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La nécessaire structuration

Transition. L'événementiel est en plein essor au Maroc. Les facteurs déclencheurs sont l'engouement des opérateurs télécoms et des grands groupes marocains pour la communication événementielle, et le foisonnement d'événements culturels et sportifs.

La nécessaire structuration
« Je suis incapable d'annoncer un seul chiffre sur l'événementiel au Maroc ». Soumia Idrissi, vice-présidente de l'Association marocaine des agences conseil en communication événementielle (AMAE), est plus que catégorique. Et pour cause, il n'y a ni études ni enquête qui ont été consacrées à cette filière. C'est le blackout ! En sondant les opinions de plusieurs professionnels de l'événementiel aussi bien marocains qu'étrangers, il semble que toute la chaîne de valeur de cette filière souffre de plusieurs déficits. « Par rapport à un pays comme la France, le décalage est de l'ordre de 20 ans », estime S. Idrissi. Ce qui ne manque pas d'impacter le produit final : l'événement.

Le désordre est le mot d'ordre !
Les agences d'événementiel, encore et toujours. Elles sont une dizaine. Par définition, leur intervention se fait en trois étapes : le conseil et la création, la conception et la coordination, et la production technique de l'événement. Chose que, malheureusement, n'arrive pas à comprendre les donneurs d'ordre qu'ils soient des entreprises privées, des collectivités locales ou d'autres organismes. Généralement, « ils réduisent notre travail à assembler les différents métiers de l'événementiel. Ce qui fait qu'on a du mal à vendre notre savoir-faire, notamment la partie conception et création», précise S. Idrissi. Ce que reconnaît également le président du Groupement des annonceurs du Maroc (GAM), Kamal Bouayad. « Un effort didactique doit être fourni auprès des donneurs d'ordre », propose-t-il. Tout en étant d'accord avec ces propos, Mouad Jamaï, gouverneur secrétaire général de la wilaya du Grand Casablanca, estime qu'il faut définir des critères facilitant aux donneurs d'ordre de faire le bon choix entre les agences d'événementiel.

En effet, dans le monde de l'événementiel, « bien choisir son agence est une des premières clés pour réussir son événement. Il s'agit en effet de choisir l'agence qui corresponde le mieux à vos besoins, et qui réponde parfaitement à votre cahier des charges», conseille-t-on auprès de l'Association française des agences de communication événementielle (ANAé). A cet effet, cette dernière présente chacune de ses agences membres avec la description de ses principaux responsables, de ses chiffres et de son positionnement (spécialisée dans l'organisation de séminaires, réunions ou assemblées générales, conventions, congrès, salons professionnels, événements grand public ou corporate…) ainsi que ses principales références.

Au Maroc, on n'en est pas encore là. «Le désordre est le mot d'ordre», schématise un professionnel. En dehors de certaines agences qu'on peut compter sur les bouts des doigts, la filière est envahie par des « agences parasites » qui travaillent pour le compte de tiers ou créent et organisent leurs propres événements. Et là, bonjour l'amateurisme ! « Bricolage, bradage, improvisation… on ne se fait pas de souci en faisant les choses à tâtons », pense Karim Skalli, directeur général de KS Events. Ce manque de professionnalisme est dû, entre autres, au déficit de formation. En effet, « l'événementiel est l'un des seuls métiers à pouvoir intégrer de multiples domaines d'expertises », précise le responsable pédagogique de l'Institut français de l'Événement ANAé, Olivier Mothes. Il n'est pas rare, ajoute-t-il, de trouver des professionnels de l'image, du cinéma et de l'audiovisuel, d'autres du monde du spectacle, des arts et du théâtre, des consultants en communication ou en publicité, des financiers… et même des journalistes. Cette diversité d'offres, indique-t-il, est une « force plurielle « génératrice de créativité mais aussi une faiblesse quand il s'agit d'homogénéiser les contenus des formations initiales, de niveler la qualité des prestations ou encore de clarifier les profils métiers.

C'est pour cela que l'Institut de l'Evénement ANAé propose des formations adaptées à cette pluralité. D'autres écoles de communications et des médias ont franchi également le pas, en proposant des formations en management des événements. « Au Maroc, il n'y a pas de formation ad hoc », reconnaît d'emblée Hicham Tayek, directeur général adjoint de l'agence d'événementiel LTB. A titre d'exemple, les chefs de projets événementiels, qui sont à l'événement ce que les chefs d'orchestre sont à la symphonie, «viennent d'horizons très divers.

