volet consiste à réviser le système de calcul des exportations en établissant un diagnostic détaillé du système actuel et mettre en place un nouveau système mieux adapté donnant les valeurs réelles des exportation marocaines. Le deuxième porte sur la mise en place d'une nomenclature spécifique au secteur de l'artisanat qui permettra de mieux suivre l'évolution du secteur en général et des exportations en particulier.

Quel rôle joue le marché local actuellement pour faire vivre ce secteur et atténuer les aléas de la demande étrangère?

En dépit des effets de la crise économique et financière internationale, notamment sur les exportations, le chiffre d'affaires global des ventes des produits de l'artisanat est passé de 9,67 milliards de DH en 2006 à 10,3 MMDH en 2007 pour atteindre 12,15 MMDH en 2008, soit une augmentation annuelle durant les deux dernières années de 12%. Cette tendance confirme l'importance qu'occupe le marché local pour l'écoulement des produits de l'artisanat marocain.

Signalons tout d'abord que l'activité se concentre chez les mono artisans urbains qui représentent environ 77% du chiffre d'affaires total du sous-secteur productif de l'artisanat à Fort contenu culturel (FCC).

Cette donnée reflète l'importance du marché local compte tenu du facteur de proximité des mono artisans avec les concentrations des populations qui ont un potentiel d'achat.

En effet, la répartition des ventes par type de client montre clairement l'importance du marché local :
Il existe une forte dépendance commerciale du secteur vis-à-vis des ventes aux ménages résidents (50% des ventes) et des ventes aux commerçants (30%), qui absorbent à eux seuls 80% des ventes totales des artisans.
De même, les produits vendus par les artisans aux commerçants sont en partie écoulés sur le marché local puisque les principaux clients des commerçants sont les ménages résidents (44%) suivis par les touristes étrangers (35%), suivis par les Marocains résidents à l'étranger (12%).

Les ménages résidents sont les principaux clients des artisans dans toutes les villes, sauf à Fès, où les ventes aux commerçants sont la principale source de chiffre d'affaires.
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Répartition des revenus du secteur

Selon Anis Birrou, Secrétaire d'Etat chargé de l'artisanat, les revenus du secteur profitent aux artisans, mais également aux commerçants. En fait, les artisans réalisent déjà avec les ménages 50% de leur chiffre d'affaires global et avec les commerçants 30% de ce même chiffre d'affaires global. De même, une partie des artisans ne peut écouler sa marchandise sans le recours aux commerçants. Pour les commerçants dont les principaux clients sont les ménages résidents (44%) suivis par les touristes étrangers (35%), le chiffre d'affaire moyen par commerçant s'élève à 438.636 DH. Ceci met en évidence également l'importance des commerçants pour toucher la cible touristes du fait que le pourcentage des clients touristes des commerçants (35%) est environ 12 fois celui du pourcentage des clients touristes des artisans (3%). Ceci s'explique par le fait que les commerçants disposent de plates-formes de commercialisation adaptées mais également d'un savoir-faire dans leur métier que tous les artisans ne peuvent pas avoir.
Signalons également que les commerçants jouent un rôle important dans la création d'emplois car le niveau moyen de l'emploi chez les commerçants est de 3,5 employés par commerce et la valeur la plus élevée s'obtient à Marrakech avec 9,1.
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