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Quand la navigation à vue se traduit par des pertes

La gestion des communes a été passée à la moulinette par les limiers des Cours régionales des comptes. Les dysfonctionnements sont légion et exigent des actions en conséquence. La preuve par les faits. Et ce n'est pas très drôle.

Quand la navigation à vue se traduit par des pertes
Les communes sont appelées à devenir ce qu'elles ont toujours dues être: des moteurs et des leviers de développement. Mais en toute vraisemblance, cela demande des prérequis qui ne sont pas encore réunis. Le constat est, certes, visible à l'œil nu, mais quand il est corroboré par le contrôle, il crève carrément l'œil. Or, ce constat a bel et bien été établi par le dernier rapport de la Cour des comptes, qui lui consacre des pages et des pages. Cette pratique est de rigueur depuis 2006 et se base, notamment, sur les rapports des Cour régionales des comptes (CRC). Pour l'exercice 2008, les manques et les insuffisances sont plus que flagrantes et hypothèquent largement le rendement attendu des communes. Plusieurs observations sont ainsi relevées. Le premier point qui se dégage est celui relatif à la faiblesse dans la programmation et la planification. Si l'article 36 de la Charte communale attribue aux assemblées délibérantes la compétence de l'examen et de l'adoption des plans de développement économique et social, la réalité des faits est que les bureaux de nos communes n'en tiennent pas rigueur, indique le rapport de la CC. Et d'ajouter que, sur la base des procès-verbaux que les limiers de la CC ont étudiés, les «conseils ne délibèrent que rarement sur les stratégies et les programmes d'action qu'ils envisagent de réaliser durant leur mandat», d'où des composantes de programmes qui « pèchent par leur caractère fragmenté et éparpillé», résultante logique de l'absence d'une vision claire quant aux priorités et moyens pour atteindre les objectifs escomptés.

Ceci pour une vue panoramique. A regarder de plus près, le rapport dégage ''une autre invariable'' dans beaucoup communes. Celle-ci est relative au fait que « les budgets communaux ne reflètent pas l'équilibre réels entre les recettes et les dépenses». Le constat d'abord: «De nombreux décalages sont enregistrés entre les prévisions budgétaires et les réalisations telles qu'elles sont retracées dans les comptes administratifs». Qu'est-ce qu'on peut en déduire? Tout simplement que la navigation à vue domine.

Plus encore, nos communes, quand cela leur arrive de lancer des projets, c'est comme si elles tiraient des plans sur la comète. Là encore, le rapport de la CC est sans équivoque. Le rapport indique qu'il a été constaté que de nombreuses communes n'ont pas recours, avant le lancement des projets, à la réalisation des études techniques, financières, économiques et sociales. Or, il va sans sire que l'impact sur les coûts se chiffre.

Patience, d'autres lacunes et dysfonctionnements sont également à méditer. Dans plusieurs communes, il suffit, parfois, de procéder par une déambulation pour se rendre compte de chantiers ouverts, mais dont l'exécution traîne. Le rapport n'a pas manqué de soulever l'observation. « Certaines collectivités locales entament l'exécution des projets économiques et sociaux pour les abandonner ensuite, ou suspendre les travaux qui les concernent, à une certaine étape de leur réalisation», dixit la CC.

Toujours est-il que ledit rapport ne se contente pas d'énumérer les défaillances, mais avance des recommandations. En premier lieu, les auteurs du rapport appellent à développer la fonction ''programmation et planification'', en maîtrisant les prévisions budgétaires. De même qu'ils soulignent l'importance de recourir, avant le lancement de tout projet, à des études techniques et de faisabilité, autant financière qu'économique. Par ailleurs, le document insiste sur l'impératif de « rationaliser davantage l'utilisation des deniers publics en les investissant dans des projets d'utilité publique et des projets d'infrastructures communales».
En entrant un peu plus dans le fonctionnement des communes, les enquêteurs de la CC ont trouvé bien de désagréables surprises. A commencer par les insuffisances en matière de gestion des ressources communales. De quoi s'agit-il exactement ? Le document parle de lui-même: «La gestion des ressources communales, aussi bien les ressources fiscales que les ressources domaniales, a permis d'identifier de nombreuses insuffisances. En effet, la mauvaise organisation des services fiscaux et l'insuffisance des moyens humains et matériels, mis à leur disposition, ne manquent pas de se répercuter négativement sur le rendement des ressources propres des communes, dont la charge du recouvrement est confiée à ces services». De fil en aiguille, on se retrouve devant le problème que les ressources propres des communes ne représentent qu'une faible part dans les budgets communaux. Ces derniers dépendant largement des ressources provenant de la TVA.