Ils ont généralement un bac+4 ou plus en marketing, publicité, communication et commerce ». En l'absence de formation spécialisée, l'important est l'expérience du terrain acquise au cours des stages en entreprise ou en agence.

Pas de commission préfectorale
Par conséquent, l'organisation des événements en pâtit. L'exemple le plus édifiant aux yeux des professionnels est celui de la sécurité de l'événement. C'est, en principe, au directeur technique de l'événement de s'en charger. « Jusqu'à présent, les organisateurs n'offrent pas les mêmes garanties de sécurité comme en France », constate Yves Derisbourg, fondateur de l'agence française d'événementiel R.T.P.C qui organise pas mal d'événements au Maroc. « Il y a tellement de matériel technique pour avoir la sécurité totale ». Il n'y a pas de baraka ! « Tout événement est un vrai chantier dans la conduite duquel les bonnes pratiques doivent primer », recommande-t-il. C'est clair, il ne faut pas jouer avec la vie des participants.

Un autre déficit, et pas des moindres, « l'absence ou la quasi-absence d'une commission préfectorale », s'étonne Y. Derisbourg. Cette commission voit, en principe, si l'organisation d'un événement à l'échelle de la préfecture se déroulera dans de bonnes conditions ou non. Et même si elle existe, « on arrive, à la marocaine, à s'arranger avec elle en cas de problème », réagit la vice-présidente de l'AMAE. De ce fait, certains événements sont même organisés sans assurance, « quoique certains courtiers marocains assurent les événements », ajoute S. Idrissi. Cet état des lieux, pour le moins pas rassurant, « pousse certains grands groupes marocains, comme l'Office chérifien des Phosphates (OCP), à ne pas faire appel aux agences nationales pour leurs événements internationales », fait savoir K. Bouayad, qui est à la fois président du GAM et directeur de la communication et des relations externes du Groupe OCP.

Le deuxième grand problème dont souffrent les professionnels de l'événementiel est relatif aux infrastructures. Le déficit en site ad hoc pour les événements grand public, par exemple, est à la fois quantitatif et qualitatif. « On n'a pas beaucoup d'endroits », souligne Moula Nair, directeur associé de Blue Moon, agence spécialisée dans l'organisation des shows de magie. « Et les endroits dont nous disposons ne nous permettent pas d'accueillir assez de monde », ajoute-t-il. Même son de cloche auprès de Megalie Garcia, directrice relations internationales de World Show Productions, une agence qui amène des artistes étrangers à se produire au Maroc. « Les événements que nous avons organisés nous ont montré que les Marocains commencent à sortir du triptyque maison/boulot/café », remarque M. Garcia. Toutefois, « le problème de capacité d'accueil des sites fait qu'on ne peut pas appliquer une politique tarifaire favorable à toutes les couches sociales », reconnaissent les deux professionnels. « On ne peut pas vendre des tickets à 100 DH pour des spectacles qui nous coûtent cher », explique M. Nair. Bien plus, « certains artistes étrangers nous imposent des critères dans le choix des salles dans lesquelles ils pourront se produire. Ce que ne remplissent pas les salles existantes », ajoute-t-il.

Des sites sous-exploités
A cet effet, le gouvernement, les collectivités locales et le secteur privé doivent travailler de concert pour doter la filière d'événementiel d'infrastructures solides. Dans la région du Grand Casablanca, au moins trois sites vont voir le jour, annonce Mouad Jamaï. Parmi les axes primordiaux, il relève la construction par la RAM de deux unités hôtelières à côté du Parc des Expositions de l'Office des Changes (OCEC). Un site sera également construit près de l'aéroport Mohammed V, et tout un parc des expositions sera édifié pas loin du complexe sportif de Sidi Moumen. Objectif, semble-t-il, faire de Casablanca la capitale de l'événementiel au Maroc, et pourquoi pas de toute la région.

En attendant que ce problème soit résolu, « les agences doivent de leur part se mettre à innover », recommande le logisticien Karim Skalli, directeur général de KS Events. « Elles n'ont qu'à restituer certains sites comme les studios de Ouarzazate, tombés en quelque sorte en désuétude, les sites naturels de Marrakech comme Ksar el Bahya pour organiser des événements ». Et ce n'est pas Yves Derisbourg qui dira le contraire : il faut commencer par exploiter les endroits merveilleux dont regorgent le Maroc. À cet égard, selon une étude menée par l'ANAé, il ressort que le Maroc n'est pas bien classé dans les destinations à l'extérieur de la France pour organiser des événements. Ce sont les pays asiatiques, du Moyen-Orient et de l'Europe de l'Est qui attirent plus les organisateurs français. Ce qui va à l'encontre d'une étude espagnole récente, qui a classé le Maroc comme la troisième destination événementielle dans la région MENA après l'Egypte et Dubaï.

Quoiqu'il en soit, les représentants marocains des différents métiers de l'événementiel sont unanimes : « La filière est vouée à se développer très vite ». D'autant plus que « c'est à un boom de l'événementiel qu'on assiste depuis la fin du vingtième siècle », renchérit S. Idrissi. « Les facteurs déclencheurs sont l'engouement des opérateurs télécoms et des grands groupes marocains pour la communication événementielle, et le foisonnement d'événements culturels et sportifs », explique-t-elle. Des facteurs qui ne sont apparemment pas prêts à arrêter à produire leurs effets. L'avenir en rose !
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Questions à

«La structuration du métier passe par la définition des rôles des acteurs »

LE MATIN ÉCO : Tous les professionnels sont unanimes sur la nécessaire structuration de l'événementiel au Maroc. Quelle perception portez-vous sur cette filière ?

Mehdi Bennis :
L'événementiel est le quotidien d'un nombre important d'opérateurs économiques. C'est un outil hors média qui s'exécute de plusieurs manières, dont la finalité est de réaliser des projets (conférences, team building, lancement de produits, incentive, salons et foires, etc.). La structuration du métier passe par la définition des rôles des acteurs et permettra de répondre à deux questions : qui est qui et qui fait quoi ? Notez qu'il s'agit d'un métier qui connaît un boom au niveau de la demande sans que celle-ci n'ait été précédée ou accompagnée par des normes qui définissent le métier et délimite ses contours, les responsabilités de ses acteurs.

Le salon de l'événementiel était-il un succès ?

Organisateurs et exposants ont fait en sorte que ce soit un succès. Désormais, chacun de nous porte un regard nouveau sur le métier. Les exposants, à travers la qualité de leur représentation et les animations proposées, ont fait passer un message très clair : Au Maroc, nous pouvons accueillir des événements de grande envergure et nous avons la certitude de les réussir. Côté statistiques, nous avons comptabilisé plus de 7.000 visiteurs professionnels et plus de 12.000 visites durant les 3 jours (un même visiteur est revenu plusieurs fois au salon). Sur un petit échantillon, nous avons pu établir le temps moyen de visite autour de 5 heures. Cette durée s'explique par la qualité et la richesse de l'animation qui tenait en haleine chaque visiteur… En d'autres termes, nous avons fait en sorte que Dom & Event soit l'évènement tant attendu par la filière évènementielle. Un autre chiffre significatif : 96% des exposants ont exprimé leur satisfaction par rapport à l'organisation. Le salon a été un grand moment pour la filière évènementielle et nous pensons que ses fruits profiteront au Maroc, qu'il s'agisse des professionnels à proprement dit ou de leurs donneurs d'ordres nationaux et internationaux.

L'AMAé est née

L'annonce a été faite lors du salon de l'événementiel tenu du 22 au 25 janvier. L'Association des agences conseil en communication événementielle (AMAE) a vu le jour à l'initiative de plusieurs agences, telles que A3 Communication, Autograph, Avantscène, Capital Events, Forum 7, Hors limite organisation, LTB (Le Team Briefing)... L'AMAE a pour principale ambition de valoriser et représenter les professionnels du secteur. Présidée par Adil Lazrak, sa mission consiste à échanger avec les clients sur les problématiques du métier, fédérer les professionnels performants sous un label de référence, participer activement à l'organisation du monde de l'évènement, proposer aux annonceurs les outils pour optimiser leurs relations avec les agences, représenter la profession auprès des instances publiques et professionnelles, qualifier et développer la formation professionnelle et être un observatoire permanent. A partir de 2009, plusieurs chantiers seront lancés. Au menu : un programme de labellisation par métier, une charte d'éthique, un code de déontologie, la création de cycles de formation ainsi que le lancement d'une étude approfondie sur le marché de l'événement au Maroc. L'objectif ultime de l'AMAE est de contribuer, dans la mesure du possible, à structurer les différents métiers de l'événementiel.
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