Pire encore. Dans de nombreux cas, les communes sont peu regardants quant à la fonction «recouvrement». Comme si elles ''baignaient sur un matelas financier'', elles omettent de recouvrer leurs dus. Le mot est lâché : ''laxisme''. En effet, les CRC ont « relevé l'accumulation des montants importants des restes à revouvrer», notamment en ce qui concerne les locations des immeubles à usage d'habitation ou de commerce, sans omettre de vue le « non-recouvrement des droits d'occupation temporaire du domaine public et des recettes de baux communaux».
Plus sombre encore. Le rapport relève que dans bien des cas, la valeur des montants des loyers mensuels est très en deçà de la valeur réelle des baux communaux. D'autant plus que certaines communes ne sont pas prompts à procéder à la révision des redevances locatives. Ce qui rend encore la situation plus absurde est que dans la plupart des cas, les contrats qui arrivent à échéance sont reconduits de manière tacite et sans révision à la hausse des loyers.
Voilà autant d'insuffisances qui méritent beaucoup plus que le constat, mais des actions pour y remédier.
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Insuffisances dans l'exécution des marchés publics

« Les missions de contrôle de la gestion concernant la commande publique ont permis de dégager les principales observations récurrentes, à savoir le recours excessif aux marchés dits de « régularisation », la non tenue des registres des Ordres de services, le recours abusif aux avenants et les insuffisances en matière de suivi et de contrôle technique de réalisation des marchés de travaux.
Recours excessif aux marchés dits de régularisation
La pratique de marchés dits « de régularisation » constitue une entorse au processus réglementaire de l'exécution des marchés publics. Le seul cas où cette régularisation est permise est prévu dans le cadre des marchés négociés lorsqu'il s'agit « des prestations urgentes qui intéressent la défense du territoire, la sécurité de la population ou la sécurité de la circulation routière, aérienne ou maritime, ou résultant d'événement politique exceptionnel, dont l'exécution doit commencer avant que toutes les conditions du marché n'aient pu être déterminées ». Les marchés à passer sous ce chef d'exception doivent être autorisés par le Premier ministre.
Or, il a été constaté que cette pratique est utilisée de manière courante et en dehors des considérations prévues par voie réglementaire, ce qui est de nature à porter atteinte aux principes généraux visés par la réforme, en l'occurrence la transparence dans les choix du maître d'ouvrage, l'égalité d'accès aux commandes publiques, le recours à la concurrence autant que possible et l'efficacité de la dépense publique.
En effet, le recours aux prestataires sans document contractuel implique automatiquement le choix d'un prestataire unique, ce qui ne garantit pas la transparence d'une part et limite l'égalité d'accès à la commande publique à défaut d'appel à la concurrence d'autre part. Cette pratique se prête à des interprétations de tendance douteuse au niveau de la détermination des prix.
En outre, le risque du manque d'efficacité de la commande publique est important du moment que l'administration n'est pas sûre d'avoir fait le bon choix en termes financiers et techniques, et du fait qu'en l'absence d'un document contractuel fixant les obligations de l'entreprise, l'administration n'est pas en mesure d'imposer la qualité requise des travaux ou des prestations.
A ce titre, la Cour des comptes considère qu'il devient nécessaire de remédier à ce problème en invitant les responsables des différentes administrations et entités publiques à éviter le recours aux marchés de régularisation, et ce en se conformant strictement à la réglementation en vigueur.
Par ailleurs, un système persuasif de suivi opérationnel et de sanction spécifique à ce genre d'errements devrait être institué au niveau des institutions concernées et pris en charge par les textes en la matière.

Repères

« Sur un total de 260 dossiers qui étaient en cours d'instruction durant l'année 2008, la Cour a jugé 44 dossiers, tandis que 19 étaient en instance de jugement à la fin de cette année. En ce qui concerne l'état d'avancement des autres dossiers, au 31 décembre 2008, il se présente comme suit :
• 57 dossiers sont en cours d'instruction ;
• 67 dossiers sont en phase de rédaction des rapports après achèvement de l'instruction;
• 56 dossiers transmis au Parquet pour dépôt de réquisitions ;
• 17 dossiers n'ont pas reçu les avis de leur poursuite devant la Cour.
L'année 2008 a connu également la tenue de 36 séances d'audition et l'élaboration de 61 rapports dont 5 relatifs à l'instruction provisoire, alors que les 56 autres concernent les dossiers envoyés au Parquet comme précité.
(Source : extraits du Rapport 2008)

La commune délègue et oublie…

« Certaines communes confient au secteur privé la gestion de services publics locaux dans le cadre de conventions de gestion déléguée. A cet égard, les CRC ont relevé un certain nombre de dysfonctionnements qui résultent, dans la majorité des cas, de l'ambiguïté des dispositions des cahiers des charges et du déséquilibre des clauses contractuelles concernant la répartition des obligations entre le délégant et le délégataire. Il a été relevé, aussi, l'absence de l'exercice du contrôle par les communes délégantes, sur l'exécution des clauses des cahiers des charges par le délégataire.
Ainsi, dans de nombreux cas, les prestations de services publics ne sont pas réalisées conformément à ce qui est stipulé par la convention. De même, les tarifs fixés par le contrat ne sont pas toujours respectés dans la mesure où les entités délégataires procèdent à leur modification sans consentement ou autorisation préalable de la commune cocontractante.
Afin de redresser cette situation, les Cours régionales des comptes recommandent aux communes de :
• Respecter les règles de transparence et de concurrence dans le domaine de la délégation des services publics communaux au secteur privé ;
• Assurer un suivi adéquat de l'exécution des conventions en chargeant un service spécialisé du suivi de leur mise en oeuvre;
• Accorder un grand intérêt au contrôle de la qualité des services rendus par le délégataire, tout en respectant les tarifs convenus à cet effet.
(Source : extraits du Rapport 2008)
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